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moins leur proie de tous les hommes, ouverts avec indulgence et simplicité, nous ne gaspillons pas à tout réclamant une appellation qu’à nos propres yeux nous avons tant de peine à mériter…



Il est un facteur — un facteur réaliste — qui doit nous rendre circonspects à l’égard de l’illégalisme et pleins d’une sage défiance pour les tentations, à certains yeux riantes, de ses abords. À l’encontre d’affirmations entachées de légèreté et insuffisamment documentées, l’individu qui s’engage dans la voie pleine de périls de l’illégalisme, une voie semée de tous les traquenards et de toutes les coercitions d’un privilège qui, âprement, se défend, ne le fait presque jamais en pleine connaissance de cause. Il ne sait, la plupart du temps, à quelles innombrables perturbations sa décision sans base a livré son avenir et quelle meute il vient — par un seul parfois, mais irréparable premier acte — de jeter à ses trousses. Il n’a pas, généralement, soupçonné, évoqué surtout dans leur fréquente réalité, la trame d’inquiétudes et d’angoisses, la tension haletante et la fièvre, et la sécurité révolue, et le final hallali de la bête traquée. Les jeunes surtout — recrues courantes et faciles — n’en ont vu que les dehors aisément triomphants et la séduction d’une trompeuse — et hélas ! combien précaire — liberté ! Et quand ils y ont engagé leurs espérances naïves et qu’ils sentent peser sur eux la chape écrasante d’une forme seulement diversifiée de l’esclavage, compliquée d’aléas redoutables, trop tard il est souvent pour ressaisir leur jeunesse prise dans l’engrenage…

Combien, pour avoir (dans l’ignorance ou la confiance abusée de leur adolescence) accordé un choix prompt et irraisonné aux menées hasardeuses de l’illégalisme, ont vu, irrémédiablement, leurs espérances abîmées, leurs jours mêmes compromis, s’anéantir jusqu’aux perspectives du retour à la plus banale des vies contemporaines. Que de forces gâchées, que de fortes et précieuses individualités sont tombées pour des peccadilles et furent à jamais perdues pour notre amitié et la tâche de nos idées chères. Qui dénombrera les malheureux jeunes gens égarés par des apologies inconsidérées — parmi lesquels se glissent parfois peut-être quelques manœuvres canailles de police — et qui, pour quelque rapt « en bande » (association de malfaiteurs), pour quelques papiers contrefaits et jetés dans la circulation (émission de fausse monnaie : « crime contre la sûreté de l’État », le bougre tient à ses prérogatives !) ont payé par des années de bagne leur geste terriblement enfantin quand on songe aux conséquences ? Combien y ont laissé leur pauvre corps, ou leur santé, la fleur de leur vie et le meilleur d’eux-mêmes ? Les uns ont donné leur tête au bourreau, d’autres agonisent dans les pénitenciers, se consument dans les geôles. O jeunesse sacrifiée ! Pour un vol de ciboire — en groupe — dans une église — un ciboire vendu cent sous à un receleur ! — j’en sais qui sont morts à la Guyane ! Pour l’écoulement de quelques coupures, d’autres sont allés se pourrir dans les Centrales et, en fussent-ils revenus, sont morts aussi, en face d’eux-mêmes et pour nous. Et il n’est pas vrai qu’ils savaient

À l’âge où l’on se précipite dans les bras accueillants de l’illégalisme (ce sont des enfants encore, la plupart n’ont pas vingt ans) on ne sait pas, on croît savoir. Et l’on ne soupèse, ni ne mesure : on s’illusionne. Et c’est avec la foi et l’ardeur juvénile du bonheur prochain et de la vie totale qu’on s’élance sur les sentiers perfides où l’illégal, tardivement éveillé, succombe. On a, devant leurs yeux ouverts encore sans réserve à l’impression, leurs cerveaux superficiellement ou maladroitement meublés, leurs volontés aisément désaxées, on a fait miroiter la dorure unilatérale de la réussite et de l’avenir sans attaches. La prison et sa dure et déprimante claustration, la « défense » brusque-

ment posée devant la fuite du cambrioleur, la « précaution » ou la riposte qui mènent au couperet, c’est pour les autres : les maladroits, et chacun, s’interrogeant en beau, ne voit jamais en lui l’incapable, ni le malchanceux. C’est comme à la guerre : s’il n’en revient qu’un, il sera celui-là… On a aussi répété devant lui que le travail était un leurre, voire, pour « l’homme libre », une déchéance. On a représenté le laborieux, l’ouvrier, comme la brute ignare, l’imbécile et la poire. Et l’on a fait, de l’herbe dans la main, la culture de la dignité. Et le moindre effort (car il n’en est pas un qui n’ait vu l’illégalisme moins fatigant que l’atelier) ; et la paresse même (l’illégalisme ? mais pour beaucoup il va n’être qu’un jeu pimenté d’émotions, une promenade romanesque, dispensatrice finale de butin) ; et cette sotte griserie de « supériorité », cet esthétisme dégénéré du moi — faits de fatuité puérile et de chétive vanité, et de faux intellectualisme — les éducations et les aberrations conjuguées, servies par un mal social évident, ont fait d’eux les adeptes inéclairés et sans conscience de l’illégalisme mangeur de jeunesse et la proie des vindictes aux aguets… Rien n’est plus traître, d’ailleurs, et ne vous enlace plus perfidement, et ne vous rend, si chèrement payée, la faculté de vos mouvements que l’illégalisme. Pas une branche d’activité peut être où le passé pèse sur vous plus lourdement et s’acharne à votre perte, pas de rêts qui tiennent mieux « leur homme » et l’empêchent de se reconquérir… Des nôtres égarés sur les pentes fatales de l’illégalisme bien peu remontent le courant, nous reviennent. Ou la chance qui les y retient les « professionnalise », ou la chute les enfonce : la société, presque toujours, les achève ! — Stephen Mac Say.


ILLÉGITIME adj. Qui n’a pas les qualités requises par la loi. Qui est injuste, déraisonnable.

On emploie souvent le mot illégitime dans le mariage ; par exemple on appelle un enfant illégitime l’enfant né hors du mariage.

S’il fallait tracer une limite entre ce qui est légitime et ce qui est illégitime, on serait souventes fois bien embarrassé. Prouver d’abord la légitimité de la loi serait une besogne ardue et sujette à maintes controverses. Pour nous, anarchistes, est illégitime tout ce qui est en dehors de la raison, de la logique et qui s’impose par autorité. Le patronat, la propriété, le commerce, l’autorité (Voir ces mots.) sont illégitimes. Tout ce qui fait pression sur l’individu, tout ce qui le régente, l’exploite, le spolie, le brime, mutile son autonomie est illégitime.


ILLOGIQUE adj. Ce qui est contraire à la logique Comme ce qu’on appelle la logique (voir ce mot) est une chose fort complexe, eu égard que chacun a, à peu près, sa logique particulière, il est fort malaisé de définir ce qui est illogique.

Tel acte, telle chose peuvent paraître à d’aucuns parfaitement logiques, alors qu’à d’autres, suivant leur objectivité particulière, ils semblent foncièrement illogiques.

Cependant certains faits semblent, pour qui veut bien se donner la peine de réfléchir, d’un illogisme flagrant.

N’est-ce pas, par exemple, illogique que de se donner toute une multitude de représentants dans d’innombrables assemblées délibérantes alors qu’on pourrait tout aussi bien s’en passer ? N’est-ce pas illogique d’accumuler armements sur armements pour obtenir le maintien de la paix universelle, alors qu’il serait beaucoup plus simple de supprimer totalement les armées ? N’est-ce pas illogique que le maçon qui construit des maisons habite dans un taudis ? etc., etc. Du reste, tout ce qui se passe dans la société actuelle, la société elle-même, les hommes qui la composent ne sont-ils pas illogiques ?