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asphyxiants en temps de guerre. On trouve, dans cette encyclopédie, au mot « désarmement » (pp. 527, 528, 529 et 530), des rapports officiels établis par des maîtres de la science pour la Société des Nations, et qui attirent l’attention des hommes d’État sur l’impossibilité matérielle qu’il y aurait à garantir les populations civiles contre ces gaz. Malgré cela on continue, dans toutes les grandes nations, à fabriquer des gaz asphyxiants, bien que sachant que leur emploi conduirait le monde à la ruine.

Contre de tels procédés de barbarie, prémédités, préparés consciemment par les forces mauvaises de la société, la classe ouvrière ne fait rien, parce qu’elle ignore et, ceux qui savent, se rendent complices, par leur silence, des crimes monstrueux qui se préparent.

Comment peut-il se trouver encore, dans des pays civilisés, en un siècle où les hommes savent lire, et surtout à une époque qui a été bouleversée par le plus terrible des cataclysmes pendant quatre ans et demi, des ouvriers qui consentent à fabriquer des gaz asphyxiants ? Comment peuvent-ils ne pas être troublés à la pensée que ces gaz sèmeront la mort sur leur passage, que leurs femmes, que leurs enfants en seront les premières victimes et qu’ils fabriquent eux-mêmes leur plus terrible outil de guerre ? Et comment comprendre que des chimistes, des physiciens, des savants, soient assez lâches pour mettre leur savoir à la disposition de minorités grisées par leurs appétits et qui n’hésiteront pas demain à détruire la moitié de l’humanité pour conquérir de nouveaux privilèges ? Si la classe ouvrière n’y prend garde, rien n’arrêtera ses maîtres, ses oppresseurs sur le chemin du carnage, et les gaz qu’elle fabrique ne serviront pas seulement en temps de guerre, mais aussi pour écraser le peuple lorsqu’il voudra se révolter et mener la lutte contre son patronat.


GENDARME n. m. (pour gens d’armes). Autrefois, homme de guerre ayant sous ses ordres un certain nombre d’hommes à cheval. C’est Charles VII qui, en 1445, institua le corps des gendarmes. De nos jours, le gendarme est un soldat policier chargé d’exercer une surveillance dans la campagne et sur les voies de communication, et de « veiller à leur sécurité ». Le gendarme est placé sous les ordres du ministre de la guerre, mais il dépend également, de par ses fonctions, du ministère de l’intérieur, de la justice et des colonies. Bref, c’est un homme à tout faire. Les officiers de gendarmerie sont également officiers de police judiciaire et, en conséquence, les auxiliaires directs du procureur de la République.

Le gendarme, tout comme le policier, est un précieux agent de l’État et un ferme défenseur de la propriété. C’est lui qui, sur les routes de France, fait office de flic et chasse, poursuit et arrête les chemineaux et les misérables. Les gendarmes se recrutent parmi les engagés ou les rengagés, ayant au moins trois ans de service ; la plupart sont des anciens sous-officiers et c’est assez dire ce que peut être leur mentalité. A Paris, le gendarme prend le nom de garde républicain. La garde républicaine compte trois bataillons d’infanterie et quatre escadrons de cavalerie. Ce sont les gardes républicains que les travailleurs trouvent en face d’eux dans les manifestations. Ce sont les gardes républicains, les gendarmes de Paris, qui viennent prêter main-forte à la police proprement dite, lorsque les ouvriers se révoltent contre leurs maîtres. Le gendarme est toujours sans pitié, et il faut le placer sur le même rang que tous les autres policiers. Il ne vaut pas mieux.


GÉNÉALOGIE n.f. (du grec genos, race, et logos, discours). La généalogie est la science qui a pour objet d’établir le dénombrement des ancêtres d’un individu, la filiation d’une famille jusqu’à son premier auteur.

Dans la noblesse, en vertu d’un préjugé ridicule qui subsiste encore de nos jours malgré les progrès du démocratisme, un individu qui connaît ses origines lointaines et peut produire des titres les établissant, est considéré comme un être d’essence supérieure. Le roturier est celui qui ne connaît pas ses origines.

Voltaire a, sur la généalogie, écrit une page pleine de satire et d’ironie : « Aucune généalogie, dit-il, n’approche de celle de Mahomet ou Mohammed, fils d’Abdallah, fils d’Abd’-all-Moutabeb, fils d’Ashem ; lequel Mahomed fut, dans son jeune âge, palefrenier de la veuve Cadisha, puis son facteur, puis son mari, puis prophète de Dieu, puis condamné à être pendu, puis conquérant et roi d’Arabie, puis mourut de sa belle mort, rassasié de gloire et de femmes. Les barons allemands ne remontent que jusqu’à Vitikind, et nos nouveaux marquis français ne peuvent guère montrer de titres au delà de Charlemagne ; mais la race de Mahomet ou Mohammed, qui subsiste encore, a toujours fait voir un arbre généalogique dont le tronc est Adam, et dont les branches s’étendent d’Ismaël jusqu’aux gentilshommes qui portent aujourd’hui le grand titre de cousin de Mahommed. Nulle difficulté sur cette généalogie, nulle dispute entre les savants, point de faux calculs à rectifier, point de contradictions à pallier, point d’impossibilité qu’on cherche à rendre possible. Votre orgueil murmure de l’authenticité de ces titres ? Vous me dites que vous descendez d’Adam, aussi bien que le grand prophète, si Adam est le père commun ; mais que cet Adam n’a jamais été connu de personne, pas même des anciens Arabes ; que ce nom n’a jamais été cité que dans les livres juifs ; que, par conséquent, vous vous inscrivez en faux contre les titres de noblesse de Mahomet ou Mohammed. Vous ajoutez qu’en tout cas, s’il y a eu un premier homme, quel qu’ait été son nom, vous en descendez tout aussi bien que l’illustre palefrenier de Cadisha ; et que, s’il n’y a point eu de premier homme, si le genre humain a toujours existé, comme tant de savants le prétendent, vous êtes gentilhomme de toute éternité ? A cela, on vous réplique que vous êtes roturier de toute éternité, si vous n’avez pas vos parchemins en bonne forme. Vous répondez que les hommes sont égaux, qu’une race ne peut être plus ancienne qu’une autre ; que les parchemins auxquels on fend un morceau de cire sont d’une invention nouvelle ; qu’il n’y a aucune raison qui vous oblige de céder à la famille de Mohammed, ni à celle de Confutzée, ni à celle des empereurs du Japon, ni aux secrétaires du roi du grand Collège. Je ne puis combattre votre opinion par des preuves physiques, ou métaphysiques, ou morales. Vous vous croyez égal au daïri du Japon, et je suis entièrement de votre avis. Tout ce que je vous conseille, quand vous vous trouverez en concurrence avec lui, c’est d’être le plus fort. »

De nos jours, cependant, il ne suffit plus d’avoir un nom, et de connaître ses origines, pour briller dans le monde. La généalogie d’un individu ne suffit pas si cet individu n’est pas en puissance d’argent. Mais la bourgeoisie est encore tellement imprégnée de vieux préjugés, tellement jalouse de la vieille noblesse déchue, qu’elle n’hésite pas parfois à échanger son argent contre un titre de noblesse et à acheter une généalogie. Le travailleur, le plébéien, n’a pas besoin de connaître le nom de ses ancêtres ; il n’a pas besoin de fouiller le passé pour connaître ses ascendants. Il sait. Il sait qu’il a faim depuis toujours, que son père, son grand-père, son aïeul eurent faim et que, depuis la plus lointaine antiquité, dans tous ses ancêtres il fut honteusement opprimé et toujours dépossédé du fruit de son travail. Qu’importe le nom des esclaves qui le précédèrent. Ce furent des esclaves et c’est tout. Mais, si le peuple ignore le nom de ceux qui le précédèrent dans la souffrance et dans la misère, il a compris que ce n’est que