que j’avance : vous quitterez Bierville sans avoir rien fait et, par la suite, vous ne ferez rien qui soit de nature à empêcher la Guerre de demain et à fonder la Paix sur des assises de quelque solidité.
« Au surplus, Messieurs, si vous êtes réellement et sincèrement des adversaires résolus de la Guerre, et des partisans irréductibles de la Paix, si vous ne l’êtes pas seulement en paroles et du bout des lèvres, mais en fait et du fond du cœur, vous ne vous séparerez pas sans que chacun de vous ait signé le serment que voici : « Je jure, en toute conscience, de consacrer désormais au triomphe de la Paix le plein de mes efforts et si, pourtant, la Guerre vient à éclater, je prends l’engagement sacré de répondre à l’ordre de mobilisation par un refus formel ; je jure de ne prendre, ni au front ni à l’arrière, ni directement, ni indirectement, une part quelconque aux hostilités ; et je m’engage à lutter, quels que soient les risques courus, contre la continuation de la tuerie et en faveur d’une paix immédiate.
« Messieurs,
« Si, de votre Congrès, sortait la double décision dont je viens de parler : lutte contre l’Autorité (l’Etat, le Capital), source de toutes les guerres ; et serment unanime et sacré de se refuser catégoriquement à prendre une part quelconque aux hostilités ; ah ! Messieurs, quel retentissement auraient, aux quatre points cardinaux, vos assises de Bierville ! Et, d’ores et déjà, quel coup mortel vous porteriez à la Guerre infâme et quel pas immense vous feriez faire à la cause de la Paix ! »
Plusieurs camarades anarchistes firent le voyage de Paris à Bierville pour y distribuer aux congressistes cette lettre, tirée à un grand nombre d’exemplaires. Mais les faux apôtres du pacifisme bourgeois interdirent cette distribution et firent expulser les distributeurs. Nous présumions qu’il en serait ainsi ; car nous savions que prenaient part à ce Congrès nombre d’hommes d’État et de chefs de partis politiques, de curés et de pasteurs, de mercantis et d’industriels, peut-être même — ô formidable hypocrisie ! — des fabricants de canons, de munitions et d’outillage de guerre. Nous étions certains d’avance que, en dépit du battage de la presse mondiale, il ne sortirait de ce Congrès que comédie, verbiage, mariage symbolique de drapeaux de toutes nationalités, pompes oratoires, congratulations, accolades et balivernes de même insignifiance pratique. L’événement a confirmé nos prévisions.
La Paix ne viendra pas d’en haut, mais d’en bas. L’intérêt des classes possédantes et gouvernantes de tous les pays, la sauvegarde des privilèges qu’elles détiennent, le maintien du régime social dont elles sont les cyniques bénéficiaires exigent que persiste le régime de paix armée d’où sort fatalement et périodiquement la Guerre.
L’abolition du principe d’Autorité, cause de la Guerre est, seule, de nature à en faire cesser l’effet. Les peuples commencent à comprendre que la Guerre est une folie et un crime : folie de la part des peuples qui consentent à la faire, bien qu’ils ne peuvent qu’en mourir ; crime, de la part des Gouvernants qui en vivent.
Cette vérité qui, de nos jours, atteint l’éclat de l’évidence, les prolétaires de toutes les nationalités sont appelés à la percevoir de plus en plus nettement. Quand cette vérité pénétrera assez profondément la conscience des foules odieusement immolées sur les champs de carnage, alors, mais alors seulement, la Guerre disparaîtra, parce que la colère des masses laborieuses, en tuant l’Autorité, tuera du même coup la Guerre. — Sébastien Faure.
GUET-APENS n. m. (de l’ancien français guet apensé, guet prémédité). Action d’épier, d’attendre, durant un
Tous les guets-apens, ou plutôt ceux qui les organisent, ne sont cependant pas toujours déférés devant la justice. On pourrait même dire qu’ils se dressent avec la complicité de la magistrature. Le guet-apens, tout comme le complot, est une arme fréquemment utilisée par les agents de la bourgeoisie pour écraser, au moment opportun, la révolte ouvrière. Les provocations honteuses auxquelles se livrent les policiers au service du capitalisme, ne sont que des guets-apens que ne savent pas éviter toujours ceux qui en sont les victimes.
Il n’y a pas lieu de s’étonner que ce soient toujours contre les organisations d’avant-garde et contre leurs militants les plus actifs que s’échafaudent des guets-apens ; nous devons donc veiller à ne pas tomber dans les embûches qui nous sont tendues et à nous méfier de ceux qui cherchent à nous entraîner dans des aventures douteuses.
Que les opprimés fassent le guet et ils tomberont moins souvent victimes des guets-apens de la bourgeoisie et du Capital.
GUEUX n. et adj. (mot d’origine argotique). On appelle gueux, le malheureux, le misérable, le nécessiteux qui ne trouve pas de quoi satisfaire aux besoins les plus élémentaires de l’existence et qui en est réduit, pour vivre, à avoir recours à la charité publique. Sans foyer et sans famille, le gueux traîne sa lamentable personne dans les coins obscurs des grandes villes ; il est l’hôte habituel des asiles de nuit, lorsque ceux-ci veulent bien, pour quelques heures, lui donner l’hospitalité ; sans quoi on le retrouve sous les ponts, déguenillé et sale, cherchant dans le sommeil un peu d’oubli à ses misères.
Le jour il vagabonde, espérant trouver au hasard du chemin la croûte de pain qui lui permettra de ne pas crever de faim. Sous le soleil brûlant, sous le froid glacial, ou sous la pluie qui pénètre ses pauvres hardes en loques, il attend, durant des heures, à la porte des soupes populaires, pour consommer le bol d’eau grasse que l’assistance publique lui accorde quotidiennement. Véritable déchet humain, animé par aucune espérance, car son sort ne peut pas changer, chaque jour se répète pour lui aussi misérable, aussi terriblement vide. Les gueux ne se révoltent pas ; ils ne peuvent pas se révolter ; ils sont tombés trop bas ; ce ne sont plus des hommes.
La société ne devrait-elle pas rougir de comprendre en son sein de tels êtres ? Quoi ! la terre est fertile et capable de nourrir tous ceux qui l’habitent ; les magasins regorgent de vivres et, chaque jour, se perdent des millions de tonnes d’aliments, et il est encore des êtres humains qui crèvent littéralement de faim ! Et c’est cela que l’on voudrait nous faire accepter comme une manifestation de l’ordre ?
Qui donc ne s’est pas senti profondément émotionné à la lecture de la belle œuvre du poète qui a mal tourné : Jean Richepin, La chanson des gueux ? Qui n’a pas senti monter en lui un ferment de colère, de pitié et de révolte en lisant les poèmes si vivants de Jehan Rictus ? Mais ceci est de la vie pourtant, de la vie vraie, de la vie vécue, et ce n’est pas une légende qu’en notre vingtième siècle il existe des hommes qui ne mangent pas, qui ne dorment pas, qui n’ont rien, qui ne possèdent rien et qui ne posséderont jamais rien.
Non, il n’est pas possible que cela dure ; une organisation sociale qui permet une telle inégalité, qui accepte que des êtres vivants n’aient pas le nécessaire, l’indispensable, alors que d’autres se vautrent dans l’opulence