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manuels par les évêques, et, d’autre part, l’interdiction d’autres manuels par le gouvernement ?

14. — Est-il vrai que cet enseignement est une cause de conflit entre les familles et les maîtres, et qu’en particulier il a déterminé de nombreuses grèves scolaires ?

15. — Est-il vrai qu’il a motivé des poursuites disciplinaires contre certains maîtres ?

16. — Est-il vrai que, comme l’a affirmé Fustel de Coulanges, ce que l’histoire nous a appris, c’est surtout à nous haïr les uns les autres ?

17. — Est-il vrai que, comme l’a soutenu J.-J. Rousseau, approuvé depuis par Faguet, l’histoire est une terrible démoralisatrice ?

18. — Est-il vrai que, selon le mot d’Alain, l’histoire est la bonne à tout faire de tous les partis ?

19. — Nombre d’historiens professionnels, tels que Thureau-Dangin, Albert Vandal, Pierre de La Gorce, Frédéric Masson, Jacques Bainville, Jean Guiraud, étant des réactionnaires notoires, est-il vrai que l’histoire n’a nullement la vertu de former spécialement des républicains ?

20. — Est-il vrai que l’histoire, ne pouvant passer sous silence les luttes des peuples les uns contre les autres, engendre forcément la haine de l’étranger, l’esprit de revanche, et est l’un des plus grands obstacles à la fraternité des nations et au règne de la paix ?

21. — Est-il vrai qu’en se bornant purement et simplement à supprimer « l’histoire-bataille », on mutile l’histoire ?

22. — Est-il vrai que la foule des faits politiques, administratifs, judiciaires, financiers, économiques, sociologiques, scientifiques, littéraires, artistiques, qu’on englobe sous le nom d’histoire de la civilisation, n’est pas plus à la portée des enfants que l’histoire militaire ?

23. — Est-il vrai que les allusions historiques rencontrées dans les journaux, les livres et les œuvres d’art ne justifient pas plus l’enseignement de l’histoire de France que les allusions bibliques n’ont justifié l’enseignement de l’histoire sainte dont la suppression s’est heurtée jadis au même argument ?

24. — Est-il vrai que la suppression de l’histoire, comme matière enseignée à heures fixes, n’empêcherait pas plus les explications historiques « occasionnelles » que l’inexistence de l’astronomie ou de la mythologie, comme matières des programmes primaires, n’empêche, à l’occasion, les explications astronomiques ou mythologiques ?

La proposition de Clémendot était trop hardie pour les membres du Syndicat national. Il faut remarquer, d’ailleurs, qu’elle était beaucoup plus destructive que constructive. Il eût mieux valu traiter la question en la considérant comme partie du problème beaucoup plus vaste de la transformation des programmes dans le sens indiqué par Decroly et Ferrière. Clémendot ne fut pas suivi et le Congrès du Syndicat national, en 1924, se borna à demander des réformes dans le contenu et la méthode de l’enseignement historique.

L’Internationale des travailleurs de l’Enseignement se préoccupe actuellement de la préparation d’un livre d’histoire internationale à l’usage des maîtres. Les discussions engagées montrent que, malgré certaines résistances, on a de grandes chances d’aboutir à la confection d’une histoire écrite en se plaçant à ce point de vue marxiste dont nous avons montré les inconvénients au début de cette étude. — E. Delaunay.


HOLOCAUSTE n. m. (du grec holocaustos, brûlé tout entier). Offrande que les anciens (et surtout les Juifs) faisaient à leur Dieu, dans laquelle la victime choisie était entièrement consumée par le feu. Selon la Bible, Abraham se vit demander par l’Éternel l’offrande de son fils unique Isaac. Pour prouver à son Dieu sa fidélité et son obéissance, il prépara un bûcher et se dis-

posait à brûler son fils quand l’Éternel fit grâce. Il faut, bien entendu, faire toutes réserves sur l’authenticité de cette fable, mais il n’en est pas moins significatif de constater que même les adorateurs du Dieu juste et bon l’imaginent assez cruel pour torturer moralement un père en lui demandant la vie de son fils unique. Chez les Gaulois de l’Armorique, on offrait chaque année en offrande à Teutatès, une vierge de l’Île de Sein qui était brûlée vive sur un bûcher dans la forêt de Karnak après que les Druides l’avaient chargée de commissions diverses pour les morts qu’elle allait retrouver. La religion brahmanique faisait une obligation à la veuve de s’offrir en holocauste sur le même bûcher qui consumait le cadavre du mari défunt. Diverses peuplades sauvages avaient la coutume d’offrir en holocauste les ennemis faits prisonniers.

Au sens figuré, le mot holocauste signifie offrande, sacrifice.

C’est ainsi que l’on dit couramment que le meilleur de la jeunesse fut, de 1914 à 1918, offerte en holocauste pour le plus grand profit des financiers et des industriels internationaux.


HOMME n. m. (du latin homo). L’homme est « un mammifère bimane, à station verticale, doué d’intelligence et de langage articulé » (Larousse). Nous pourrons dire de lui, parodiant Pascal, qu’il a les entrevisions de « l’ange » et les quotidiennetés de la « bête » et que ses évasions idéales ont plus fardé la brute que réalisé l’homme…

Partie de l’idée ancienne d’évolution vers la mutabilité et la sériation des êtres, à travers la parenté idéale de Linné, la voie scientifique de la parenté réelle fut servie par les observations de Descartes sur les conditions extérieures et de Buffon sur les milieux. Et les études sur l’essence et les prémices de l’homme devaient en être influencés. Le transformisme (ébranlé par Lamarck, repris et mis au point par Darwin, vulgarisé et amplifié par Haeckel, Huxley, Giard, Kropotkine, etc.) a émis, sur l’origine et la filiation des espèces — et l’espèce humaine notamment — des théories qui ont bouleversé les données de la science et les échafaudages de la théologie. Il a aussi porté un coup terrible à la position royale de l’homme, dans cet univers où il conservait la prétention de monopoliser l’intelligence. Si l’homme se rattache à un type primitif, s’il a sa souche en quelque espèce de transition, si les éléments de sa structure et de ses facultés sont en germe dans l’ascendance, s’il n’est que l’échelon supérieur des séries animales, un des chaînons provisoires d’une vitalité infiniment diversifiée, tombent à la fois et l’orgueil de tenir un rang à part dans la nature et le pavois où l’avaient dressé la Genèse, à mi-chemin de la matière et du divin, et les transcriptions révélées de la Bible ne sont plus qu’une pauvre invention romanesque. Mais s’éclaire sur les ruines de la « création » mystique — d’une lumière précieuse les origines et le processus de la vie et l’interdépendance généalogique des êtres animés. Des hauteurs du « règne homme » au stade modeste de « primate », quelle chute pour ce raccourci céleste « qui se souvient des cieux » et dont la côte généreuse a engendré la femme !…

De l’embryon amorphe au complexe agrégat humain, du protoplasme initial à notre merveilleuse architecture cellulaire, quelle formidable et saisissante évolution cependant, et quel champ ouvert à nos curiosités, à notre admiration. Et quelle joie, quitte à oublier Dieu, de connaître un peu l’homme !

Aux ouvrages scientifiques spéciaux et documentés nous renvoyons tous ceux qu’attire ce passionnant problème. Quel que soit notre désir, et si tentant soit le sujet, nous laisserons de côté — au moins en tant qu’étude générale — anatomie humaine (descriptive et comparée), physiologie, biologie, anthropologie, ethno-