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dangereux. Jusqu’au xixe siècle sa condamnation avait pour effet de faire brûler le livre… et quelquefois l’auteur ! Cette Congrégation existe encore ; heureusement, ses jugements sont inopérants.

L’hérésie, comme on le voit, contenait presque toujours une grande partie de vérité.

Au reste, la définition qu’en donnent les dictionnaires bourgeois suffirait à affirmer le caractère révolutionnaire de l’hérésie.

« Opinion fausse ou absurde », est-il écrit dans le Larousse.

N’est-ce pas ainsi que tous les privilégiés ont qualifié les opinions des penseurs qui concluaient en la nécessité de la révolte et de la réorganisation totale de la société ?

L’Anarchisme est donc considéré, par tous les partis politiques, comme une hérésie, parce qu’il démontre la nocivité et la duplicité de toutes les prétendues doctrines sociales des politiciens de toutes couleurs.

Mais c’est une hérésie qui parviendra à prévaloir et qui finira par ruiner tous les commandements des Églises religieuses ou politiques.


HÉRITAGE n. m. Biens transmis par voie de succession. Ce que l’on tient de ses parents, des générations précédentes, ce qu’on a d’eux ou comme eux.

L’héritage est l’illustration la plus flagrante de la monstrueuse iniquité du principe de Propriété (voir ce mot). Il suffit d’étudier à fond l’usage successoral pour reconnaître qu’il n’est qu’un long enchaînement de vols et de spoliations.

Basé sur un principe foncièrement injuste, il ne peut exister que dans une société à base autoritaire. Pour que l’héritage subsiste, il faut que deux classes existent : la classe privilégiée et la classe pauvre. Il faut que la propriété, la finance, le commerce, le patronat règnent en maîtres ; il faut que la spéculation enrichisse d’aucuns au détriment du reste de la population. En un mot, il faut que la fortune publique s’accumule entre les mains d’une minorité.

L’héritage n’a de raison d’être que dans une société à base propriétaire. En effet, à quoi peut servir d’hériter soit d’une maison, soit d’une fortune, soit d’usines ou entreprises ? A pouvoir passer son existence dans l’oisiveté ou dans une aisance augmentée ; à pouvoir jouir des bonnes choses de la vie ; à ne plus être ou ne pas être obligé de se livrer à des travaux pénibles et exténuants ; en un mot, à faire partie de la classe des privilégiés.

Il est évident que son utilité disparaîtrait le jour où la société actuelle ferait place à un milieu social où tout serait à la disposition de tous, où la production permettrait à chacun de satisfaire amplement tous ses besoins.

Dans ce milieu social, hériter ne signifierait pas augmentation de bien-être, cela ne permettrait ni de se mieux vêtir, ni de se mieux nourrir, ni de se mieux loger ; puisque chacun pourrait se nourrir, se vêtir, se loger comme bon lui semblerait, puisque chaque individu jouirait du maximum de bien-être adéquat à l’époque à laquelle il vivrait.

Il n’y a véritablement que dans la classe possédante que l’héritage a de l’importance. Que peut léguer un ouvrier ? Rien, si ce n’est quelques meubles et quelque minuscule épargne.

Chez les riches, un héritage est toujours le produit du vol. La fortune n’est acquise que grâce à la spéculation ou au bénéfice tiré par le patronat sur le travail d’ouvriers spoliés et rétribués maigrement. C’est le fruit du travail d’autrui que le patron lègue à ses héritiers. C’est quelquefois le produit de véritables crimes et d’abus de confiance sans nom. L’héritage est le plus grand destructeur d’amitié et d’affections. Les futurs

héritiers attendent, espèrent et quelquefois provoquent même la mort du parent de qui ils convoitent la fortune. Entre les héritiers c’est une jalousie, une haine parfois poussée à son paroxysme, des procès sans fin où l’on voit les frères essayer de se dépouiller les uns les autres.

Dans les familles riches il n’est pas rare de voir un frère faire enfermer son frère, un fils faire interner son père ou sa mère dans un asile d’aliénés, pour posséder plus tôt ou davantage.

L’héritage, c’est le déchaînement de la cupidité dans tout ce qu’elle a de plus abject et de plus vil. Cette sorte d’héritage disparaîtra avec la société actuelle le jour de la Révolution sociale.


Il y a d’autres héritages que celui-là.

La longue suite d’oppression, d’esclavage, de guerres, de crimes, de spoliations, d’impitoyable répression que l’avidité, la cupidité, la licence sans frein des classes possédantes ont fait peser sur les gueux, nous lègue un lourd héritage de misère qui s’abat pesamment sur la classe ouvrière.

L’ignorance, le mensonge, l’hypocrisie, l’intolérance que la Religion a fait régner en maîtres durant de longs siècles, nous vaut un non moins lourd héritage d’erreurs et de préjugés qui obstruent encore pas mal de cerveaux.

Cet héritage de misères, d’erreurs et de préjugés qui nous vient aussi en partie de la trop longue résignation du prolétariat ; cet héritage onéreux, nous nous en débarrasserons par la révolte et par l’éducation.

Les Babeuf, les Bakounine, les Kropotkine, les Blanqui, les Varlin, les Malatesta, les Cafiero, les Pini, les Elisée Reclus et tous les grands révolutionnaires, par leurs écrits ou leurs actes, nous ont légué l’héritage de révolte qui nous incite à liquider l’héritage de misère.

Les Auguste Comte, les Proudhon, les Darwin, les Haeckel, et tous les philosophes et les savants, nous ont légué un héritage de science qui nous aidera à nous débarrasser de l’héritage de mensonges, d’erreurs et de préjugés.

Les Berthelot, les Pasteur, les Curie et tous les grands savants de la médecine et de la chimie, nous ont légué un héritage précieux, et chaque jour amène de nouvelles découvertes qui seront l’héritage de tous quand la médecine cessera d’être commercialisée.

Les inventeurs, les techniciens, les penseurs, les économistes, par leurs travaux, amènent chaque jour des perfections scientifiques qui constituent un précieux héritage qui nous aidera à solutionner les problèmes de la production dans une société libertaire.

Les théoriciens et les agitateurs anarchistes nous ont légué un héritage précieux qui nous permettra de nous débarrasser du plus lourd héritage que nous avons du passé : l’Autorité.

L’histoire des mouvements révolutionnaires de ces trois derniers siècles nous lègue un héritage riche d’observation, de leçons de faits qui nous prouve que chaque fois que le Peuple a confié le sort de sa révolte aux politiciens de quelque parti qu’ils se réclament, le mouvement tourna toujours au seul avantage des politiciens et au détriment des révoltés qui se trouvèrent n’avoir fait qu’un changement de personnel dirigeant mais être restés rivés aux chaînes de servage.

C’est l’héritage légué par les savants, par les philosophes, par les penseurs, par les théoriciens, par les révolutionnaires et par l’Histoire de ces derniers siècles que nous devons apprécier ; car c’est lui qui nous permettra de pouvoir hâter le jour où, brisant toutes nos chaînes, nous chasserons les maîtres, ainsi que tous ceux qui rêvent de le devenir.

Travaillons de tout notre cœur, de toutes nos énergies