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changement, même d’un seul mot, entraînant la peine de l’excommunication… » On s’aperçoit après qu’elle est pleine de fautes ; on y trouve environ 2.000 inexactitudes faites par le pape lui-même. On propose de publier une interdiction de la Bible sixtine ; mais Bellarmin conseille d’étouffer le mieux possible le grand danger où Sixte V avait mis l’Église ; on doit, d’après lui, retirer tous les exemplaires, réimprimer sous le nom de Sixte V la Bible corrigée à neuf, et dans la préface avancer que des erreurs s’étaient glissées par la faute des compositeurs et le manque de soins. Bellarmin lui-même fut chargé de mettre ce mensonge en circulation, mensonge auquel le nouveau pape prêta son nom pour la rédaction de la préface. Le jésuite-cardinal s’est vanté lui-même dans sa propre biographie, d’avoir rendu ainsi à Sixte-Quint le bien pour le mal, puisque le pape avait fait mettre à l’index l’œuvre principale de Bellarmin, Les Controverses, pour n’y avoir défendu que la puissance indirecte du pape sur la terre, et non sa puissance directe. Mais alors se produisit une nouvelle mésaventure. Cette biographie, qui était conservée à Rome dans les archives des Jésuites, fut connue dans la ville par quelques copies. Aussitôt, le cardinal Azzolini proposa de mettre l’écrit au pilon, de le brûler, et d’enjoindre le plus profond secret, attendu que Bellarmin injuriait trois papes, et en représentait même deux comme des menteurs : Grégoire XIV et Clément VIII.

Ainsi, notre raison n’est pas seule à protester contre le dogme le plus effrontément stupide, et l’histoire enregistre la farce grotesque qui plie, aux pieds du Pape-Dieu, tout le catholicisme. — A. Lapeyre.


INFAMANT, INFAMIE Infamie : n. f. (latin infamia). Flétrissure imprimée à l’honneur, à la réputation, soit par la loi, soit par l’opinion publique ; état de honte, d’ignominie : « Noter quelqu’un d’infamie ; vivre dans l’infamie ». Corneille disait : « Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour » ; « La condition de comédien était infâme chez les Romains », rappelle La Bruyère…

Après cette définition, le dictionnaire nous renvoie au mot : Déshonneur, où nous lisons : « Le ridicule déshonore plus que le déshonneur aux yeux des fous » (La Rochefoucauld) ; « Le déshonneur est dans l’opinion des hommes, l’innocence est en nous » (Diderot) ; « Se dit (déshonneur) particulièrement de l’état d’une femme qui s’est laissée séduire » (Larousse) ; « Le déshonneur se rapporte à l’opinion du monde, la honte se rapporte à la conscience. L’homme déshonoré a perdu l’estime des autres hommes » (Larousse).

Ainsi, l’infamie est relative à la loi, c’est-à-dire à l’arbitraire, ou à l’opinion publique, c’est-à-dire à l’opinion moyenne des gens moyens. Voler, piller, affamer, assassiner selon la loi, ce n’est pas de l’infamie. La loi changeant, ainsi d’ailleurs que l’opinion publique, avec le degré d’évolution des sociétés, avec le mode d’organisation politique et économique, avec le climat, etc., il appert que l’infamie est chose essentiellement changeante, impalpable, indéfinissable. La loi et l’opinion publique peuvent et sont souvent en désaccord sur ce qui est infâme ou ne l’est pas, comment se diriger dans cet imbroglio de « permis et défendus » ? L’infamie est affaire de morale ou d’éthique. Pour les anarchistes il ne saurait y avoir moins d’infamie dans le fait des guerres, qui ne sont que le vol et l’assassinat perpétrés par bandes, que dans le vol ou le crime crapuleux d’un individu, déterminé souvent, d’ailleurs, par des conditions économiques ou intellectuelles indépendantes de sa volonté. Il ne saurait y avoir moins de honte, ou de « déshonneur » dans le fait, pour une femme, de se prostituer légalement à un seul individu dénommé mari, que de se prostituer à plusieurs, dénommés amants, michets, etc. Non plus nous ne saurions accepter qu’une

femme soit « déshonorée » parce que, disposant librement de son corps, elle aime hors les règles admises par la société.

Infamant, adj. Qui porte infamie : « Ceux qui nuisent à la réputation ou à la fortune des autres plutôt que de perdre un bon mot, méritent une peine infamante. » (La Bruyère). « Le travail, selon le dogme antique était réputé infamant. » (Proudhon).

Voilà deux citations du Larousse qui montrent quelles aberrations peuvent couvrir les mots. Le citoyen, en effet, ne devait pas travailler, telle était la doctrine de Platon, le travail — infamant — étant le lot des esclaves-nés. Il nous parait autrement raisonnable, de reporter l’infamie sur ceux qui, dans la société, consomment sans autres limites que leurs possibilités organiques, sans jamais avoir rien créé, plutôt que sur ceux-là qui, de leur cerveau ou de leurs mains, ont toujours tout produit et qui ne peuvent consommer que juste ce qu’il leur faut pour ne pas cesser d’exister… Infamie, infamant, devront un jour disparaître de notre vocabulaire, comme désuets.

En jurisprudence, une peine infamante est une flétrissure morale s’attachant à la condamnation. Les peines peuvent être afflictives et infamantes, ou infamantes seulement ; les premières sont : la mort, les travaux forcés à perpétuité, la déportation, les travaux à temps, la réclusion ; les secondes : le bannissement et la dégradation civique… La loi étant l’expression de la force, le juge est souvent plus infâme que le condamné. — A. Lapeyre.


INFANTICIDE n. m. (latin infanticidium ; de infans, enfant, occidere, tuer). Se dit du meurtre d’un enfant nouveau-né. L’infanticide était admis chez les Chinois les Romains et en général chez les peuples anciens ; le respect de la vie humaine est fonction de la civilisation.

A l’examen du cadavre, le médecin légiste se demande si l’enfant est né vivant ou s’il s’agit d’un mort-né. On plonge les poumons dans l’eau ; s’ils surnagent, c’est que l’enfant a respiré, c’est-à-dire qu’il est né vivant. Néanmoins, ce procédé comporte des causes d’erreur. Car si la putréfaction est commencée, il se développe dans le poumon des gaz qui ne proviennent pas de l’air extérieur : il peut donc flotter au-dessus de l’eau sans que l’enfant ait respiré.

L’infanticide est un crime ; néanmoins il est, dans la plupart des cas, un crime excusable. Le vrai coupable est le préjugé social qui fait un déshonneur pour la femme d’être mère hors mariage.

Des jeunes filles chez leurs parents, séduites et délaissées ; des jeunes bonnes engrossées, souvent par leur patron ou par le fils de la maison ; des femmes qui ont succombé au besoin sexuel, leur mari étant absent, subissent pendant tout le cours de leur grossesse un véritable martyre. Elles se serrent pour la dissimuler, elles doivent taire leurs malaises à tout le monde. La malheureuse accouche seule, sans secours, le corps dans l’ordure ; elle déchire avec ses dents son mouchoir, pour ne pas laisser échapper le cri qui révélerait aux voisins sa honte ; mais l’enfant arrive, il va crier, on va savoir : la malheureuse, affolée, l’étouffe au passage en serrant les jambes… Pendant ce temps, le père de l’enfant vit sans souci. Depuis longtemps il a oublié la pauvre fille pour aller à d’autres amours.

Dans le Faust de Gœthe, l’histoire de Faust et de Marguerite nous présente la tragédie de la maternité clandestine. Mais Gœthe, malgré son génie, est resté dans le conformisme social. A ses yeux, Marguerite, en se livrant à Faust, a commis une faute, excusable seulement parce qu’elle a été victime d’une machination de Méphistophélès. Gœthe n’a pas encore compris que la satisfaction d’un même besoin de la nature ne sau-