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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/251

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par la révolte qu’il arrivera à transformer une société qui l’opprime et l’empêche de conquérir le bonheur. Et il sait que, demain, il triomphera de la bataille gigantesque qui se livrera et que toute la noblesse, toute la bourgeoisie, toute la ploutocratie verra son règne se terminer pour le plus grand bonheur des hommes.


GÉNÉRALISER verbe. Rendre général. Généraliser une idée, un principe, une doctrine, une opinion, une méthode. L’individu a toujours une tendance presque instinctive à généraliser. « Un enfant, dit Condillac, est naturellement porté à généraliser, parce qu’il lui est plus commode de se servir d’un nom qu’il sait que d’en apprendre de nouveaux ; il généralise donc sans avoir le dessein de généraliser et sans même remarquer qu’il généralise. » Quantité d’hommes sont, à ce sujet, comme des enfants. L’ignorance, la paresse, les entraînent à tout généraliser, sans même vouloir supposer que chaque chose, chaque objet, chaque être, a un caractère particulier qui mérite l’attention. Il ne faut pourtant pas porter « la particularisation » à l’absolu et tomber dans l’erreur contraire à la généralisation. En ce qui concerne les idées, les systèmes, et surtout dans la lutte sociale, on est parfois obligé de généraliser pour coordonner les efforts, les rapports d’individus à individus. L’absence de généralisation sur ce point supposerait l’égoïsme et l’individualisme le plus étroit et nuirait à ce que nous entendons par « organisation sociale ». En conséquence, nous pensons qu’il est indispensable de se former des idées générales reposant sur l’expérience et l’observation, en respectant toutefois les idées et le caractère particulier de chaque individu, si ces idées et ce caractère ne sont pas une entrave à la liberté et à la libre évolution de la collectivité.


GÉNÉRATION n. f. (du latin generatio, de generare, engendrer). Action par laquelle les êtres vivants se reproduisent et perpétuent leurs espèces. La génération des hommes ; la génération des insectes. « Le cheval est, dit Buffon, de tous les animaux celui qu’on a le plus observé, et on a remarqué qu’il communique, par la génération, presque toutes ses bonnes et mauvaises qualités, naturelles ou acquises. » Il en est de même pour tous les êtres vivants, hommes, bêtes, et même les plantes.

Il y a deux modes de génération : la génération agame, qui ne nécessite qu’un seul individu pour reproduire des descendants, et la génération sexuelle, où deux individus, de sexe différent se fondent et produisent l’œuf qui, en se développant, forme un individu ; mais que la génération soit agame ou sexuelle, les descendants héritent des caractères et des particularités de leurs parents, et il n’est pas concevable que la vie puisse être produite autrement que par la vie elle-même, qui se transmet perpétuellement de génération en génération. Il faut être imbu de croyance et de fanatisme, pour accepter les thèses des différentes églises qui prêtent à un Dieu tout-puissant la création des différentes espèces qui peuplent le monde. La science a depuis longtemps détruit une telle hypothèse, qui ne repose que sur l’ignorance, et démontré qu’il est absurde de croire à la génération spontanée, consécutive à la volonté d’un être suprême. « Nul animal, nul végétal, dit Voltaire, ne peut se former sans germe ; autrement une carpe pourrait naître sur un if et un lapin au fond d’une rivière, sauf à y périr. » L’être humain n’échappe donc pas à la grande loi de la génération et l’espèce humaine ne se conserve qu’en se reproduisant. Est-ce à dire que l’homme ne change pas et que, héritant des caractères physiques, moraux et intellectuels de ses ascendant, il est aujourd’hui ce qu’il était il y a dix mille ans ? Il n’en est pas ainsi : l’individu se transforme, non pas seulement au cours des siècles, en rai-

son de révolutions brutales, mais chaque jour, au cours de sa propre vie, à tout instant de son existence. Il se transforme sans s’en apercevoir, de même que la maman ne s’aperçoit pas des transformations et du changement qui s’opère sur le bambin qu’elle voit tous les jours. Et c’est ce qui explique que l’individu d’aujourd’hui n’est pas absolument identique à celui d’hier et qu’il présente des caractères distinctifs avec l’individu d’il y a cent ans, d’il y a mille ans.

Si l’on admet que le descendant est l’héritier de l’ascendant, il faut, pour se conserver, qu’une race, qu’une espèce soit saine, qu’elle évolue physiquement comme moralement, sans quoi elle tombe en dégénérescence et se détruit d’elle-même. Et il en est de l’individu comme de la race. L’être sain, qui se reproduit, peut donner à la société un descendant utile, heureux, alors que le malade, l’ivrogne, l’alcoolique ne peuvent reproduire que des rejetons tarés, vicieux, qui traînent une vie misérable et sont une charge pour la collectivité. Sans pousser à l’absolu et demander, comme le faisaient les anciens, que l’on supprime à la naissance les individus difformes, nous pensons qu’en notre siècle de science et de progrès, l’homme devrait avoir assez de conscience pour savoir qu’il n’a pas le droit de jeter dans la vie des êtres qui, en raison de leur ascendance, sont voués à la souffrance continuelle et à la misère. La bourgeoisie, férocement égoïste, qui n’envisage nullement l’avenir, mais ne vit que dans le présent et cherche à conserver le plus longtemps possible, pour elle et ses descendants les plus directs, les privilèges acquis par des siècles de rapines et de crimes, profite de l’ignorance du peuple sur le problème de la génération. Elle favorise la reproduction dans les classes laborieuses qu’elle exploite honteusement car, pour la servir, il lui faut une génération d’asservis et d’esclaves. Le peuple, trop souvent hélas ! se laisse prendre dans les filets que lui tendent ses maîtres, et c’est ainsi que la génération présente, née de la guerre, vieille avant l’âge, semble être une fin de race, que l’on grise de promesses et qui se contente du pain et du cirque que lui accordent ses tyrans.

Nous avons dit, par ailleurs, que des civilisations aussi puissantes que la civilisation moderne se sont écroulées ; que la guerre, source d’esclavage et de misère, avait, en d’autres temps, dévasté des régions riches et prospères ; nous avons nous-même, pendant 52 mois, souffert de l’inconscience et de la folie qui s’étaient emparées de l’humanité. Allons-nous léguer à ceux qui nous succéderont demain, tout ce passé de larmes et de sang ? Il faut que le peuple sorte de sa torpeur et que, dans un sursaut d’énergie, il efface l’orgie d’hier pour ouvrir à la génération qui vient la route de la paix et de la liberté.


GÉNÉROSITÉ n. f. (du latin generositas). La générosité est le penchant qui pousse l’individu à secourir, à soutenir et à aider son prochain ; c’est une disposition à la bienfaisance et à la libéralité. La générosité ne consiste pas uniquement à aider pécuniairement son semblable ; on peut être généreux tout en étant pauvre, par la noblesse de l’esprit et par les sentiments louables qui nous animent.

La libéralité, d’ailleurs, n’est pas toujours de la générosité ; elle n’en est souvent qu’un artifice. Lorsque la bourgeoisie, dans ses fêtes de charité, dans ses expositions, fait semblant de secourir le malheureux, ce n’est pas par générosité qu’elle agit, mais par intérêt ; combien est plus noble la générosité du misérable qui partage son pain et sa souffrance avec un autre misérable, que celle de ce capitalisme taré et lâche qui ne sait faire le « bien » qu’en s’amusant.

La générosité n’est pas seulement la solidarité du porte-monnaie, c’est aussi la solidarité de l’âme ; c’est