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la grève des postiers en 1909, celle des cheminots en 1910, puis encore des cheminots en 1920, suivie d’une grève générale déclenchée par la C.G.T. pour la nationalisation des chemins de fer.

En Angleterre, la grève des mineurs en 1922, et la grève des mineurs en 1926, transformée en grève générale par le Conseil général des Trade-Unions et rendue à sa première destination après l’abandon des mineurs par les autres corporations.

En Italie, en 1920, la grève générale aboutit à la prise des usines que les ouvriers durent abandonner par la suite.

En Espagne, à Barcelone, les grèves se succédèrent sans interruption de 1918 à 1923. Elles s’étendirent à toute l’Espagne.

En Suède, en Norvège, aux États-Unis, de très importants conflits eurent également lieu. Ils sont si nombreux qu’il est impossible de les relater.

En Allemagne, la grève générale fut déclenchée par la C.G.T., d’accord avec le gouvernement, pour barrer la route aux fascistes en 1923.

La grève générale — Examinons maintenant la grève générale insurrectionnelle et expropriatrice.

Avant tout, il importe de donner une définition aussi exacte que possible de ce moyen de lutte.

Donc, qu’est-ce que la grève générale expropriatrice ?

C’est la cessation concertée, collective et simultanée du travail par tout le prolétariat d’un pays. Elle a pour but :

1°) de marquer l’arrêt total et la fin de la production en régime capitaliste ;

2°) de permettre à ce prolétariat de s’emparer des moyens de production et d’échange et de propagande ;

3°) de remettre en marche tout l’appareil de production et d’échange pour le compte de la collectivité affranchie ;

4°) d’abattre le pouvoir étatique et d’empêcher l’instauration de tout pouvoir nouveau.

La grève générale expropriatrice, premier acte révolutionnaire, sera nécessairement violente.

Elle peut être décrétée par les Syndicats soit :

1°) Pour déclencher eux-mêmes l’action révolutionnaire ;

2°) Pour répondre à un coup de force politique de droite ou de gauche ;

3°) Pour répondre à une tentative fasciste de prise du pouvoir.

La grève générale expropriatrice est une arme spécifiquement syndicaliste. Elle ne peut être maniée par aucun groupement politique.

Elle peut régler décisivement toutes les situations révolutionnaires, quels qu’en soient les facteurs initiaux.

Elle s’oppose directement à l’insurrection, seule arme des partis politiques.

Elle est, de beaucoup, plus complète que celle-ci. En effet, tandis que l’insurrection ne permet que de prendre le pouvoir, la grève générale donne la possibilité non seulement de détruire ce pouvoir, d’en chasser les occupants, d’en interdire l’accès à tout parti, mais encore elle prive le capitalisme et l’État de tout moyen de défensive en même temps qu’elle abolit la propriété individuelle pour instaurer la propriété collective.

En un mot, elle a un pouvoir transformateur immédiat et ce pouvoir s’exerce au seul bénéfice du prolétariat, auquel la possession de l’appareil de production et d’échange donne le moyen de modifier radicalement l’ordre social.

La grève générale expropriatrice, par l’usage forcé de la violence, est d’ailleurs nettement insurrectionnelle. Son action se fait sentir à la fois sur le terrain politique

et sur le plan économique, tandis que l’insurrection ne permet d’agir que sur le plan politique.

Ceci suffit à expliquer que, de tout temps et dans tous les pays, les partis politiques ouvriers aient constamment tenté d’asservir les syndicats, afin que ceux-ci, commandés et dirigés par ces partis, appuient le mouvement insurrectionnel par une grève générale, sans laquelle toute insurrection est, désormais, irrémédiablement vouée à l’échec.

Les tentatives constantes de mainmise des partis sur les syndicats n’ont pas peu contribué à faire comprendre à ceux-ci qu’elle était la force qu’ils représentaient et la véritable puissance de cette force.

C’est ainsi que les syndicats, force essentielle, seule force véritable du prolétariat révolutionnaire, se sont trouvés conduits à revendiquer l’autonomie et l’indépendance du syndicalisme vis-à-vis dé tous les autres groupements politiques et philosophiques.

Aujourd’hui, malgré la réussite partielle et momentanée qui vient de couronner les efforts des partis socialiste et communiste, les syndicats révolutionnaires de tous les pays, groupés au sein de l’Internationale de Berlin (A.I.T.), ne se contentent plus de réclamer leur indépendance et leur autonomie. Ils affirment leur doctrine et l’opposent à celle des partis sur tous les terrains.

Il ne s’agit plus de « mendier » une neutralité plus ou moins bienveillante des partis vis-à-vis des syndicats, mais, pour ces derniers, de déclarer la guerre aux partis et de réaliser la formule de la Ire Internationale, fortifiée par l’expérience : la libération des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

De même que les syndicats opposent :

1°) L’action directe des masses au bulletin de vote ;

L’organisation sociale par les travailleurs au gouvernement des partis, ils ne pouvaient manquer d’opposer la grève générale expropriatrice et insurrectionnelle à l’insurrection.

La grève générale, arme syndicaliste et seulement syndicaliste, est l’acte suprême par lequel le prolétariat se libérera. Il lui suffit de le comprendre et de le vouloir.



Voyons, maintenant quelles sont les caractéristiques de la grève générale.

J’ai dit qu’elle marquait, d’abord et avant tout, la cessation de la production, l’arrêt du travail, en régime capitaliste.

Cela veut dire que les ouvriers, puis les paysans, doivent simultanément abandonner le travail ?

Ceci implique-t-il qu’ils doivent quitter le lieu du travail, l’abandonner aux patrons ? Non. A l’encontre de ce qui se passe généralement en cas de grève, les ouvriers devront, en même temps qu’ils cesseront le travail, occuper le lieu de production, en chasser le patron, l’exproprier et s’apprêter à remettre en marche l’appareil arrêté, mais au compte de la révolution.

La cessation du travail, l’arrêt de la production n’ont donc pour but que d’exproprier les possédants capitalistes et de prendre en mains les instruments de production et d’échange, en même temps qu’on se débarrassera du pouvoir étatique.

De la durée de cet arrêt dépendra, tout l’avenir du mouvement révolutionnaire.

Il conviendra donc :

1°) De réduire le temps d’arrêt au strict minimum ;

2°) De reprendre, aussi rapidement et aussi complètement que possible, les échanges entre les villes et les campagnes, et vice-versa.

Il ne faudra pas renouveler les expériences passées, perdre son temps à fêter la victoire. Il faudra l’organiser et immédiatement.