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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/238

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FRA
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Collignon, les Surugue, et tant d’autres. Et cependant, malgré l’imprévoyance et la faiblesse, dont elle a donné la preuve, elle reste, contre les forces de guerre aussi, l’une des raisons d’espérer ; c’est du moins ce que croient et ce que proclament ses membres.

La franc-maçonnerie, malgré ses faiblesses, reste le cauchemar de tous les oppresseurs et de tous les aspirants à la dictature. Moscou la proscrit et interdit aux membres du parti communiste de fréquenter les loges. Primo de Rivera, Mussolini, ferment les temples, exilent, emprisonnent ou font assassiner les militants francs-maçons. Et en France les milices fascistes sont prêtes.

Si la franc-maçonnerie française se borne à être l’Association contemplative, ouverte sans doute à certaines idées généreuses ou libérales, mais indifférente aux révolutions politiques, que rêvent peut-être certains de ses membres, et que veulent en tout cas rester, comme nous l’avons vu, la plupart des fédérations étrangères, il lui sera permis sans doute de ne rien changer à ses vieilles méthodes, et même d’abandonner les tentatives déjà faites.

Si elle doit entrer résolument dans la voie de l’action, où elle semble s’être engagée depuis un demi-siècle, en France tout au moins, elle devra, semble-t-il, faire un effort considérable d’organisation et d’unification.

Il apparaît bien que des tentatives sont faites en France pour amener soit la fusion soit une coordination plus étroite entre les diverses grandes fédérations maçonniques. Combien les divergences au sujet du Grand Architecte de l’Univers, ou au sujet des questions de préséance ou d’amour-propre, apparaissent choses minuscules ou même puériles, auprès du grand résultat à atteindre !

Il apparaît aussi, mais sur ce point notre documentation est incomplète, qu’un embryon d’association maçonnique internationale, cherche à rapprocher sinon toutes les organisations maçonniques, ce qui paraît une tâche bien difficile, tout au moins certaines d’entre elles, afin d’établir des rapports amicaux entre leurs membres.

A l’époque où les mouvements de quelque envergure — nous entendons par là ceux qui sont de nature à peser sur les destinées humaines — revêtent un caractère de plus en plus international ; à l’heure où, par rayonnement, interdépendance ou répercussion, d’immenses courants d’Idée et d’Action englobent les divers pays parvenus au même niveau de développement et d’organisation, ce rapprochement entre toutes les organisations maçonniques n’est pas seulement désirable : il nous paraît nécessaire. — Georges Bessiere.

FRANC-MAÇONNERIE. Société fermée, très répandue dans diverses contrées du monde. Les origines de la franc-maçonnerie sont plutôt vagues. Certains prétendent la faire remonter à l’époque du roi juif Salomon et la rattachent à Hiram, architecte du Temple de Jérusalem. Aucun document sérieux ou fait historique n’appuie cette thèse et ne permet de donner une telle paternité à la franc-maçonnerie. D’autres font sortir la franc-maçonnerie des mystères de L’Égypte et de la Grèce, mais cette légende est également sans fondement. Si certaines sectes franc-maçonniques présentent quelques analogies avec d’anciens ordres égyptiens, c’est, dit Salomon Reinach, que « la franc-maçonnerie a été compliquée et pervertie, au xviiie siècle, par toutes sortes de simagrées et d’impostures. On créa des grades supérieurs, ceux des Templiers, des Rose-Croix et de la maçonnerie égyptienne, avec la folle prétention de faire remonter ces ordres aux chevaliers du Temple, aux Rose-Croix du moyen-âge et à l’enseignement mystique (les prêtres égyptiens. L’ordre égyptien, ou copte, fut fondé par le chevalier Joseph Balsamo (1795), se disant comte de Cagliostro. Le spiritisme, la recherche de la

pierre philosophale et mille autres chimères vinrent s’ajouter au déisme maçonnique et à ses principes de philanthropie tolérante » (S. Reinach, Histoire générale des Religions, p. 572). Nous pensons, avec Salomon Reinach, que l’origine égyptienne de la franc-maçonnerie est une pure légende, et il nous paraît plus sérieux et plus logique de faire remonter l’existence de cette institution aux environs du viiie siècle, époque à laquelle naquit une confrérie de maçons, dont les membres voyagèrent à travers l’Europe et construisirent des basiliques gothiques. En France, on retrouve trace de francs-maçons, voyageant de ville en ville et constitués en une confrérie dont le centre était à Strasbourg. Cette confrérie n’était cependant qu’une association corporative et disparut rapidement. Les associations de maçons furent beaucoup plus puissantes en Angleterre qu’en France et subsistèrent assez longtemps, et « le grand incendie de Londres (1666), qui obligea de reconstruire la ville, en accrut l’activité. Après l’achèvement de Saint-Paul (1717), les quatre derniers groupes de maçons formèrent, à Londres, une Grande loge, destinée, non plus à l’exercice d’un métier, mais à l’amélioration de la condition matérielle et morale des hommes, A côté et au-dessus des temples de pierre, il s’agissait de construire le temple spirituel de l’humanité. Dès la fin du xvie siècle, des hommes qui n’étaient pas maçons avaient été admis dans ces conventicules, modifiant ainsi le caractère primitif de l’institution » (S. Reinach, Histoire générale des Religions, p. 570).

Si l’on s’en rapporte à ce qui précède, le rôle social et politique de la franc-maçonnerie ne s’exerça qu’à dater du xviie siècle. Au début, l’organisation franc-maçonnique était secrète, et cela se conçoit, car elle était une menace contre les institutions établies. La première loge maçonnique française fut fondée en 1725 par quelques nobles anglais résidant à Paris. Louis XV prononça sans succès l’interdiction contre cette association nouvelle et, malgré les entraves et les embûches qui furent dressées sur sa route, la franc-maçonnerie prit son essor. Par la suite, malgré l’adhésion de rois et de princes à la maçonnerie, l’Église se prononça contre cette institution. En 1737 une loge fut fondée à Hambourg, admettant en son sein le prince héritier de Prusse et, plus tard, Frédéric-le-Grand. Lorsque ce dernier devint roi, il fonda la première loge maçonnique de Berlin et en fut nommé grand maître. Jusqu’à Frédéric III, tous les rois de Prusse présidèrent cette loge. Le pouvoir catholique persista cependant dans son attitude. « Le catholicisme ne pouvait naturellement pas admettre une société à tendances religieuses où l’on prétendait se passer de lui ; le pape condamna la maçonnerie dès 1738. Un édit du cardinal secrétaire d’État, du 14 janvier 1739, prononça la peine de mort, non seulement contre les francs-maçons, mais contre ceux qui essaieraient de se faire recevoir dans l’ordre ou qui lui loueraient un local. » (Lea, Inquisition of Spain, édition anglaise, tome IV, p. 299)

La papauté n’a cessé de renouveler ces prohibitions. Léon XIII le fit avec une solennité particulière dans son encyclique du 20 avril 1884.

Si l’on considère que toutes les grandes idées se développent dans la douleur et la souffrance, que la persécution s’exerce toujours contre les précurseurs, on arrive à expliquer le caractère secret des organisations maçonniques des premiers jours, dans les pays catholiques. L’interdit prononcé par l’Église contre cette institution d’esprit humanitaire fut un facteur de son développement ; l’organisation maçonnique s’étendit avec rapidité et ne tarda pas à exercer une puissante influence politique, surtout dans les pays où la franc-maçonnerie se libéra de toute emprise religieuse, quelle qu’elle soit. Organisée tout d’abord internationalement et unifiée, la franc-maçonnerie se divisa en 1877, lorsque l’élément