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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/350

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IMM
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l’homme fait ne s’en évade jamais complètement… L’imitation est à l’origine de presque tous nos édifices et c’est une condition de nos habitudes. Les arts mêmes lui doivent leur essor. « L’esprit d’imitation a produit les beaux-arts », rappelle Rousseau. Peinture, sculpture ont conservé cette désignation même « d’arts d’imitation ». Néanmoins, l’art qui, dans ses éléments, ne peut couper les ponts autour de lui, s’élève et s’épure à mesure qu’il se personnalise et conquiert ses propres formes d’expression comme la liberté même de ses sujets. « Trop d’imitation éteint le génie », disait Voltaire.

« La faculté d’imitation est tellement inhérente à la nature humaine qu’on la considère généralement comme le résultat d’un mécanisme tout simple. Or il n’en est pas de plus complexe dans la physiologie. C’est une question encore controversée que de savoir, dans telle manifestation d’un individu quelle est la part de l’hérédité et quelle est la part de l’imitation. Beaucoup d’auteurs ont affirmé que les oiseaux, par exemple, chantent et font leur nid par simple instinct héréditaire. Wallace prétend, au contraire, que les jeunes oiseaux apprennent de leurs parents le chant spécifique et la nidification… Quoi qu’il en soit, si l’on ignore encore quelle est la part de l’hérédité dans le chant spécifique des oiseaux, du moins est-il bien certain que beaucoup d’oiseaux peuvent apprendre à chanter comme d’autres oiseaux, quand ils sont assez jeunes. Là, il y a sûrement imitation, comme dans le cas de l’enfant qui apprend à parler la langue qu’on lui enseigne, même si ce n’est pas la langue de ses parents. » (Larousse)

Si féconde, à l’aube, soit l’imitation, il faut savoir, dans la vie individuelle et sociale, s’affranchir de sa paralysie, de sa stagnation. Rien ne mesure la faiblesse d’une époque, d’une race comme l’étendue de sa capacité imitative : « N’attends rien de bon du peuple imitateur », disait La Fontaine. Il entendait ainsi la foule, telle encore que nous la connaissons aujourd’hui, avec ses terribles flux et reflux moutonniers. Le grand nombre a besoin qu’on lui trace un chemin, qu’on lui assigne un but, qu’on l’enserre dans une série de gestes collectifs, qu’on galvanise sa marche par des exemples. L’humanité suiveuse (cette vaste enfance), qui se regarde dans autrui et y cherche le signe de son destin, enferme son horizon aux bornes de la copie. La masse amorphe, crédule et tremblante, encline à s’immobiliser dans les préjugés et l’accoutumance, attachée à dire, à reproduire imitativement plus qu’à modifier, à innover, à révolutionner, n’a guère qu’une vie répéteuse et sensiblement mécanique. Les anarchistes se heurtent, en l’esprit d’imitation, à un des obstacles les plus sérieux dressés devant leur propagande. Penser, agir par soi-même exige des intéressés la mise en œuvre d’une somme d’énergie que la plupart trouve plus commode (loi du moindre effort) d’user en contraintes au jour le jour. L’imitation, si elle a pour rançon la souffrance collective, la misère et l’oppression, ne leur demande pas de sortir du troupeau. Elle n’appelle pas un acte volontaire qui est pour eux un véritable arrachement. Elle répond au contraire à leur apathie foncière, à un besoin insurmontable peut-être — du moins insurmonté — d’effacement, de nivellement. Ceux-là qui sortent de la masse en arrivistes ne cessent pas, à leur manière, d’être des imitateurs quoiqu’ils mettent quelque ténacité à resserrer leur zone — une zone admise — d’adaptation. Car l’idée d’émerger vraiment, d’être autre, d’être un, de s’exposer aux feux croisés du sarcasme et de la réprobation, de la répression peut-être, donne à la généralité le vertige. Elle s’étonne d’ailleurs qu’on dépense son courage pour une originalité dont elle n’a pas le goût et dont elle conçoit à peine les joies… Augmenter toujours le nombre de ceux que passionne une vie personnelle, fière et libre, est cependant la tâche à laquelle est lié l’avenir même de l’anarchisme. — Lanarque.

A consulter. Le Dantec : Le Mécanisme de l’Imitation. P. Bonnier : L’Orientation. G. Tarde : Les lois de l’Imitation. etc…


IMMIGRATION n. f. Action de venir dans un pays pour s’y fixer.

En de certaines périodes, l’immigration changea complètement l’aspect de divers pays. L’Amérique n’est actuellement que le produit de l’immigration européenne qui commença voici trois siècles. L’immigration espagnole et portugaise se fit principalement en Amérique du Sud, en Amérique Centrale et au Mexique. Les États-Unis et le Canada sont surtout le produit des immigrations anglaise et française. Les immigrants devinrent les véritables maîtres des Amériques, et les peuplades autochtones brutalisées, décimées, y ont à peu près disparu.

Depuis 1919, l’immigration fut une véritable arme dont le patronat français se servit pour faire pièce au prolétariat.

Au lendemain de la guerre, les classes privilégiées, par peur d’un mouvement de révolte et à la suite de multiples grèves, accordèrent diverses améliorations (loi de huit heures, augmentation de salaires, semaine anglaise, etc.) à la classe ouvrière. Le pitoyable échec de la grève générale en 1920 redonna un peu de courage et de combativité à ce patronat qui avait bien cru sa dernière heure venue. C’est alors qu’il organisa avec méthode l’immigration ouvrière.

Dans certains pays pauvres, où la population ouvrière était trop dense pour les nécessités de la main-d’œuvre locale (tels la Pologne, la Hongrie, l’Italie), les envoyés des grandes firmes françaises, patronnés par le gouvernement et les représentants diplomatiques français, se livrèrent à un racolage d’ouvriers manœuvres. Par des promesses mirifiques, leur faisant voir l’existence en France comme idyllique, leur donnant à croire que le coût des denrées était minime, ils leur firent signer des contrats par lesquels ceux-ci s’engageaient à venir travailler en France pendant deux ou trois ans pour des salaires dérisoires. Ce furent de véritables « arrivages » de travailleurs étrangers en France. Les ouvriers français, dans certaines entreprises, furent licenciés pour faire de la place aux étrangers ; dans d’autres on proposa aux ouvriers de diminuer leurs salaires ; ceux-ci, pour la plupart, n’acceptèrent pas, se mirent en grève et les patrons firent entrer les étrangers qu’ils tenaient en réserve.

Cette immigration eut pour résultat qu’au bout d’un an le prolétariat français se vit dépouillé de presque tout ce que le patronat lui avait accordé par peur en 1919 (les salaires diminués, la loi de huit heures violée). Tous les mouvements de revendication, sauf de rares exceptions, échouèrent après, quelques fois, de longues semaines de lutte.

Malheureusement, les ouvriers français ne virent pas tout de suite la manœuvre. Au lieu de démasquer les véritables responsables : les patrons, ils en vinrent à concevoir une sourde animosité contre le prolétariat étranger qui, pourtant, était victime au même titre que lui de cette organisation patronale. Le chauvinisme eut tendance à renaître et les ouvriers français trouvèrent même tout naturel que le patronat payât à des tarifs réduits les étrangers, ne se rendant pas compte que, par leur acquiescement à l’exploitation forcenée des immigrants, ils se forgeaient des armes contre eux-mêmes. Quelques organisations syndicales entreprirent des campagnes malheureuses contre l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, donnant un aliment, hélas trop facile, au préjugé patriotique. Dans la métallurgie et dans le bâtiment, il faut convenir que la main-d’œuvre étrangère créa un véritable malaise dans la classe ouvrière, mais cependant la faute n’en était pas aux immigrés.