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d’accroître la valeur individuelle de leurs élèves en cultivant leur spontanéité et en favorisant leur initiative.

Mais comment pourra-t-on parvenir à favoriser ainsi ce libre épanouissement des natures enfantines ?

En plaçant les enfants dans un milieu convenable et en leur assurant une bonne éducation par l’action concertée et éclairée des parents et des pédagogues.

Pour le petit enfant, le milieu convenable n’est pas la ville. Les music-halls, les cinémas, les étalages, la circulation, appartiennent à une civilisation trop avancée qui n’est pas à la mesure des enfants.

Ce qu’il faut, c’est un milieu naturel, vivant, qui fournisse aux enfants mille occasions d’agir sans trop de dangers, d’observer et d’expérimenter, où l’éducateur trouvera de nombreux prétextes pour faire penser, parler, dessiner, écrire, lire, calculer, etc.

L’école de l’avenir sera à la campagne, la culture, l’élevage ; les promenades permettront de voir la nature, d’observer les métiers simples, les machines les moins compliquées, les matières brutes, etc…

Dire que ce milieu convient le mieux au développement corporel et mental des enfants, cela suppose que l’école ne sera plus une prison, que le bâtiment scolaire sera un abri contre les intempéries, un atelier pour divers travaux et que la classe se fera souvent au dehors.

Pénétrons dans un de ces bâtiments. Le pédagogue n’étant plus celui qui surveille, commande, punit, fait des leçons, mais le compagnon plus âgé qui observe les enfants pour bien savoir ce qui leur convient, qui met sur leur chemin des occasions d’efforts fructueux, qui stimule et entraîne à l’occasion, ne trône plus dans un de ces massifs bureaux nécessaires aux pions de jadis.

Ici, les élèves sont libres. Les plus jeunes préfèrent travailler seuls le plus souvent ; mais les plus âgés s’associent librement et forment presque toujours de petits groupes qui se répartissent une œuvre collective formant ainsi l’image d’une société en miniature.

Cette organisation vivante et libre suppose un tout autre arrangement des classes, permettant des déplacements faciles, car de temps en temps l’un ou l’autre doit venir trouver le maître pour demander aide ou conseil, ou s’adresser à l’un de ses condisciples, ou aller chercher ailleurs un objet dont il a besoin. Ceci n’est possible qu’avec des locaux vastes et variés. Il en faut pour les travaux de ménage, pour ceux du bois, etc. On écrit, on lit, et on calcule ainsi dans notre école, on y écoute aussi le maître, bien qu’assez souvent ce soit un élève qui, ayant fait des recherches à propos d’un sujet d’étude — dans les livres de la bibliothèque ou au dehors — vient exposer à tous le fruit de ses travaux. Mais tout cela n’est plus l’occupation principale ; aussi, en place des tables de jadis, on a disposé des planches sur des tréteaux et chaque enfant a son siège individuel.

Les tables ainsi faites ne sont plus disposées face à la place du maître. La place du maître est tantôt ici, tantôt là, mais toujours où il y a besoin d’aider ou de stimuler quelqu’un. Ces tables, dis-je, sont placées en fer à cheval ou de toute autre façon, pourvu que leur disposition dans la vaste salle favorise l’activité tranquille des écoliers.

La salle n’est pas seulement vaste parce qu’elle doit permettre des évolutions faciles, mais aussi parce que, devant fournir de multiples occasions d’activité, elle renferme un riche matériel. Je ne veux pas dire par là que ce matériel est coûteux ; sa richesse, c’est son abondance, ce sont ses possibilités d’utilisation qui le font riche et précieux à mes yeux. Tout au contraire les maximes murales et tant de tableaux muraux qui

ont fait la fortune de tant d’éditeurs ont été bannis de notre classe.

Cette classe est la salle des enfants et, si des rayons supportent de nombreux volumes, si on y trouve encore quelque matériel acheté, la plupart des objets que nous y pouvons voir ont été trouvés ou fabriqués par les enfants. L’ornementation des murs est leur œuvre. Ils ont trouvé la salle presque nue avec des consoles et des étagères nombreuses et facilement accessibles. Ils ont aussi trouvé quelques caisses et les grands ont contribué à enrichir ce mobilier par leurs propres travaux : classeurs où seront recueillis des images et des articles découpés dans des journaux ou des revues, boîtes en carton pour les collections, etc… Tous ces travaux ont évidemment nécessité quelque réflexion, des dessins, des calculs, etc…

Parfois les parents des élèves ont apporté leur contribution : le charpentier une collection de bois, le charron une petite roue non serrée par le fer, etc. ; et ceci a contribué à établir le lien nécessaire entre l’école et la famille. L’École, en effet, loin de vouloir supprimer l’influence familiale, s’efforce de lui restituer sa pleine valeur. Pédagogues et parents collaborent à l’éducation de la jeunesse.

Je ne veux point allonger inutilement cette étude ; mais cependant avant d’y mettre le point final et de l’envoyer pour compléments aux mots éducation, instruction, etc., je tiens à attirer l’attention du lecteur sur un fait. Cette école de l’avenir, que je viens de dépeindre, n’est pas une utopie. Si, parcourant le vaste monde, le voyageur visitait successivement la Maison des petits de l’Institut J.-J. Rousseau, à Genève, l’Orphelinat rationaliste et l’École de l’Ermitage à Bruxelles, le gymnase de Bogota dans l’Amérique du Sud et d’autres écoles encore qui se multiplient peu à peu, il pourrait constater que je n’ai fait que rassembler, en mon tableau de l’École de l’avenir, des fragments des écoles d’aujourd’hui.

Pour « l’enfance heureuse et libre » que rêva Ferrer, il ne cesse de se créer des écoles et ce nom est une raison d’espérer. — E. Delaunay.


ÉCONOMIE n. f. (du grec oikos, maison et nomos, loi). L’économie est le produit de l’épargne, ce que l’on soustrait de son revenu, du fruit de son travail. Avoir de l’économie. « C’est le travail qui chasse la misère et non l’économie. L’économie est le jugement appliqué aux consommations » a écrit J.-B. Say. Cela dépend comment on l’entend ; car, en réalité, le travail organisé tel qu’il l’est actuellement n’arrête pas la misère, qui pénètre malgré tout dans le foyer plébéien. Du reste il serait vraiment difficile au travailleur de faire des économies : l’exploitation qu’il subit lui permettant tout juste de vivre au jour le jour. L’économie chez le travailleur ne pourrait être vraiment que le fruit de l’avarice ou de privations encore plus grandes que celles qui lui sont imposées.

L’économie domestique est une qualité dont n’est pas dépourvue la femme du peuple, obligée par la force des choses de régler sagement ses dépenses et d’avoir de l’ordre dans la conduite de sa maison ou de son ménage. Cela nous fait sourire lorsque nous lisons à la troisième ou quatrième page des grands journaux bourgeois, les conseils d’économie domestique que donne quelque vieille bourgeoise en mal de copie et vivant probablement grassement de ses revenus. La ménagère qui n’a pour subvenir aux besoins d’une famille, que le modeste salaire de son compagnon, n’a, en vérité, que faire de ces conseils, et sait mieux que quiconque comment elle peut et doit s’arranger. Quant à faire des économies, il ne faut pas qu’elle y songe ; elle se considère déjà comme heureuse lorsque la maladie ne pénètre