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cependant d’en faire à tout propos et hors de propos, car a dit Casimir Delavigne :

« L’esprit qu’on veut avoir gâte celui qu’on a. »


ESSAI n. m. (de l’italien assayio, même signification). Action d’essayer. Épreuve, expérience qu’on fait d’une chose afin de se rendre compte si elle convient à l’usage qu’on lui destine. Essayer une machine, faire l’essai d’une arme, d’un cheval ; prendre un domestique, un ouvrier à l’essai, c’est s’assurer par l’expérience qu’ils sont capables de remplir les fonctions que l’on désire leur confier. On donne aussi le nom d’essais à certains ouvrages de sciences ou de littérature, de politique ou de philosophie où le sujet n’est pas traité à fond.

Le mot essai est employé parfois comme synonyme de tentative. Faire un essai de colonie anarchiste. Les anarchistes ou plutôt des individualités anarchistes ont à diverses reprises essayer de se détacher de l’ambiance et de fonder des colonies au sein desquelles ils auraient vécu une existence plus en rapport avec leurs conceptions. Ces essais n’ont jamais été couronnés de succès et cela n’a rien de surprenant, car il est matériellement impossible de vivre en dehors de la société et celle-ci est organisée de telle façon que trop de facteurs concourent à l’échec d’une semblable tentative. Un essai de société anarchiste en régime bourgeois est une erreur, tout individu, tout groupe, toute association étant sous la domination de cette bourgeoisie. Le travail des anarchistes est d’essayer d’ébranler les bases de la société moderne et, ensuite seulement, ils pourront faire l’essai d’une société sans autorité et sans contrainte.


ESSENCE n. f. (de essentia, même signification). Philosophiquement et théologiquement l’essence est ce qui constitue la nature d’une chose. Ce qui est, ce qui existe. « Nous ne sommes sûrs de connaître complètement l’essence de quoi que ce soit, a dit Lachâtre, si ce n’est des concepts de notre esprit ».

Pour ceux qui ramènent tout à Dieu, « Dieu est l’essence première de toute chose ». Un tel axiome permet évidemment toutes les déviations philosophiques et est une explication simpliste pour ceux qu’anime le désir de savoir et de connaître, et nous préférons, anarchistes, accepter comme axiome la proposition suivante de Bakounine :

« Tout ce qui est, les êtres qui constituent l’ensemble indéfini de l’Univers, toutes les choses existantes dans le monde, quelle que soit, d’ailleurs, leur nature particulière, tant sous le rapport de la qualité que sous celui de la quantité, les plus différentes et les plus semblables, grandes ou petites, rapprochées ou immensément éloignées, exercent nécessairement et inconsciemment, soit par voie immédiate et directe, soit par transmission indirecte, une action et réaction perpétuelles et toute cette quantité infinie d’actions et de réactions particulières en se combinant en un mouvement général, constitue ce que nous appelons la vie, la solidarité et la causalité universelle : la NATURE. Appelez cela Dieu, l’Absolu, si cela vous amuse, que m’importe pourvu que vous ne donniez à ce mot Dieu d’autre sens que celui que je viens de préciser : celui de la combinaison universelle naturelle, nécessaire et réelle, mais nullement prédéterminée, ni préconçue, ni prévue, de cette infinité d’actions et de réactions particulières que toutes les choses réellement existantes exercent incessamment les unes sur les autres. » (Bakounine, Système du Monde, œuvres tome III, pp. 217, 218.)

Nous voyons par ce qui précède que Bakounine considère que la nature est l’essence de toute chose, et qu’il lui importe peu qu’on la dénomme Dieu, Absolu,

ou qu’on la désigne sous tout autre terme. Le Dieu de Spinoza, le célèbre panthéiste du xviie siècle, est également l’essence première de toute chose, mais bien que le système de Spinoza ait été, interprété différemment par différentes écoles philosophiques, il apparaît que son Dieu n’est pas celui des croyants mais celui des athées, et que du spinozisme découle directement le déterminisme universel.



Chimiquement on donne le nom d’essences naturelles aux produits aromatiques extraits des végétaux. Essence de roses, essence de violettes, essence de menthe, etc… ; les essences artificielles sont des substances aromatiques obtenues par des compositions chimiques et destinées à remplacer certaines essences naturelles dont le prix de revient est trop élevé.

Les essences minérales que l’on emploie pour le chauffage, l’éclairage et aussi comme carburant dans les moteurs à explosions sont obtenues par distillation des pétroles bruts. En raison de son inflammation, la manipulation de l’essence minérale est des plus dangereuses.

L’essence minérale est donc un sous-produit du pétrole, et, malheureusement, ce produit si utile, si nécessaire à l’activité de la vie moderne, menace de mettre à nouveau le monde à feu et à sang. Les progrès de l’aviation provoquent une soif de pétrole dans les différentes nations du monde et comme en régime capitaliste ce ne sont pas les besoins mais les intérêts qui passent d’abord, chaque groupe de capitalistes internationaux se dispute les sources de pétrole actuellement contrôlées par l’Amérique et l’Angleterre. Il est probable que la prochaine guerre, et cela se dit ouvertement, sera la guerre du pétrole.

Espérons que les peuples qui ont versé tant de sang pour la défense des intérêts de leurs maîtres respectifs, se refuseront à l’avenir à s’entretuer pour un produit qui ne doit être la propriété de « personne » mais de tous.


ESSENTIEL adj. Ce qui est l’essence d’une chose. La partie essentielle ; la qualité essentielle. Le moteur est la partie essentielle de l’automobile ; l’oxygène et l’hydrogène sont les parties essentielles de l’eau.

Ce qui est nécessaire, indispensable. Le pain est la nourriture essentielle de l’homme, mais en notre siècle de rapine et de vol, où le bonheur des uns n’est que le fruit de la misère des autres, les humains manquent souvent de l’essentiel. Les causes de l’inégalité sociale qui se manifeste chaque jour plus brutale, sont multiples, mais les premiers responsables de l’arbitraire économique imposé par les classes dirigeantes, sont les opprimés eux-mêmes. Les travailleurs ignorent leurs devoirs essentiels. Ils perpétuent l’erreur de leurs aînés, de ceux qui les ont précédés dans la lutte, et qui eurent confiance en la politique pour se libérer du joug de leurs maîtres. Il semblerait que le passé n’ait rien appris aux classes travailleuses. Ne comprennent-elles pas, ne comprendront-elles jamais que l’essentiel, pour vaincre est d’abandonner toute illusion politique et de s’organiser puissamment sur le terrain économique, le seul où, se livre chaque jour la grande bataille entre le capital et le travail ? L’essentiel, pour que les opprimés puissent développer toute leur force pour l’opposer à celles de leurs oppresseurs, est qu’ils soient unis. Or, jamais ils ne seront complètement organisés, tant que la politique s’immiscera dans leurs organisations. La politique est un facteur de division, de désunion et, par conséquent, de défaite. Tout le passé n’est-il pas là pour le démontrer ? Que les travailleurs se souviennent de cette clause essentielle : « L’union fait la force », et rapidement ils sortiront victorieux de la bataille.