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un monde d’ignorants et d’asservis, c’est elle qui sert de trait d’union entre la liberté factice du peuple et la liberté réelle des gouvernants ; c’est le cerveau de la démocratie.

La démocratie nationale a déjà conçu cette erreur que la souveraineté du peuple éloignera tous les fléaux inhérents à la féodalité ; la démocratie internationale qui repose sur la même erreur engendrera les mêmes fléaux.

Il n’y a de bonheur que dans la liberté et il n’y a de liberté que par la révolution. Il faut choisir. La guerre ou la Révolution. Il n’y a pas de milieu. Les mystiques de la démocratie devront s’incliner. La guerre nationale ou internationale ne peut être effacée par la réforme incomplète des institutions modernes ; elle continuera ses ravages et ses crimes, tant que la population mondiale sera divisée en deux classes : l’une opprimée, l’autre oppressive. La démocratie ne peut concilier les intérêts de ces deux classes. Le voudrait-elle, les moyens lui manquent, elle n’en aurait pas la possibilité.

Il faut choisir. Il est des hommes qui se refusent à prendre la position qu’il convient. Passifs dans leur lâcheté, ils ne veulent être ni pour la guerre, ni pour la révolution. Ce sont des neutres ballotés au gré des événements, qui ne savent pas où ils sont, qui ne savent pas où ils vont. Nourris au lait démocratique, ils espèrent encore en la puissance des dieux politiques pour amener au port le frêle bateau perdu dans l’océan. Ils ne veulent ni la guerre ni la révolution. Ces hommes me font l’effet d’un moribond qui, sur son lit de souffrance, se débat contre la camarde en criant qu’il ne veut pas mourir. Il mourra cependant. Il n’est aucune puissance qui puisse arrêter la mort ; il n’est aucune puissance qui puisse arrêter la guerre ou la Révolution.

La démocratie c’est la guerre ; la Révolution, c’est la paix. La Révolution écrasera la guerre ; la démocratie, héritière des régimes autocratiques, dernier repaire de la finance et de l’industrie, ultime sauvegarde du Capital et de l’autorité, doit disparaître ; ou alors l’humanité doit s’attendre à vivre des journées sombres et sanglantes avant de s’écrouler dans une tragédie qui n’a pas de précédent dans l’histoire des peuples. — J. Chazoff.

DÉMOCRATIE. La démocratie est une des formes de la société capitaliste et bourgeoise. La base de la démocratie est le maintien des deux classes opposées de la société moderne : celle du travail et celle du capital, et leur collaboration sur le fondement de la propriété capitaliste privée. L’expression de cette collaboration est le Parlement et le Gouvernement national représentatif.

Formellement, la Démocratie proclame la liberté de la parole, de la presse, des associations, ainsi que l’égalité de tous devant la Loi. En réalité, toutes ces libertés ont un caractère très relatif : elles sont tolérées tant qu’elles ne contredisent pas les intérêts de la classe dominante : la bourgeoisie.

La Démocratie maintient intact le principe de la propriété capitaliste privée. Par là même, elle laisse à la bourgeoisie le droit de tenir entre ses mains toute la presse, l’enseignement, la science, l’art, ce qui, en fait, rend la bourgeoisie maîtresse absolue du pays.

Ayant le monopole dans la vie économique, la bourgeoisie peut établir son pouvoir illimité aussi dans le domaine politique. En effet, le Parlement et le Gouvernement représentatif ne sont, dans les démocraties, que les organes exécutifs de la bourgeoisie.

Par conséquent, la démocratie n’est que l’un des aspects de la dictature bourgeoise, mêlée sous des for-

mules trompeuses de libertés politiques et de garanties démocratiques fictives. — Archinoff.


DÉMON. n. m. du grec daimôn (génie). Dans le langage philosophique le mot démon indique le génie familier duquel Socrate se disait inspiré. Sur sa nature exacte persiste la controverse. Selon certains, Xénophon, le disciple le plus direct de Socrate, donnait à ce mot la même signification que le mot Dieu ; selon d’autres, Socrate croyait à l’existence de génies familiers ; selon d’autres encore, Socrate se servait de ce terme pour indiquer l’analogie entre ses pressentiments que la divinité lui inspirait, et les démons de la mythologie grecque. Les psychiatres retiennent que Socrate fut en butte à des hallucinations visuelles et auditives et qu’il imagina de parler avec un esprit. D’après de plus récents et modernes psychologues, Socrate entendait par le mot démon l’inspiration avertie dans les suggestions subconscientes qui, chez tous les mystiques, assument une notable vivacité et se présentent à l’introspection sous la forme d’une individualité extrinsèque, de laquelle ils sentent la présence dans le profond de leur esprit. Dans le sens courant, démon se réfère à l’anti-Dieu, en qui la croyance perpétue le dualisme religieux.

DÉMON. Dans les pays qui ont été touchés par le progrès et où la science et la philosophie exercent une bienfaisante influence, le démon n’est plus qu’une figure servant à caractériser une personne animée de sentiments bons ou mauvais, mais dont les inspirations et les impulsions sont plus particulièrement orientées vers le mal. Être possédé par le démon du jeu, de la jalousie, de la guerre, signifie : avoir la passion du jeu, souffrir ou faire souffrir de la jalousie, aimer la guerre. « Le démon de la discorde et de la calomnie souffle terriblement sur la littérature. » (Voltaire.) « Quel démon vous irrite et vous porte à médire ? » (Boileau.)

Chez les chrétiens, le démon est un esprit malin, l’esprit du diable, de Satan qui cherche à s’introduire dans le corps des humains afin de les corrompre et de les conduire en enfer à leur mort. On leur oppose l’esprit des anges qui incarne le bien alors que le démon incarne le mal.

La démonolâtrie, c’est-à-dire le culte et l’adoration des démons était pratiquée chez les anciens et, même de nos jours, de grandes contrées de l’Asie et de l’Afrique prêtent encore aux démons une puissance colossale. Socrate disait : « Tout homme est conduit après sa mort, par le démon auquel il a appartenu pendant sa vie, vers un endroit où les morts rassemblés subissent le jugement, et d’où ils partent pour les enfers sous un guide chargé d’y conduire ceux d’ici-bas. » Platon, le célèbre philosophe de l’Antiquité, développait cette théorie : que les démons étaient des intermédiaires entre les mortels et Dieu car « Dieu ne se mêle pas aux hommes et c’est par cet intermédiaire qu’a lieu tout commerce et tout colloque entre les dieux et les hommes ».

La croyance aux démons remonte donc à la plus haute antiquité et, si l’on peut concevoir le démonisme des anciens, il est difficile de comprendre les démoniaques modernes, êtres stupides et ridicules qui se laissent troubler par des absurdités d’un autre âge. Car il se trouve encore des sectaires assez incohérents qui se croient ou croient les autres possédés par des démons, et qui se livrent alors sur eux-mêmes, ou sur leurs semblables, à des brutalités odieuses pour le chasser de leur corps. Ces malheureux doivent être considérés comme des demi-fous, tristes victimes de l’éducation religieuse, et il serait plus sensé. de les livrer au psychiatre qu’au geôlier, lorsqu’ils se livrent à des excès qui troublent la vie de leurs semblables.