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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/288

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niront l’occasion de se manifester. Fréquemment, d’ailleurs, elle attend, pour se montrer, l’âge où elle a fait son apparition chez les parents.

Le lecteur pensera sans doute que, si l’hérédité morbide avait autant d’importance que celle que nous lui attribuons, notre espèce ne serait depuis longtemps composée que de grands tarés et de mal venus, alors qu’elle présente encore, dans son ensemble, d’assez belles qualités de forme et d’endurance. S’il en est ainsi, ce n’est point que l’hérédité soit chose imaginaire, c’est que la nature se charge, quoique d’une façon imparfaite, d’éliminer de l’espèce les produits par trop malsains, soit en les rendant stériles, soit en les vouant à une mort prématurée.

Ceci est remarquable particulièrement lorsqu’il s’agit de tares très graves, comme la syphilis et l’intoxication par le plomb. Le Dr Alfred Fournier, dans son ouvrage sur Le Danger social de la Syphilis, affirme avoir personnellement constaté ce qui suit, et non à l’hôpital, mais dans le milieu très aisé de sa clientèle particulière : 90 femmes, contaminées par leurs maris, sont devenues enceintes pendant la première année de la maladie. Or, sur ces 90 grossesses, 50 se sont terminées par avortement, ou expulsion d’enfants mort-nés ; 38 par naissance d’enfants qui se sont rapidement éteints ; 2 seulement par naissance d’enfants qui ont survécu.

Le Dr C. Paul, ayant observé 141 cas de grossesse, avec intoxication saturnine, a enregistré comme résultat : 82 avortements ; 4 naissances avant terme ; 5 mort-nés. Sur les 50 enfants qui vinrent au monde viables, 36 périrent avant d’avoir atteint l’âge de 3 ans. Quant aux survivants — 14 sur 141 ! — ils étaient voués aux convulsions, à l’imbécillité, à l’idiotie, tout au moins à des troubles nerveux notables.

L’élimination n’est pas toujours aussi rapide. Lorsque les sujets sont résistants et que le mal, ou l’empoisonnement, qui ont atteint la famille, ne sont pas d’une violence extrême, il arrive qu’elle ne s’éteigne définitivement qu’après plusieurs générations, par suite d’hérédité morbide progressive. L’œuvre d’assainissement de l’espèce est accomplie, mais après combien de souffrances qui auraient pu être évitées !

Dans les cas les plus favorables, lorsque les enfants n’ont été que faiblement touchés par les tares parentales, et qu’ils grandissent dans de bonnes conditions, pour peu qu’ils se marient bien, c’est-à-dire avec des personnes ne présentant pas les mêmes défauts physiques, il y a affaiblissement progressif de la tare, d’une génération à l’autre, et même, dans certains cas, comme la syphilis, immunisation relative chez les descendants, en ce sens que, s’ils contractent le mal à leur tour, ils n’en sont pas aussi désastreusement affectés que leurs ancêtres, l’organisme ayant acquis de lui-même, dans sa lutte victorieuse contre le poison, des éléments de résistance en cas de nouvelle attaque.

Ainsi donc, si la lèpre, la grande vérole, la tuberculose et le reste n’ont pas abâtardi l’humanité entière, c’est parce qu’elle se trouve, grâce à une extinction plus ou moins rapide, purgée de ses déchets chaque fois qu’ils dépassent une certaine limite de dégénérescence, et parce qu’elle se trouve, d’autre part, guérie peu à peu, par des croisements salutaires, dans la personne des plus aptes à la survivance.

Cette loi naturelle, cruelle dans ses moyens, est profitable dans ses résultats. Sans cette élimination des inaptes, la terre se transformerait en sanatorium, et il ne resterait bientôt plus assez de gens valides pour s’occuper de calmer les souffrances et de prolonger la vie des infirmes. Cependant nous avons faculté d’amender cette règle impitoyable dans ses effets. Là où l’intervention médicale est impuissante à guérir les tares humaines, elle peut faire la part du feu, c’est-à-dire devancer l’œuvre d’élimination naturelle, en la rendant

plus circonscrite et moins douloureuse. Les incurables, les malformés, les demi-fous, ou les débiles définitifs, pourraient être soumis à la stérilisation opératoire par l’ovariotomie chez les femmes, la vasectomie chez les hommes — ce qui leur permettrait de continuer à jouir des plaisirs sexuels, sans risquer d’infliger leurs disgrâces à des enfants. L’avortement dans les hôpitaux pourrait être autorisé, non seulement lorsque la continuation de la grossesse met en péril la santé de la mère, mais encore lorsque serait en jeu la santé de l’espèce, par la venue au monde d’un monstre ou d’un dégénéré. Enfin, pour ceux chez lesquels l’inaptitude à une saine procréation ne serait que momentanée, se trouverait indiqué le recours temporaire à des moyens de préservation anticonceptionnels. Seuls seraient invités à faire de nombreux enfants les couples choisis pour 1’esthétique de leurs formes, et leurs belles qualités morales et intellectuelles, leur parfaite santé physique.

Nous sommes encore loin de cet idéal biologique, auquel s’opposent, non seulement l’ignorance et l’inconscience du populaire, mais encore l’hypocrisie religieuse et les soucis militaristes des classes dirigeantes. — Jean Marestan.


HÉRÉSIE n. f. (du grec hairesis ; de hairein, choisir). Doctrine condamnée par l’Église catholique.

Dès qu’elle fut en possession d’une certaine puissance, du fait de sa reconnaissance par les rois et les empereurs, l’Église romaine oublia toutes les persécutions auxquelles furent en butte ses fondateurs.

Sitôt armée de sa redoutable influence sur les monarques et les seigneurs, elle livra une guerre impitoyable et sanglante aux hommes qui ne se plièrent pas à ses commandements. Les quinze siècles au cours desquels elle régna en incontestable maîtresse en Europe ne sont qu’une longue suite de crimes qu’elle perpétra et qu’elle commit au nom de la Religion. Il y eut de véritables massacres de populations entières.

Les plus célèbres sont : le Massacre des Albigeois (xiiie siècle) ; les guerres de la Réforme (voir ce mot et protestantisme) ; la Saint-Barthélemy (1572) ; les dragonnades des Cévennes (voir ce mot) ; le Massacre des Innocents.

Le Concile de Vérone (1183) ordonna aux évêques lombards de livrer à la justice les hérétiques qui refusaient de se convertir. Un peu plus tard, fut établi un tribunal secret : l’Inquisition (voir ce mot), pour la recherche et le châtiment des hérétiques. Jusqu’au dernier siècle, ce tribunal envoyait au bûcher, après d’effroyables tortures, les gens soupçonnés d’hérésie. En 1766, Un jeune homme de dix-neuf ans, le chevalier de La Barre, fut décapité, puis brûlé, pour ne pas avoir salué une procession et pour avoir été soupçonné d’avoir mutilé un crucifix.

Depuis une cinquantaine d’années, l’Eglise a perdu une grande partie de son influence et, à part en Espagne, où elle sème encore la terreur, elle est presque totalement désarmée contre l’hérésie. Ce qui est un grand bien.

Tout ce qui constituait un acheminement vers le Progrès était, par l’Église, considéré comme hérésie. Ne vit-on pas Galilée, mathématicien italien, pour avoir écrit un livre dans lequel il expliquait que le soleil est le centre du monde planétaire et non la terre, que celle-ci tourne autour du soleil comme les autres planètes qui réfléchissent sa lumière ; ne vit-on pas cet homme, âgé de 70 ans, obligé d’abjurer à genoux, en 1633, sa prétendue hérésie ? Et ne périt-il pas aveugle des neuf ans de demi-captivité que l’Inquisition lui fit subir ?

L’Église, au Concile de Trente (1545-1563), créa une Congrégation de l’Index, qui a pour objet d’examiner les livres parus et de les condamner s’ils sont jugés