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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/218

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FON
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à la révolte, c’est vrai, mais les véritables fomentateurs de guerres civiles, sont les privilégiés, les exploiteurs, les ploutocrates qui vivent de la misère humaine. Ce sont eux qui entretiennent et font durer l’arbitraire qui règne dans les sociétés capitalistes. Ce sont eux qui fomentent la pauvreté et perpétuent le mal au lieu de chercher à le guérir. Ce sont eux qui provoquent les guerres et tous les grands cataclysmes sociaux ; il n’y a donc pas lieu de s’étonner de ce que toutes ces inégalités soient un ferment de révolte, et lorsqu’à certaines époques la coupe déborde, il n’est pas besoin de fomentateurs pour que le peuple se révolte et monte à l’assaut de la citadelle bourgeoise.


FONCTION n. f. (du latin functio, même sens ; de fungi, s’acquitter). Exercice d’une charge. Acte par lequel on s’acquitte des obligations attachées à un emploi. Remplir ses fonctions. Entrer en fonctions. Une fonction civile ; une fonction militaire ; une fonction publique ; une haute fonction ; les fonctions syndicales. Dans le domaine de l’administration publique, il est à remarquer que si les hautes fonctions, les plus inutiles, sont grassement rétribuées, les fonctions « inférieures » assumées par les prolétaires qui assurent la marche et la vitalité d’une nation, sont payées misérablement. S’il fallait récapituler toutes les charges, tous les emplois, toutes les fonctions dont sont nantis un nombre incalculable de parasites et d’incapables, en régime capitaliste, il nous faudrait tout un volume. C’est le contribuable qui débourse, et c’est avec l’argent des impôts que l’on paye toutes les fonctions onéreuses et inutiles. Le régime bourgeois est une source de désordre ; c’est pourquoi les ressources d’un État sont englouties par des fonctionnaires dont on se passerait facilement. Dans une société bien organisée, le nombre des fonctions publiques serait réduit au strict minimum et seules subsisteraient celles indispensables à la vie économique et sociale de la collectivité.


FONCTIONNAIRE n. m. (de fonction). Qui remplit une fonction. Celui ou celle qui occupe un emploi dans une administration, ou un poste responsable dans une organisation politique ou sociale. Un fonctionnaire public ; un fonctionnaire syndical ; un fonctionnaire indélicat ; un haut fonctionnaire.

Dans le langage courant on donne le nom de fonctionnaire à tout individu qui remplit une fonction publique, c’est-à-dire qui est un agent appointé de l’État. Le nombre des fonctionnaires est formidable et le plus clair des ressources d’une nation est englouti par cette armée de parasites, composée, de par la fonction même, des plus fermes soutiens du régime capitaliste et des gouvernements qui le dirigent. Il est évident qu’une partie des fonctionnaires publics est indispensable à la vie de la collectivité, et nous pouvons citer parmi ceux-ci : les fonctionnaires des postes et des télégraphes, ceux attachés aux services des eaux, de l’électricité, de la volerie ; les instituteurs, professeurs, etc., etc… Mais à côté de ces fonctionnaires utiles nous trouvons ceux des douanes, des organismes financiers, militaires, policiers et, sans crainte de se tromper, on peut affirmer que les trois quarts des fonctionnaires n’apportent absolument rien à la collectivité en échange de ce qu’ils en reçoivent.

Nous disons que le fonctionnaire, et surtout le fonctionnaire socialement, économiquement inutile est le plus puissant soutien de l’État et du régime capitaliste. En effet la fin du régime capitaliste et par extension de l’État, marquerait également la fin du fonctionnarisme. On ne peut logiquement concevoir une société libre et débarrassée de toutes les plaies sociales que nous subissons dans les organisations étatiques modernes, sans qu’immédiatement se présente à notre esprit la suppres-

sion totale de certains organismes parasitiques néfastes en soi et inhérents au régime capitaliste.

Que le désordre administratif d’un État, quel qu’il soit, nécessite le concours d’une nuée de fonctionnaires, ce n’est un mystère pour personne. Or, instinctivement et inconsciemment, le fonctionnaire, et plus particulièrement le fonctionnaire parasite, sait que la fin du régime capitaliste mettrait fin à sa fonction ; et comme, lié au présent, il n’envisage pas la possibilité d’utiliser son savoir ou ses compétences dans des emplois plus conformes aux nécessités collectives, il imagine que sa vie est intimement attachée à celle de l’État, et soutient et défend celui-ci qui lui imprime une mentalité réactionnaire et conservatrice. L’observation la plus simple, démontre que le fonctionnaire fut de tout temps à l’arrière de tous les mouvements sociaux et qu’il est adversaire de toute tentative de réforme violente, de révolution. Même dans ses organisations de classe — à part de rares exceptions — il se manifeste terriblement réformiste et réprouve toute action révolutionnaire ; il est vrai que l’État patron entretient cette mentalité par des mesures adroites qui font du fonctionnaire un esclave. Économiquement, ce qui maintient l’esprit rétrograde du fonctionnaire, c’est le régime des retraites qui lui est appliqué. Il abandonne la proie pour l’ombre. La perspective d’être à l’abri du besoin dans ses vieux jours l’écarte de toute lutte révolutionnaire et à mesure que les années passent et qu’il s’encrasse dans sa fonction, il est plus difficile de l’associer aux intérêts de ses frères de misère. D’autre part, la crainte d’être démissionné influe profondément sur la mentalité du fonctionnaire. Un fonctionnaire ne se considère pas comme le commun des travailleurs ; si un prolétaire quelconque perd son emploi, simplement il en cherche un autre ; il n’en est pas de même en ce qui concerne le fonctionnaire : lorsqu’il est révoqué il invoque certains « droits » qu’il aurait sur l’administration publique qui l’occupait, sans se rendre compte que ces « droits » supposent également des « devoirs ». Certes nous comprenons qu’il est une catégorie de fonctionnaires qui, une fois chassés de leur emploi, ont de grandes difficultés pour trouver le travail indispensable à leur existence ; par exemple les mécaniciens des chemins de fer, certains ouvriers des postes, etc., etc… ; mais il est un grand nombre de fonctionnaires, et c’est la majorité, dont les capacités sont utilisables dans l’industrie privée et dont la fonction n’offre aucune particularité. Ils restent cependant en dehors de toute l’activité sociale de leur classe. Un comptable du ministère des finances ou de tout autre organisme d’État ne s’associera pas avec les autres membres de la même corporation appartenant à l’industrie privée ; il ne débordera pas du cadre du fonctionnarisme et cela crée un esprit de corps profondément néfaste à l’évolution du mouvement social. Le capitalisme a tellement compris que le fonctionnaire était un facteur de conservation sociale, que presque toutes les grandes administrations privées adoptent de plus en plus le statut qui régit les fonctionnaires d’État, et s’attachent ainsi un personnel susceptible de battre en brèche les tentatives de libération prolétarienne. Les grandes entreprises bancaires se « fonctionnarisent » sans que le prolétariat en faux-col s’aperçoive qu’il est en train de forger les chaînes dont il ne pourra que difficilement se délivrer ; et même dans le prolétariat manuel, libre jusqu’à présent de l’entrave du fonctionnarisme la menace se fait sentir. Ne voyons-nous pas certaines grandes usines fonctionnariser son personnel ouvrier en lui assurant, sous certaines conditions, un travail continuel et la retraite pour les vieux jours ? Tiraillé par les besoins immédiats, l’assurance relative d’être à l’abri du chômage, et la perspective d’une croûte à rompre dans la vieillesse, semble une offre alléchante pour le travailleur ignorant les causes et les effets des