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tantpouvoir obliger tous les membres d’un groupe à avoir le même point de vue.

Le groupe anarchiste est plutôt synthétique et seuls quelques partis d’extrême-gauche ou d’extrême-droite sont homogènes. On peut se rendre compte par les exclusions et sanctions de toutes sortes appliquées à leurs membres récalcitrants, que ce n’est qu’à force d’autorité intensive qu’ils peuvent demeurer homogènes.


HOMONYME n. et adj. (préfixe homo et grec onuma, nom). Se dit des mots qui se prononcent de même, bien que leur orthographe diffère, comme saint, seing, sein, ceint ; ou des mots de même orthographe mais qui expriment des choses différentes, comme coin qui signifie à la fois un angle, un instrument à fendre du bois, un poinçon, etc. (Ces derniers sont appelés homonymes homographes).

N. m. Celui qui porte le même nom qu’un autre sans toutefois être de la même famille : les deux Rousseau étaient homonymes.


HONNÊTETÉ n. f. (du latin honestus, honnête). Probité, modestie, pudeur, bienséance, politesse, bienveillance, obligeance. En ses diverses acceptions, ce mot est un de ceux que l’on a le plus galvaudé de par le monde et qui couvre un tas d’actes malpropres, vils, répugnants et quelquefois criminels. Que penser, par exemple, de cette admirable phrase : l’honnêteté d’un commerçant, d’un homme d’affaires ou d’un politicien ? Qu’en penser, quand on sait que le commerce n’est qu’un vol légalisé, que les « affaires » ne sont que des coups d’esbroufe et que, seul, le plus rusé peut réussir ; quand on sait que la politique n’est qu’une perpétuelle duperie et que chaque politicien ment, promet, renie, abjure et se livre à mille palinodies aussi répugnantes les unes que les autres pour avoir sa part de l’assiette au beurre ? Qu’en penser sinon que cette « honnêteté » n’est qu’une étiquette couvrant la plus vile marchandise ! Que dire de l’honnêteté d’une femme, parce qu’elle n’a de rapports sexuels qu’avec son mari ou son compagnon ; parce qu’elle rougit ou baisse les yeux quand on lui parle de questions sexuelles ; parce qu’elle ne se montre jamais avec d’autre homme que celui avec lequel elle vit ? Que dire de cette honnêteté, quand on sait que la plupart des femmes qui se montrent en public sous un jour prude, vertueux et même rigoriste ; sont, dans le privé, assez généreuses de leur corps ? Que dire, sinon que cette honnêteté n’est qu’un masque destiné à tromper le public !

Et puis, en quoi une femme qui se donne où, quand et avec qui il lui plaît, est-elle moins honnête que celle qui n’accorde ses faveurs qu’à un seul homme ? Ce que les conventions stupides appellent : honnêteté n’est que la consécration de préjugés et d’hypocrisies.

L’agence de renseignements privés qui donne au mari des détails précis sur les actes de sa femme, grâce auxquels il peut tuer ou son rival heureux ou sa femme ; cette agence de renseignements qui, comme on le voit souvent, hélas !, depuis la guerre, est responsable de meurtres, est considérée comme agence honnête parce que ses renseignements sont vrais ; alors que son honnêteté consiste à donner les moyens à un jaloux de commettre un crime.

Les anarchistes repoussent de tout leur mépris l’honnêteté bourgeoise. Pour eux, cette honnêteté est un mot vide de sens qui n’est que basse flagornerie à l’égard des riches et des puissants et une flatterie à l’adresse des « bons et dociles serviteurs ». Être honnête, pour un anarchiste, c’est être franc, sincère et loyal.

L’honnêteté consiste à ne pas se mentir à soi-même, ni aux autres ; à se juger sans indulgence pour ses défauts, à les combattre et à tout mettre en œuvre pour les vaincre. L’honnêteté, c’est mettre en accord ses actes avec ses idées, ses paroles ou ses écrits. C’est revendi-

quer sa complète liberté et laisser tous les êtres agir librement. C’est rompre avec les préjugés et les traditions. C’est savoir se dresser même contre ses amis, quand ceux-ci s’engagent dans une mauvaise voie. C’est être bon et fraternel non seulement en paroles, mais en action. C’est savoir rester indulgent pour les petits travers des autres parce que tout être a ses défauts et a besoin que les autres lui soient indulgents. Mais c’est être impitoyablement dressé contre tout acte vil, mesquin, autoritaire, criminel ou dangereux soit pour son idée, soit pour les autres. L’honnêteté c’est rester toujours conséquent avec soi-même, c’est ne rien accomplir de contraire aux principes et aux idées que l’on professe.

L’honnêteté consiste à démasquer énergiquement les fourbes et les hypocrites qui, sous ce mot, cachent leurs ignobles desseins. Elle ne peut régner que dans un milieu et chez des êtres moralement sains. L’honnêteté sera la règle générale dans une société où le lucre, le luxe et la domination de l’homme sur l’homme auront cessé d’exister.


HONNEUR n. m. (du latin honor, même signification). Un des mots les plus stupides, les plus vides de sens. Un de ceux au nom de qui on accomplit un nombre incommensurable de crimes. Pour donner une idée exacte de ce mot, il n’est que de citer les définitions qu’en donnent les dictionnaires bourgeois : « Gloire, estime qui suit la vertu ou les talents. Probité, vertu, considération, réputation, démonstration d’estime ou de respect. Distinction. En parlant des femmes : pudeur, chasteté ».

C’est au nom de l’honneur du drapeau, de la Patrie, que toutes les guerres se sont faites et se font encore. Que de sang versé, que de victimes accumulées ! L’honneur du drapeau, l’honneur de la Patrie ; ces mots cachent les ténébreux desseins, les convoitises, les ambitions, les appétits insatiables des financiers, des industriels, des diplomates et des gouvernants de toutes les couleurs.

L’honneur du nom, de la famille, de la caste : que de palinodies, que de bassesses, que de crimes on commet en leur nom ! Un mari tue sa femme pour venger son honneur outragé ( !) ; un père renie son fils parce que celui-ci s’engage dans une voie qui porte atteinte à l’honneur de sa famille ! Un bourgeois se livre à toutes les bassesses envers les puissants pour être décoré et ainsi relever l’honneur de son nom ! Une mère conseille à son fils de se suicider parce qu’il a manqué à l’honneur !…

Témoin ce fait-divers cueilli dans Le Matin du 28 février 1924 :

« Tragique arrestation. — Le sieur Sarlat, secrétaire de mairie à Bassens, avait commis plusieurs détournements au préjudice de la commune. Sur la plainte du maire, des agents de la sûreté se présentaient hier à son domicile pour l’arrêter. Ce fut la mère qui vint leur ouvrir et, en apprenant le mobile de leur visite, elle cria à son fils qui était dans sa chambre : « On vient pour t’arrêter, tue-toi ! » Sarlat prit alors un revolver et se logea une balle dans la tête. Les policiers, au bruit de la détonation, se précipitèrent dans la chambre et trouvèrent l’indélicat employé gisant dans son sang et râlant. La mère les supplia d’achever son enfant ! »

N’est-ce pas atroce de voir cette mère préférer son enfant mort plutôt que « déshonoré » ? Que de la voir, parce qu’il ne mourait pas sur le coup, supplier les flics de l’achever ? L’honneur ! Voici seulement ce qu’elle envisagera. Pas un cri de pitié ou de douleur ne sortit de ses lèvres ; aucun élan affectueux ne vint dicter à cette « mère » une parole de pardon. L’honneur ! Il fallut ce mot pour ravaler une femme plus bas que la