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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/276

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GUE
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Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour nous l’approcher du jour où tous les peuples du monde seront unis en une Fédération Politique, Economique et Intellectuelle. — René Valfort.

GUERRE (La guerre et le point de vue anarchiste). Du 17 au 22 août 1926, s’est tenu, à Bierville (France), un Congrès dit : « Congrès sur la Paix par la Jeunesse ». Trente nations y étaient représentées par cinq mille délégués. Mais, hormis quelques rares délégués appartenant aux partis et groupements d’avantgarde révolutionnaires, tous les délégués appartenaient à la bourgeoisie capitaliste. Des vœux fervents en faveur de la Paix y ont été déposés et acceptés. De vibrants réquisitoires contre la Guerre y furent prononcés et accueillis de façon enthousiaste. Quelques moyens favorables à la lutte contre la Guerre y ont été proposés et votés. Diverses mesures destinées à favoriser l’avènement de la Paix y ont été proposées et consenties. Mais le fond même du débat n’a point été abordé ; on peut même affirmer que pas un délégué n’a prononcé sur les causes fondamentales et profondes de tout conflit armé, en cette époque d’Impérialismes rivaux et déchaînés, les paroles décisives qu’il fallait à tout prix taire entendre. Tous ces pacifistes purement sentimentaux se sont plus ou moins bornés à stigmatiser les horreurs de la Guerre et à célébrer les beautés de la Paix. Pas un n’a exprimé la conviction que la Guerre est inhérente au régime politique, économique et moral découlant du principe d’Autorité. C’est cette vérité que j’ai tenu à mettre en lumière, c’est cette impardonnable lacune que j’ai voulu combler, dans la lettre suivante, que j’ai adressée, le 20 août 1926, aux cinq mille congressistes :

xxx « Messieurs,

« Vous vous proposez de jeter les bases de la Paix par la Jeunesse.

« Travailler pour la Paix est une des œuvres les plus augustes et les plus urgentes qu’il soit possible d’imaginer, et faire appel à la Jeunesse, c’est confier sagement à l’avenir le soin de réaliser cette œuvre magnifique.

« Comme l’enfer, Messieurs, vous êtes pavés d’excellentes intentions et il ne peut venir à personne l’idée de vous refuser l’hommage que méritent ces intentions admirables.

« Mais permettez à un homme qui possède quelque expérience et qui, depuis de nombreuses années, se penche, fervent et angoissé, sur le problème de la Paix, de vous faire connaître, loyalement et sans ambages, le résultat de ses longues cogitations.

« Et d’abord, vous apprendrai-je quelque chose en vous disant que je n’ai jamais rencontré quelqu’un —homme ou femme — se déclarant, en principe, pour la Guerre ? Je ne pense pas et je ne dis pas que personne ne veut, n’appelle, ne désire la Guerre ; je dis simplement que personne n’ose, en temps de paix, s’affirmer ennemi de la Paix et partisan de la Guerre.

« Il serait, au surplus, plus que jamais prodigieux qu’il en fût autrement : la Guerre maudite de 1914-1918 a laissé dans toutes les mémoires des souvenirs si horribles que, d’instinct, la conscience de chacun envisage comme une épouvantable calamité le retour d’une telle catastrophe et que, d’instinct aussi, tous forment des vœux en faveur de la paix.

« Haine de la Guerre ; amour de la Paix » ; si on fouillait dans les cœurs, ce sont deux sentiments qu’on trouverait à peu près dans tous.

« Il serait donc banal et inutile de vous réunir en Congrès par centaines et par milliers, si vous deviez vous borner à vous affirmer partisans de la Paix, à pousser des acclamations, à chanter des hymnes, à

organiser, en faveur de la Paix, de solennelles et grandioses cérémonies.

« Je ne vous fais pas l’injure, Messieurs, de penser que ce soit là tout votre programme.

« Votre programme doit avoir, il a certainement pour but d’étudier et d’arrêter les moyens pratiques propres : 1° A empêcher la Guerre ; 2° A fonder un régime de Paix stable et, si possible, définitif.

« C’est ainsi, Messieurs, que se pose le problème de la Paix : tout le reste n’est que mise en scène, décor, solennité, faconde, attitude et pose sans sincérité, sans courage, sans signification précise, et sans influence sur le cours des événements d’où sortira demain ou la Guerre ou la Paix.

« Il s’agit donc avant tout, et même uniquement, d’empêcher la Guerre. Un seul moyen s’offre à toute personne sensée. Ce moyen consiste à rechercher loyalement la cause véritable, profonde, essentielle, fondamentale des guerres et, cette cause étant découverte, à travailler de toutes ses forces à sa suppression.

« Il est évident que, tant que ne sera pas abolie la cause, l’effet persistera.

« Il sera possible, en certaines circonstances, de prévenir un conflit imminent et d’en ajourner le déclenchement ; mais cette victoire, purement occasionnelle, n’aura en aucune façon fortifié la cause de la Paix, celle-ci restant à la merci du lendemain.

« Il est donc tout à fait indispensable, et avant toutes choses, de découvrir la cause véritable et essentielle d’où sort la Guerre, afin de dénoncer publiquement, de combattre et d’abattre cette cause.

« Eh bien ! Messieurs, cette cause est aujourd’hui connue et, depuis plus d’un demi-siècle, les Anarchistes la dénoncent sans se lasser et sans qu’il ait été possible d’en nier sérieusement l’exactitude.

« Cette cause, c’est le principe d’Autorité : principe qui, d’une part, fait surgir les conflits et, d’autre part, les résout et, au demeurant, ne peut les résoudre que par la force, la contrainte, la violence, la Guerre, indispensables corollaires de l’Autorité.

« Car c’est l’Autorité, dans sa forme économique présente : le Capitalisme, qui suscite les convoitises, exaspère les cupidités, déchaîne les compétitions et dresse en bataille les impérialismes effrénés et rivaux.

« Et c’est l’Autorité, dans sa forme politique actuelle : l’État, qui, ayant partie liée avec le Capital, manœuvre diplomatiquement et agit militairement sur le plan tracé par la Finance Internationale ; puis, l’heure venue, prépare, chauffe, entraîne les esprits, décrète la mobilisation, déclare la Guerre, ouvre les hostilités, établit la censure, réprime l’insoumission, emprisonne ou fusille les hommes courageux qui, s’étant affirmés contre la Guerre en temps de Paix (ce qui est fréquent et sans risque) persistent à se déclarer contre la Guerre en temps de Guerre (ce qui est rare et périlleux).

« Je vous le répète, Messieurs, la cause de toutes les guerres, à notre époque, c’est l’Autorité : c’est le Capital et l’État.

« Aussi, de deux choses l’une : ou bien, franchement, loyalement, vaillamment, inlassablement, vous pousserez vos recherches jusqu’à la découverte de la cause que les Anarchistes vous signalent et, dans ce cas, vous ne vous séparerez pas sans avoir pris l’engagement d’honneur de dénoncer publiquement cette cause et de la combattre par tous les moyens en votre pouvoir jusqu’à ce qu’elle ait été totalement et définitivement anéantie.

« Ou bien, reculant devant l’immensité, les difficultés, les périls et les conséquences de la lutte implacable à entreprendre contre l’Autorité, vous vous arrêterez à mi-chemin, peut-être même dès les premiers pas ; et, dans ce cas, je vous le dis tout net, Messieurs, et sans la moindre hésitation, tellement j’ai la certitude de ce