4o Travail collectif libre : excursions à but scientifique : organisation de jeux, de pièces théâtrales, de coopératives scolaires, etc
Comme on le voit il y a tout de même un horaire, un emploi du temps, dans les écoles nouvelles ; mais il faut noter que cet horaire est plus souple et laisse beaucoup plus de liberté aux enfants que celui de l’école ordinaire.
Autre remarque : les pédagogues des écoles nouvelles croient que l’évolution de l’individu est une récapitulation abrégée de l’évolution de la race ; par suite, ils pensent que le régime scolaire doit aller de l’autorité avec les tout petits à la liberté avec les plus grands. À l’École nouvelle, on organise ainsi un apprentissage de la liberté.
École unique. — Cette expression nous vient du mot allemand, Einheitschule. Ce que l’on désigne par ce terme, assez peu précis, a été réalisé, au moins partiellement, en quelques pays : Allemagne, Suisse, etc…
Depuis la guerre, une vive campagne a été menée en France, pour ou contre l’École unique, mais cette campagne répond à des préoccupations diverses et parfois contradictoires que l’on peut résumer ainsi brièvement :
1o Réaliser l’égalité réelle des classes sociales devant l’enseignement ;
2o Remettre de l’ordre dans une organisation scolaire chaotique ;
3o (Pour quelques-uns), préparer le monopole de l’Enseignement et combattre l’Enseignement religieux ;
4o (Pour d’autres qui veulent limiter la réforme), aspirer l’élite du prolétariat au profit de la bourgeoisie.
Malgré l’augmentation du nombre des bourses, l’injustice de notre organisation scolaire actuelle est évidente. Il est vrai que l’on justifie la non gratuité de certaines écoles en disant que celui qui peut payer doit payer ; mais le paiement n’est qu’un trompe-l’œil puisque l’État subventionne les écoles (collèges, lycées, facultés, etc.) payantes. Il a été calculé qu’en 1910, un père de famille mettant un fils au lycée payait, en moyenne, le tiers de la dépense dont l’État fournissait les deux autres tiers. Ce calcul est d’un socialiste (Zoretti) mais nul ne l’a jamais démenti. Par suite du peu d’élèves de certains établissements, du traitement et du nombre des professeurs, etc., un petit bourgeois de dix ans, suivant les cours d’un collège payant, coûtera plus à l’État qu’un enfant d’ouvrier fréquentant l’École primaire, soi-disant gratuite.
Ajoutons que, compte tenu des subventions actuelles de l’État et de la possibilité de supprimer certains établissements d’enseignement secondaire, la réalisation de l’École unique entraînerait pour l’État des charges financières vraiment légères, comparativement à certaines dépenses improductives : plus de quarante millions, a déclaré un adversaire de la réforme.
Un universitaire, hostile à l’École unique, Abel Faivre, réclame un enseignement parallèle, mais le mal est précisément dans le parallélisme actuel :
1er degré : Écoles primaires.
2e degré : Écoles primaires supérieures, écoles normales.
3e degré : Écoles normales supérieures d’enseignement primaire.
Classes élémentaires des lycées et collèges.
Enseignement secondaire.
Facultés, grandes Écoles.
L’enseignement primaire ne devrait point se prolonger ainsi dans les 2e et 3e degrés et, par contre, l’enseignement du 2e degré devrait renoncer à cette doublure du primaire que sont les classes élémentaires des lycées et collèges.
Le désordre n’est pas seulement là. Des écoles techni-
Une différenciation des Écoles des 2e et 3e degrés est nécessaire par suite de la différenciation des études, conséquence elle-même de la diversité des professions ; mais, à une différenciation croissante doit correspondre une spécialisation de plus en plus étroite des écoles et non pas la concurrence et le chaos actuel.
Imaginons qu’une loi décide la suppression de ce désordre et réalise la gratuité de l’enseignement à tous les degrés. Cette simple hypothèse va nous permettre de montrer la complexité du problème. D’abord, peu de petits prolétaires pourront profiter des enseignements des 2e et 3e degrés. À cela deux raisons. Raison d’aptitudes d’abord : l’inégalité sociale cause l’inégalité physique et mentale ; l’enfant pauvre, né dans de plus mauvaises conditions, a de moindres chances d’un développement satisfaisant : alimentation, logement, soins, etc. Autre raison, surtout lorsqu’il reste des frères et sœurs à élever : l’enfant pauvre vient assez tôt à l’aide de sa famille.
Il est vrai que divers projets d’École unique prévoient non seulement la gratuité absolue, mais encore des allocations familiales de remplacement pour les parents dont les enfants sont capables de continuer leurs études. On peut donc supposer que le nombre des enfants des classes pauvres devant poursuivre les études sera plus élevé que nous ne l’avons imaginé tout d’abord. Même si l’on pouvait bâtir rapidement des écoles, on ne pourrait trouver immédiatement des professeurs compétents. Si trente petits prolétaires doivent, par leurs capacités, prendre place dans le lycée d’une petite ville, c’est que trente enfants des classes aisées, mais moins aptes, leur céderont la place. Les exclus iront renforcer l’Enseignement libre, c’est-à-dire religieux dans la plupart des cas, si l’on n’établit pas le monopole de l’Enseignement. Inutile de dire que ce monopole d’État ne nous dit rien qui vaille et que nous sommes partisans d’une véritable liberté de l’Enseignement. Cependant, imaginez les résultats d’une École unique sans monopole : tel fils d’usinier se verra sans doute préférer le fils de l’un des ouvriers de son père et sera par suite obligé de poursuivre ses études avec l’aide de maîtres de l’enseignement libre ; au bout de quelques années, il est probable qu’il sera moins capable que l’autre enfant de diriger l’entreprise paternelle ; mais, à moins d’être tout à fait un cancre, il pourra la diriger tout de même tandis que, malgré ses études supérieures, le fils d’ouvrier devra se contenter de postes subalternes, ou faire un déclassé, parce que la plupart des bonnes places resteront dans les mains des fils à papa, des neveux, cousins, etc…
Parfois, cependant, un petit prolétaire parviendra à une situation mieux en rapport avec ses aptitudes ; mais, presque toujours, ce sera au prix du reniement de sa classe et, en définitive, son accession à la classe supérieure consolidera l’inégalité sociale.
En résumé, il est utopique de croire qu’une société basée sur l’inégalité sociale réalisera une véritable égalité des enfants devant l’instruction, car l’inégalité sociale renforce l’inégalité naturelle des capacités et la fortune, plus que les capacités, ouvre la porte des situations les meilleures.
Cependant si l’inégalité ne peut disparaître tout d’un coup ni tout à fait, on peut espérer qu’elle s’atténuera peu à peu.
À certains égards même, la classe privilégiée nous