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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/471

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lesquelles elle repose, se perdant dans l’abstraction. Il est faux de prétendre que la croyance ne se manifeste que chez l’individu peu développé et peu cultivé. Il y a des croyants sincères qui, sont, pourtant, pourvus d’une haute culture. Tolstoï était croyant et cependant on ne peut le taxer d’ignorance.

L’homme, à sa naissance, n’hérite pas seulement des tares physiques de ses ancêtres ; il hérite également de leurs tares morales et intellectuelles et ce n’est que lentement que l’individu se transforme. La croyance est un legs du passé. Les siècles d’esclavage qui nous ont précédé, l’obscurantisme religieux ont laissé des empreintes profondes sur les cerveaux. L’homme est imprégné de croyances : mais le travail d’évolution se poursuit, et de génération en génération, on voit de plus en plus s’effacer les préjugés qui obstruaient la route de la Vérité.

Les croyances disparaissent. Certes l’instinct et le sentiment jouent encore un grand rôle dans la vie des individus et des sociétés ; cependant, ils sont appelés à céder la place à la raison et les générations futures s’orientent de plus en plus vers la lumière, laissant derrière elles les croyances qui sont les derniers vestiges de l’ignorance et de l’erreur.


CRUAUTÉ. n. f. Inclination à faire souffrir ses semblables. La cruauté, dit Lachâtre, « est toujours un grand mal ; mais quand elle se trouve dans un homme revêtu de quelque autorité, elle devient un fléau ».

L’histoire est remplie d’actes de cruauté et certains d’entre eux sont devenus proverbiaux. Qui donc ignore la cruauté des Borgia et plus particulièrement de César et de Lucrèce qui furent cruels jusqu’au sadisme. Néron fut aussi un maître dans l’art de la cruauté. Ce tyran perverti et sanguinaire ne se plaisait que dans le crime et tout son règne est marqué de boue et de sang. Hélas ! La cruauté n’a pas encore disparu de la terre et, si elle n’emprunte plus la même forme et ne se réclame pas des mêmes principes, elle ne s’exerce pas moins sur une certaine classe d’individus. C’est la cruauté du juge qui s’abat sur le miséreux qui crève de faim et qui se révolte ; c’est celle du policier qui se manifeste au cours des démonstrations populaires ; c’est la cruauté des tortionnaires dont sont victimes les malheureux réfractaires envoyés dans les bagnes lointains. Et cependant, l’homme n’est pas cruel par nature ; il est rendu méchant par les rudes nécessités de l’existence, inhérentes au désordre social créé par le capitalisme et la bourgeoisie. Dans une société où le bonheur des uns ne sera pas fait du malheur des autres, l’homme n’aura aucune raison d’être méchant, et la solidarité effacera la cruauté.


CULTES. Les cultes solaires, origine du christianisme — Les mystères des premiers chrétiens et la communauté des femmes. — Dans mon article sur la Bible, j’ai déjà fait allusion aux ressemblances qui existent entre le christianisme et les religions orientales. Les origines du christianisme sont toujours discutées et donnent lieu à toutes sortes d’hypothèses, parce que c’est l’existence du christianisme primitif qui suppose celle du Christ et non pas l’existence du Christ qui implique le fait chrétien.

On en revient aux idées que Dupuis avait formulées dans un livre fort documenté trop oublié aujourd’hui : L’abrégé de l’origine de tous les Cultes, reprise par Réthoré, Jensen, Robertson, etc., et qui fait du christianisme une religion solaire, à peine modifiée par des juifs messianiques, croyant proche la fin du monde.

A les en croire, ainsi que leurs continuateurs, le christianisme est une religion d’origine solaire, comme l’étaient les autres cultes orientaux, celui d’Adonis en

Syrie, d’Attis en Phrygie, de Thammouz et de Mardouk en Mésopotamie, de Dionysos en terre hellénique.

L’idée d’un Dieu qui ressuscite à l’entrée du printemps est commune à tous les cultes orientaux. Réthoré a montré que les dieux Agni, Mithra, Osiris, Thammouz, Adonis, Bacchus, Apollon, Manou, Bouddha, suivent un même cycle. Ils naissent le 25 décembre, au solstice d’hiver, d’une vierge mère dans une grotte ou une étable. Tous meurent et ressuscitent parce que le soleil vaincu périodiquement par la nuit et l’hiver, revient, chaque matin et chaque printemps.

Les grandes paraboles évangéliques, qui se retrouvent dans les Synoptiques sont solaires, ont trait aux semailles, à la moisson, aux vendanges, aux cultivateurs. Par exemple : les paraboles du Semeur, de l’Ivraie, nu Grain de sènevé, du Levain, du Vin nouveau dans les vieilles outres, du Figuier, des Vignerons.

Dans les livres sacrés des chrétiens et surtout dans l’Apocalypse, un de leurs livres d’initiation, Jésus est appelé l’agneau, nom du signe de l’équinoxe de printemps (bélier ou agneau, selon les régions). Cet agneau triomphant paraît debout sur la montagne et les douze tribus l’environnent, leur destin étant de le suivre partout où il va. Ici-bas d’ailleurs, le Christ était suivi de douze disciples. Ce chiffre douze correspond aux 12 signes du zodiaque.

Dans la scène de la Transfiguration (Matth., XVII), le visage de Jésus resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blanc comme la lumière. L’Ostensoir est une représentation du soleil.

Tout cela ne veut pas dire qu’il n’ait pas vécu au siècle d’Auguste un révolté ou un chef de bande juif, rebelle au joug romain et haïssant ceux de ses compatriotes qui s’étaient courbés devant la puissance des Césars. Il se peut qu’il ait été crucifié (on en crucifiait tant, de ces provocateurs d’émeute !) et que, par suite de circonstances ignorées, toute une légende se soit créée autour de cet homme, qu’on en ait fait le porte-nom et le porte-drapeau d’une religion nouvelle.

On a voulu voir dans le Jésus ben Pandéra du Talmud, un de ces types d’agitateurs dont certains traits auraient servi à la construction de la légende du Christ historique. Cela se peut, mais la crucifixion de ce Jésus-là est antérieure d’un siècle au commencement de l’ère vulgaire.

D’ailleurs, rien ne prouve que les chrétiens n’existaient pas, en tant que secte, bien longtemps avant leur apparition dans l’histoire, à Antioche.

Les chrétiens primitifs avaient des mystères appelés Agapes, qui disparurent au ive siècle et dont un des rites courants était la promiscuité sexuelle.

Les cultes solaires dionysiaques. et orientaux, ont des mystères dont la promiscuité sexuelle fait également partie intégrante, parce qu’elle symbolise l’union du Soleil qui ne refuse à aucune plante ses rayons fécondants avec la Terre qui ne se refuse pas non plus, elle, aux caresses maturatrices du Soleil.

Si le mystère de cette promiscuité s’accomplit parfois dans un lieu où règne l’obscurité, naturelle ou produite artificiellement, c’est parce que le blé germe en hiver, alors qu’il fait froid et sombre, que le soleil parait à peine à l’horizon, qu’il a à lutter avec les ténèbres et les frimas.

Le mystère de la promiscuité sexuelle, dans ces religions, n’est pas un acte de dépravation, c’est un symbole que comprenaient tous les initiés.

Sans doute, il faut procéder avec une extrême précaution lorsqu’on s’en réfère aux Évangiles ou biographes de l’hypothétique fondateur du christianisme. Il est évident qu’au moment où elles sont définitivement classées dans le canon sacré, c’est-à-dire au ive siècle