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gions perses, juives et chrétiennes. Il se divisa, du reste, en plusieurs sectes dont les unes furent nettement hostiles au christianisme, alors que les autres étaient particulièrement hostiles au judaïsme.

Le gnosticisme repose sur ce principe essentiel que le monde est sorti d’un Dieu indicible, c’est-à-dire qui ne peut s’exprimer par la parole ; qu’il était, à l’origine, composé de pur esprit et qu’ensuite seulement est venue la matière, principe et source du mal. Les gnostiques méprisaient, en conséquence, tout ce qui se rattachait à la chair et tout ce qui n’était pas la vie spécifiquement spirituelle.

En réalité, le gnosticisme trouve sa plus parfaite expression dans la doctrine de Mani qui fonda, au début du iiie siècle, la religion manichéenne. « L’idée dominante de la doctrine de Mani, nous dit Salomon Reinach, dans son Histoire générale des Religions, est l’opposition de la lumière et des ténèbres, qui sont le bien et le mal, Le monde visible résulte du mélange de ces éléments éternellement hostiles. Dans l’homme, l’âme est lumineuse, le corps obscur ; dans le feu, la flamme et la fumée représentent les deux principes ennemis. De là découle toute la morale manichéenne, qui a pour but l’affranchissement des parties lumineuses, celui des âmes qui souffrent dans la prison de la matière. Quand toute la lumière captive, quand toutes les âmes des justes seront remontées au soleil, la fin du monde arrivera à la suite d’une conflagration générale. Dans la pratique, les hommes se divisent en « parfaits ou élus » et en simples fidèles ou « auditeurs ». Les premiers forment une sorte de clergé, doivent s’abstenir du mariage, de la chair des animaux (sauf toutefois des poissons), du vin, de toute cupidité et de tout mensonge. Les fidèles sont soumis aux mêmes règles morales, mais ils peuvent se marier et travailler comme les autres hommes ; seulement ils ne doivent ni accumuler des biens, ni pécher contre la pureté. »

On comprendra, par ce qui précède, que le gnosticisme fut combattu par les puissants de l’Église chrétienne. On prétendit, pour persécuter les manichéens, qu’ils avaient des mœurs infâmes ; mais ce ne sont là que des calomnies. Ce qui a nui principalement au gnosticisme et ce qui fut sa faiblesse, ce fut sa diversité de sectes. On n’en compte pas moins de 70, et cela permit au christianisme d’en avoir facilement raison. Serait-ce suffisant pour démontrer, une fois de plus, que des forces éparpillées ne peuvent rien contre des forces unies ? Il faut, du reste, souligner que le gnosticisme a été un des facteurs indirects de l’unification de l’église chrétienne ; c’est pour combattre les diverses sectes qui évoluaient autour du christianisme, pour mettre un frein à la propagande décousue de certaines écoles, que les théologiens se mirent à élaborer un code intangible qu’il fallait respecter si l’on ne voulait pas être accusé d’hérésie. « C’est à Marcion, vers 150, que l’Église eut la première idée d’un canon, d’un recueil autorisé des écrits concernant la Nouvelle loi », dit encore S. Reinach. « C’est pour répondre aux gnostiques qu’elle fut amenée à formuler ses dogmes, sa profession de foi (dite à tort symbole des apôtres) et, sans doute, de publier l’édition définitive des quatre évangiles dont elle affirma l’inspiration. »

Nous voyons donc qu’à son origine même, l’Église chrétienne eut à lutter contre une foule de petites organisations qui gravitaient autour d’elle et qui, parfois, pénétraient en son sein. Nous avons dit plus haut que si les gnostiques furent vaincus, bien que dans la pratique le gnosticisme présentât un caractère plus humanitaire que le christianisme orthodoxe, cette défaite fut surtout due à la division des gnostiques en face de l’ordre et de la persévérance de leurs adversaires. Que les libertaires s’inspirent de ce passé et qu’ils se rendent compte des ravages que provoquent la désorganisation

et le désordre ; qu’ils s’unissent pour être une force, et ils ne pourront pas alors être écrasés par les Églises modernes comme le furent les gnostiques dans le passé.


GOUPILLON n. m. (du vieux français goupil, renard, le goupillon étant fait, autrefois, d’une queue de renard ou, suivant d’autres, de guipon [Larousse])

Tige garnie de poils, ou baguette métallique, surmontée d’une boule creuse à petits trous, qui sert à l’Église pour faire des aspersions d’eau bénite.

Voici ce que dit Malvert, dans Science et Religion, du goupillon :

« Dans les anciens sacrifices païens, le prêtre, habillé de blanc, purifiait d’abord le temple et les fidèles en les aspergeant d’eau lustrale, remplacée depuis par l’eau bénite, avec un goupillon fait de crin (aspergilium). Le goupillon est resté tel qu’on le voit dans la main d’un prêtre païen, sur une peinture du temple d’Isis, à Pompéi (Musée Guimet, salle égyptienne). Les vases d’eau lustrale, placés à la porte des temples, dont les fidèles s’aspergeaient, sont remplacés par les bénitiers. Aux mystères de Mithra, la prêtresse trempait un rameau, emblème du phallus, dans du lait dont elle aspergeait les assistants par trois petits coups réitérés, pour simuler l’éjaculation séminale, symbole de la fécondité universelle. Les trois petits coups éjaculatoires ont été conservés. »

L’eau bénite dont, à l’aide du goupillon, on asperge les assistants, a la propriété de purifier, d’absoudre, d’apporter la bénédiction de Dieu sur l’aspergé. Or, c’est par ce geste que, toujours, le prêtre bénit les drapeaux et absout les porteurs de sabres des massacres qu’ils ont commis au nom de la Patrie ou de l’Ordre. C’est, accompagnés de la bénédiction, que les soldats s’en vont tuer et mourir, d’où ce proverbe éternellement vrai : L’Autorité est l’union du sabre et du goupillon. — A. Lapeyre.


GOUVERNEMENT n. m. Action de conduire, d’administrer, de diriger, de gouverner. Le gouvernement est l’organisme qui se trouve à la tête d’une nation, d’un État. Un gouvernement républicain ; un gouvernement impérial ; un gouvernement monarchiste. Il y a plusieurs formes de gouvernement dont les deux principales sont : le gouvernement absolu et le gouvernement représentatif. Dans le premier cas, le Pouvoir est exercé par un souverain, un monarque ou un chef, qui ne sont soumis à aucune règle, sauf celle du bon plaisir, et à aucun contrôle ; dans le second cas, le Pouvoir est confié par un Parlement à des délégués supposés représenter la majorité de la nation. Nous verrons, par la suite, qu’il n’y a, en réalité, que peu de différence entre ces deux formes de gouvernement.

De nos jours, il n’y a plus, à proprement parler, de gouvernements qui s’avouent absolus ; presque tous se réclament de la démocratie et prétendent être l’émanation de la volonté populaire. Ce qu’il y a de plus paradoxal, c’est que, généralement, les peuples ne s’aperçoivent pas que les gouvernements changent d’étiquette mais que la chose reste la même.

La première question qui se pose est de savoir si le gouvernement répond à un besoin social et s’il est possible de se passer de gouvernement. Nous ne tiendrons pas compte des arguments apportés en faveur du principe de gouvernement par les éléments de conservation sociale, puisque ces derniers se condamnent eux-mêmes en empruntant des drapeaux qui ne sont nullement le reflet de leurs opinions. Ce qui est intéressant à considérer, c’est la thèse soutenue par les hommes de progrès, d’avant-garde, qui, malgré les enseignements de l’Histoire, restent des chauds partisans du principe d’autorité et, par conséquent, en matière sociale, du principe de gouvernement.