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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/291

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HER
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Le héros ? — maintenant c’est toujours une victime. C’est l’homme transformé en bétail que l’on envoie à l’abattoir.

C’est aussi un criminel : c’est celui que l’on envoie tuer ses semblables.

Pauvre type qui, durant quatre ans, endura la boue, le froid, la vermine, qui subit en silence tous ses maux, qui devait l’obéissance passive sous peine de cour martiale, qui voyait chaque minute comme pouvant être la dernière de son existence ; pauvre type qui était une véritable loque soumise à tous les caprices du haut commandement ; que l’on envoyait se faire tuer à heures fixes et que l’on menait aussi à la ruée meurtrière, qui tuait tout ce qui se trouvait sur son passage !

Le héros ? — c’est l’homme que l’on changeait en bête malfaisante, qui ravageait les champs de culture, qui réduisait le village en ruines, qui changeait les plaines nourricières en vastes nécropoles.

Le héros ? — c’est cette brute malfaisante, dévastatrice et criminelle : le soldat.

C’est l’éternel outil de domination du maître.

Il faut que nous fassions une active propagande dans le peuple pour arriver à ce que tous les prolétaires refusent désormais qu’on les transforme en héros.

L’homme doit se consacrer à des œuvres de vie. Par son labeur, par ses études, il doit travailler à enrichir l’Humanité de ses découvertes et de sa production.

C’est au prix d’efforts pénibles et de recherches ardues que l’œuvre de vie se perfectionne un peu chaque jour.

Il faut haïr le héros, cet être dangereux qui détruit souvent en une seule journée tout le labeur de plusieurs années.

Ce n’est que dans la paix et par la paix que tous nos efforts peuvent produire leurs fruits.

Quand les grands et les privilégiés, qui ne s’enrichissent que par la guerre, viendront nous demander d’être des héros, refusons-leur !

Restons des hommes et travaillons de toutes nos énergies pour que vienne le temps où tous les hommes vivront libres et heureux dans une humanité fraternelle d’où seront bannis les maîtres et les héros. — Louis Loreal.

HÉROS. Dans la Mythologie, le héros est un demi-dieu, c’est-à-dire : fils d’un Dieu et d’une femme, ou d’une déesse et d’un homme. Leurs grands hommes étaient divinisés par les Grecs et prenaient le titre de héros : Léonidas, Lycurgue, Hippocrate, Homère, Aristote, etc. Au héros, on offrait des sacrifices ; on célébrait régulièrement sa fête dans les sanctuaires dits : nerôon. Quelques héros, surtout Hercule, étaient l’objet d’un culte dans la plupart des pays helléniques ; mais généralement cette religion était locale. Chaque cité rendait un culte public à son héros éponyme ou fondateur.

Se dit aujourd’hui d’un individu qui a montré un courage et une abnégation extraordinaires dans l’accomplissement d’une chose considérée comme Bien. Le fait que le Bien, est chose si différente selon les pays ou les individus, implique que le Héros est chose assez indéfinissable. D’autre part, l’héroïsme peut être, est presque toujours : inconscience ou apparence, donc le héros n’est pas réel. C’est ainsi qu’en l’armée, on appelle Héros, un soldat qui a beaucoup tué, volé, violé, risquant sa vie, alors que le plus souvent cet être n’a agi ainsi que par peur ou inconscience.

Ce Héros est un bluff, que nous appellerons d’ailleurs quand il est vrai : un ignoble individu.

Pour qui connaît le fond de l’acteur, il n’y a que bien peu de Héros. C’est pourquoi le proverbe est si vrai qui dit : « Il n’y a point de héros pour son valet de chambre ». — A. Lapeyre.


HÉTÉRODOXE adj. (du grec heteros, autre, et doxa, opinion). Qui est contraire aux opinions et aux doctrines officielles.

De tous temps, les puissants réprimèrent sévèrement ceux qui ne se pliaient pas aux enseignements mensongers donnés par l’État ou par l’Église. Le plus piquant de l’histoire, c’est que l’Église romaine, qui fut la plus féroce et la plus tenace dans l’extermination des hétérodoxes, n’est elle-même que le résultat d’une hétérodoxie.

Le Christ (si toutefois il exista, ce dont nous doutons assez fortement), le Christ de la légende biblique fut, en effet, un des plus grands hétérodoxes. Les discours qu’on lui prête, les actes qu’on lui attribue sont, du premier au dernier, en opposition flagrante aux lois, aux écritures et aux enseignements et de l’Église juive et des gouvernants d’alors. Cette hétérodoxie fut (toujours d’après la légende évangélique) punie de la crucifixion.

Les premiers chrétiens furent, durant près de trois siècles, soumis aux supplices les plus cruels. Devenus les maîtres, ils en usèrent avec leurs contradicteurs comme on en avait usé avec eux dans leurs débuts.

Dès l’an 310, un prêtre d’Alexandrie, Arius, devenait hétérodoxe. Il créa l’Arianisme, qui combattait le dogme des trois personnes (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) en une seule (Dieu). Il soutenait que le Christ était parfait, mais il niait sa divinité.

Durant de longs siècles, l’arianisme contrebalança les forces de Rome. Soutenu par divers empereurs de Constantinople, le patriarche de cette ville jouait à peu près, et avec presque autant d’influence, le rôle du Pape de Rome. Condamnés par le Concile de Nicée, en 325, les ariens se maintinrent jusqu’en 1204, date à laquelle les soldats de la quatrième Croisade prirent et ravagèrent Constantinople. Depuis, persécutés, mis à mort, ils disparurent peu à peu.

D’autres sectes hétérodoxes virent le jour.

Parmi les plus importantes citons : les Albigeois, écrasés en 1229 par les troupes royales ; les hussites (du nom de leur chef Jean Hus, brûlé vif en 1415), qui furent exterminés en Bohême vers 1471.

Puis vinrent les Luthériens, les Calvinistes (voir les mots : calvinisme, luthérianisme, protestantisme, Réforme). Ils furent combattus comme on le sait au cours des Guerres de Religions qui ensanglantèrent la France pendant quarante ans. Malgré les persécutions sans nom qu’ils subirent jusqu’en 1789, les protestants ne purent être réduits à merci et, aujourd’hui, les Églises protestantes (car il y a plusieurs sectes) sont nombreuses par le monde.

Un hétérodoxe célèbre : Étienne Dolet, pour avoir nié l’existence de Dieu, fut brûlé vif à Paris en 1546.

Tous les précurseurs furent hétérodoxes.

Ne pas admettre les doctrines officielles ; rêver d’une société plus harmonieuse ; combattre les dogmes des partis ; ne pas accepter les yeux fermés tout ce que les écoles enseignent ; refuser de croire vraies toutes les théories avant de les avoir examinées en détail ; disséquer, soupeser, approfondir les idées et tracer résolument, soi-même, sa propre voie, — : c’est être hétérodoxe.

Ne pas être esclave des traditions et savoir rompre avec elles quand elles semblent néfastes ; nier Dieu ; nier la Patrie ; nier le droit pour d’aucuns d’imposer leur autorité à d’autres ; s’élever contre l’exploitation de l’homme par l’homme et son hideux résultat : le salariat ; ne rien attendre des politiciens ; ne rien espérer de chefs ou d’élus ; se faire soi-même l’artisan de son propre salut — : c’est être hétérodoxe.

N’accepter ni la loi de la majorité, ni celle de la minorité ; ne vouloir être gouverné par personne et revendiquer son droit absolu à l’autonomie ; n’accepter ni loi, ni règlement, ni contrainte d’aucune sorte ; ne