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IDO
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La langue internationale ainsi obtenue diffère de l’Esperanto sur les points suivants :

1° Alphabet : suppression des 5 lettres surmontées d’un accent circonflexe (c, g, j, li, s), « très grave obstacle pour la diffusion de la langue », écrivait si justement Zamenhof en 1894. L’alphabet Ido est l’alphabet anglais de 26 lettres, c’est-à-dire l’alphabet français, y compris le w, mais sans aucun accent grave, aigu, flexe, ni tréma, ni cédille. Il peut donc être imprimé et dactylographié partout sans difficulté ;

2° Suppression de l’accord de l’adjectif, difficulté inutile, comme le montre l’anglais ;

3° Suppression de l’accusatif obligatoire. En effet, comme le constate le Professeur Meillet, « c’est une impardonnable erreur que d’instituer, comme le fait l’Esperanto, une distinction de l’accusatif et du nominatif, distinction qui embarrassera tous les individus de langue romane et de langue anglaise et qui est inutile aux autres ;

4° Remplacement des particules fabriquées de toutes pièces (chiuj, kial, kiam, etc.) par des mots reconnaissables (omni, pro quo, kande, etc.), ce qui, vu la fréquence de ces termes, rend les textes compréhensibles à première vue ;

5° Régularisation de la dérivation en appliquant le principe que les racines doivent toujours avoir le même sens, quel que soit le dérivé dans lequel elles se trouvent ;

6° Remplacement des composés compliqués et imprécis (malkruta, marbordo, elrigardi, tagnoktegaleco, etc.) par des mots internationaux (plajo, aspektar, equinoxo, etc., etc.) ;

7° Application rigoureuse du principe du maximum d’internationalité pour le choix des racines.

Il est utile de développer ce point, car nous sommes là au nœud du sujet. Les Idistes estiment que la question du choix d’une L. I. (abréviation de Langue Internationale) ne se pose même pas, car la L. I. n’a qu’une seule et unique solution, celle qu’on obtient en appliquant le principe du maximum d’internationalité. Dix sociétés savantes, s’ignorant les unes les autres, si elles appliquent ce principe, aboutiront toutes à la même racine pour la même idée (tabl, regret, esforc, plant, etc.). On peut donc affirmer que les racines de l’Ido sont définitives puisque, présentant le maximum d’internationalité, il est impossible de les remplacer par d’autres plus internationales.

La plupart de ces réformes avaient déjà été proposées en 1894 par Zamenhof lui-même dans son journal Esperantisto, et dans ces termes : « Je montrerai quelle forme je donnerai à la langue si j’en commençais la création maintenant, ayant après moi déjà six ans et demi de travail pratique et d’essai et ayant déjà entendu tant d’opinions et de conseils reçus des personnes, journaux et sociétés les plus divers et des plus divers pays du monde. » Le 1er novembre 1894, par 157 voix contre 107, les espérantistes décidèrent « de conserver la langue telle quelle, sans aucun changement ». Depuis ce moment, Zamenhof ne voulut plus entendre parler de modifications, si bien que ce n’est qu’en 1907, et malgré lui, qu’une partie des espérantistes adoptèrent des réformes et propagèrent l’Esperanto ainsi mis au point sous le nom d’Ido, pendant que l’autre partie restait groupée autour de Zamenhof.

Le résultat de la réforme, comme le déclare l’éminent linguiste Danois Jespersen « est une langue que chacun peut apprendre très facilement : elle a, sur les autres langues artificielles, cet avantage d’être fondée sur des principes scientifiques et techniques rationnels, et, par suite elle n’a pas à craindre d’être remplacée un beau jour par une langue meilleure et essentiellement différente qui emporterait finalement la victoire ».

Nous donnons ci-dessous un texte de Zamenhof et sa

traduction en Ido pour qu’on se fasse une idée des réformes effectuées :


ESPERANTO

Kiam la suno eklumis super
la maro, s’i vekig’is
kaj sentis fortan doloron,
sed rekte antaû s’i staris
la aminda juna reg’ido, kiu
direktis sur s’in siajn okulojn
nigrajn kiel karbo,
tiel ke s’i devis mallevi la
siajn, kaj tiam s’i rimarkis,
ke s’ia fis’a vosto perdig’is
kaj ke s’i havis la
plej graciajn malgrandajn
blankajn piedetojn, kiujn
bela knabino nur povas
havi. Sed s’i estis tute nuda,
kaj tial s’i envolvis
sin en siajn densajn longajn
harojn. — Zamenhof.

IDO

Kande la suno brileskts
super la maro, el vekis e
sentis fort a doloro, ma
rekte avan el staris l’
aminda yuna rejido, qua
direktis ad el sa okuli
nigra quale karbono, tale
ke el devis deslevar la sui,
e lor el rimarkis, ke el
perdis sua fishal kaudo e
ke el havis la maxim gracioza
mikra blanka pedeti,
quin bela puerino povas
havar. Ma el esis tote
nuda, e pro to el envolvis
su en sua densa longa
hari.


Le mécanisme de l’Ido est tellement simple que 10 leçons d’une heure dans le Petit Manuel Complet de 32 pages sont suffisantes pour commencer à pratiquer la langue. En voici du reste un aperçu :

Exposé du système Ido

Prononciation. — Toutes les lettres se prononcent comme dans l’alphabet. C = ts, CH = tch, SH = ch, E = é, U = ou. S comme dans sou et G toujours dur.

L’article défini (le, la, les, français) se traduit par LA.

Les terminaisons suivantes indiquent : O, le substantif singulier ; A, l’adjectif (invariable) ; E, l’adverbe ; I, le pluriel.

Conjugaison (une seule). — Esar : être. — Me Esas : je suis. — Tu Esas : tu es. — Il Esas : il est. — Ni Esas : nous sommes. — Vi Esas : vous êtes. — Ili Esas : ils sont.

Les autres terminaisons verbales sont : Is, passé de l’indicatif ; Os, futur ; Anta, Inta, Onta, participe actif, présent, passé et futur ; Ata, Ita, Ota, participe passif, présent, passé et futur ; Ez, impératif-subjonctif ; Us, conditionnel.

En ajoutant aux racines les préfixes et suffixes suivants, on forme un vocabulaire très riche :

Prefixes

arki-, degré supérieur : arki-duko, archiduc.

bo-, parenté par mariage : bo-patrulo, beau-père.

des-, contraire : des-espero, désespoir.

dis-, dissémination : dis-semar, disséminer.

ex-, ancien : ex-ministro ; ex-ministre.

ge-, réunit les deux sexes : ge-frati, frères et sœurs.

mi-, à moitié, demi : mi-klozita, mi-clos.

mis-, de travers, par erreur : mis-tiukiar, égarer.

ne-, négation : ne-utila, inutile.

par-, jusqu’au bout : par-lektar, lire jusqu’au bout.

para-, qui protège contre : para-vento, paravent.

pre-, avant : pre-dicar, prédire.

retro-, en arrière : retro-irar, rétrograder.

ri-, répétition : ri-dicar, redire.

sen-, privation : sen-barba, imberbe.

Suffixes

-ach, péjoratif (terme de mépris) : popul-ach-o, populace.

-ad, fréquence, prolongation : dans-ad-o (la) danse.

-aj, ce qui est fait de, ce qu’on…, ce qui… : lan-aj-o, lainage ; lekt-aj-o, lecture ; rezult-aj-o, résultat.

-al, relatif à : nacion-al-a, national.

-an, membre : senat-an-o, sénateur.

-ar, collection : vaz-ar-o, vaisselle.

-ari, qui reçoit l’action : legac-ario, légataire.