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rien vouloir imposer aux autres ; proclamer la vertu de l’entraide ; combattre tous les préjugés — : c’est être hétérodoxe.

Œuvrer de toutes ses forces pour l’avènement d’un milieu social où tout reposera sur la bonne volonté de chacun des composants, où le travail sera uniquement œuvre de vie et non plus source de richesses pour quelques-uns et esclavage pour d’autres, où les frontières auront disparu, où tous les êtres vivront libres, égaux et fraternels, où les humains réaliseront en paix la doctrine : « Bien-Être et Liberté » — : c’est être hétérodoxe.

Les anarchistes sont donc des hétérodoxes : ceux qui ne pensent pas comme tout le monde. C’est pourquoi ils sont persécutés dans tous les pays et par tous les partis politiques. C’est pourquoi leurs faits et gestes, leurs théories et leurs militants sont ignoblement calomniés par tous ceux qui veulent régir le monde d’après leurs orthodoxies particulières qui se rencontrent toutes au carrefour de l’Autorité.

Être hétérodoxe, c’est vouloir être libre, indépendant, heureux et fraternel : c’est la raison d’être des anarchistes. — Louis Loréal.


HÉTÉROGÈNE adj. (du grec heteros, autre, et genos, race). Qui est de nature différente. On emploie ce mot pour qualifier une dissemblance : des caractères hétérogènes. On dira d’un groupe comprenant des membres de différentes tendances qu’il est composé d’éléments hétérogènes.


HIÉRARCHIE n. f. (du grec hieros, sacré, et arché, commandement). Ordre et subordination des divers pouvoirs ecclésiastiques, civils ou militaires.

La hiérarchie est à la base de tout principe autoritaire. Partir du chef pour arriver à l’exécutant, en passant par toute une échelle de différents agents d’exécution ; créer une multitude de grades qui confèrent, au fur et à mesure qu’on monte un degré, une partie toujours plus grande du pouvoir ; diviser à l’infini la puissance de l’État en lui donnant de par sa multiplicité et sa variété une force de résistance plus grande ; organiser dans l’État toute une gradation des prébendes, des bénéfices et des privilèges : tels sont en effet les théories gouvernementales.

La soif de paraître, de commander, de dominer, est une passion qui agite hélas !, encore pas mal d’individus. Dès qu’un régime autoritaire s’établit sur les ruines de l’ancien, son premier soin est de combler les partisans d’honneurs, de revenus et de postes de commandement.

Tel qui n’est aujourd’hui que simple citoyen rêve d’être conseiller municipal ; tel autre rêve d’être général ; tel autre encore, qui n’est qu’ouvrier, est rongé par l’ambition de devenir chef d’équipe ou contremaître.

Tous les partis autoritaires cultivent cet esprit de hiérarchie — même les partis dits ouvriers. Car c’est en faisant naître des ambitions au cœur des hommes que les gouvernants ou aspirants gouvernants parviennent à les duper et à en faire leurs jouets.

Les anarchistes sont contre toute hiérarchie : soit morale, soit matérielle. Ils lui opposent le respect de la liberté et l’autonomie absolue de l’individu.

Et s’ils conçoivent un Milieu Social futur, c’est un milieu dans lequel tout être humain aura des droits égaux à ceux de ses contemporains.

Il faut détruire du cerveau des hommes le sentiment de la hiérarchie et le remplacer par l’amour de l’anarchie.


HIÉROGLYPHE n. m. (du grec hieros, sacré, et glupheim, graver). Système d’écriture en pratique chez les anciens Égyptiens. Dès le début, les caractères représentaient les objets ou les êtres mêmes qu’ils voulaient désigner. Pour écrire homme ou lion, on dessinait un homme ou un lion. Plus tard, bien que conservant les

mêmes signes, on leur attribua un autre sens. Au lieu de signifier le mot qu’ils représentaient, ils ne signifièrent plus que la première syllabe ou même la première lettre du mot. Certains signes, cependant, continuèrent à représenter un mot tout entier. C’était là une écriture fort compliquée, avec des centaines de signes. Seules les classes privilégiées pouvaient s’adonner à son étude. De là vient son nom : caractères sacrés. Cependant, pour les registres des employés, qu’il fallait écrire vite, on fut amené à simplifier peu à peu les signes. Néanmoins l’écriture resta toujours difficile à lire pour les Égyptiens eux-mêmes. Beaucoup de ces signes hiéroglyphiques se sont conservés jusqu’à nos jours sur les monuments de l’ancienne Égypte, mais, il y a cent cinquante ans, personne au monde ne les pouvait déchiffrer.

Quand, en 1798, Bonaparte conquit l’Égypte, il fit accompagner son armée par quelques savants français qui découvrirent de nombreuses ruines du passé, sur lesquelles étaient gravées des inscriptions. Dans des tombeaux d’anciens Égyptiens, ils trouvèrent des statues et des papyrus. Trente ans plus tard, un jeune professeur, Champollion, après avoir étudié avec acharnement les caractères égyptiens, finit par les déchiffrer.

Depuis lors, de nombreux savants consacrent leurs efforts à étudier l’ancienne Égypte qu’ils nous font connaître chaque jour davantage. Cette branche d’études scientifiques est dénommée : égyptologie. La difficulté de leur lecture a fait, depuis longtemps, comparer ces caractères aux choses qu’on a de la difficulté à lire ou à comprendre. Tel écrivain fait dire de lui : « Ses romans sont de véritables hiéroglyphes ». Chercher, par exemple, de la logique dans la loi est une besogne plus ardue que celle de déchiffrer les hiéroglyphes.


HISTOIRE n. f. Le mot histoire est généralement entendu comme le récit des faits, des événements, des institutions, des mœurs, relatifs aux peuples en particulier et à l’humanité en général, et c’est dans ce sens que nous allons l’étudier. Nous mentionnerons cependant que son assimilation fréquente — et trop souvent justifiée par les lacunes de l’histoire et son caractère fabuleux — avec un récit quelconque, aussi bien mensonger qu’authentique, donne au mot histoire, dans le langage courant, une extension qui souligne sa vastitude et ses difficultés. Nous entendrons ici l’histoire comme opposée — dans le dessein et l’effort, sinon toujours dans le résultat — à la pure fiction, et attachée à des objets dont elle tend à garantir l’exactitude et l’enchaînement au moins chronologique. Elle participe à la fois de la science par sa documentation et de la littérature par sa représentation. Sa méthode, moins fermée que celle des sciences dites exactes, accorde à l’intervention imaginative et à l’intuition une place à côté de l’analyse et de l’expérimentation. Selon les âges et l’individualité de l’historien, chaque facteur accuse sa marque et nous assistons comme à un flux et reflux de prépondérance. L’art pénètre dans le domaine de l’histoire par l’imagination, par sa peinture, sa suggestivité, la délicatesse des exposés et la richesse émotive des évocations. Mieux : par les moyens préhensibles, il étend son rôle jusqu’au cœur de l’investigation. Les diverses branches d’activité des recherches historiques ont leurs dénominations adéquates : on dit l’histoire ancienne, ou contemporaine, la philosophie de l’histoire, l’histoire générale, l’histoire de l’art, la préhistoire, etc.

Le problème de l’histoire comporte deux faces qui ont leur matière et leurs inconnus propres comme leurs cas de conscience et leur technique. L’une regarde la constitution, la réalisation de l’œuvre historique, l’autre sa diffusion, sa vulgarisation. Et la tâche de celle-là est au-dessus des visées de celle-ci. Elle n’a pas à s’inquiéter de ce qu’on fera d’elle, ni de sa portée, ni de son utilité,