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On ne peut s’étonner que des crimes semblables aient pu se commettre sous le giron de l’Église. On peut être assuré que la théorie est aussi vieille que la religion, et que l’Église catholique est encore à l’affût d’un relâchement des libre-penseurs pour ériger à nouveau ses bûchers… L’assassinat de Francisco Ferrer n’est pas si éloigné de nous, et d’ailleurs il nous suffira de jeter un regard sur l’histoire de l’Église et son enseignement actuel, pour nous convaincre que tant qu’il restera un prêtre sur terre, la pensée libre est sous la menace directe de la persécution.

Voici ce que dit l’Ancien Testament (Deutér. XIII) : « Quand ton frère, ton enfant, ta femme bien-aimée ou ton intime ami voudra te séduire en te disant en secret : allons et servons d’autres dieux que tu n’as pas connus, ni toi, ni tes pères ! — N’aie point de complaisance pour lui et ne l’écoute pas. Que ton Œil aussi ne l’épargne point. Ne sois nullement touché de compassion pour lui. Ne le cache pas. Et tu ne manqueras point de le faire mourir. Ta main sera la première sur lui pour le tuer et ensuite la main de tout le peuple. Tu l’assommeras de pierres et il mourra parce qu’il a cherché à t’éloigner de l’Éternel, ton Dieu. »

Voici comment s’exprime saint Thomas, un des pères les plus importants de l’Église, surnommé d’ailleurs : « l’Ange de l’École ». Sa parole fait autorité. Sa Somme Théologique est étudiée dans tous les séminaires : « On peut sans injustice, pour obéir à Dieu, ôter la vie à un homme, qu’il soit coupable ou innocent. On peut, pour obéir à Dieu, pratiquer le vol et l’adultère » (Somme, première et deuxième parties, quest. 94, arb. V). « Il convient d’effacer du monde par la mort, et non seulement la mort de l’excommunication, mais la mort vraie, l’hérétique obstiné. » (Somme, deuxième partie, arb. III, quest. XI).

Et saint Alphonse de Liguori : « Est-il permis de tuer un innocent ? Oui, si Dieu nous y autorise, car toute vie appartient au Seigneur. » (Théol., t. II, p. 243).

Pie IX, dans le Syllabus, quest. 24, condamne cette proposition : « L’Église n’a pas le droit d’employer la force ; elle n’a aucun pouvoir direct ou indirect ». La Théologie, du P. Vincent, est en usage dans les séminaires. Nous trouvons à la page 403 : « L’Église a reçu de Dieu le pouvoir de réprimer ceux qui s’écartent de la vérité, non seulement par des peines spirituelles, mais encore par des peines corporelles, et ces peines sont : la prison, la flagellation, la mutilation et la mort. »

Enfin, dans son ouvrage De la stabilité et du progrès du dogme, 1910, le R. P. Lépicier, prof. de théologie au Collège Saint-Urbain (coll. des nobles, à Rome), consulteur de la Congrég. des sacrements ; cons. de la congrég. de la propagande ; membre de la commission biblique ; membre de la commission de révision du droit canonique, et qui a obtenu pour son ouvrage tous visas et approbations papales, s’exprime ainsi : « Si les hérétiques professent publiquement leur hérésie et excitent les autres par leur exemple et par leurs raisons à embrasser les mêmes erreurs, personne ne peut douter qu’ils ne méritent d’être séparés de l’Église par l’excommunication et d’être enlevés par la mort du milieu des vivants ; en effet, un homme mauvais est pire qu’une bête féroce et nuit davantage, comme dit Aristote ; or comme il faut tuer une bête sauvage, ainsi il faut tuer les hérétiques (page 194). L’Église prononce par elle-même la peine de mort mais elle charge le bras séculier de l’appliquer. Souvent l’Église a livré des coupables aux magistrats civils pour que ceux-ci les punissent du dernier supplice ; en menaçant de ses censures les magistrats afin qu’ils ne manquassent pas à leur devoir d’appliquer cette peine. » (p. 195). Quant à ce qui concerne le fait, cela

« dépend complètement des circonstances » (p. 208).

Cela dépend complètement des circonstances ; c’est-à-dire : si je pouvais, je le ferais… On voit par ces citations que l’Église n’a pas renoncé à son rêve de domination absolue — fût-ce sur des cadavres ! — A. Lapeyre.


INSATIABLE (si-a-ble). Qui ne peut être rassasié, assouvi. « Il y a deux faims qui ne s’assouvissent jamais : celle de la science et celle de la richesse. » (Maxime orientale).

L’insatiable, au sens littéral du mot, le « grand mangeur », ne semble plus jouir de la considération d’autrefois. L’histoire nous raconte, en effet, que les grandes réjouissances, même chez les plus « cultivés » des monarques, n’allaient jamais sans repas gargantuesques, et que leurs majestés elles-mêmes tiraient un naïf orgueil de l’énorme quantités de victuailles qu’elles engouffraient, tandis que, sous les tables, des affamés privilégiés attendaient un os. La race des gloutons est certes loin d’être éteinte, mais du moins a-t-elle perdu beaucoup de son prestige.

La mode est plutôt aux insatiables de gloire et de richesses. Passons les massacreurs : ils sont jugés, et l’histoire démontre qu’ils ne sont rassasiés de gloire qu’aux lendemains des catastrophes ; ils prononcent alors hypocritement un quelconque : « J’ai trop aimé la guerre… », et l’indulgente postérité n’a plus qu’à passer l’éponge…

Quant aux financiers, on sait que c’est leur insatiabilité qui nous valut la guerre d’hier, qui nous vaut celle d’aujourd’hui, qui nous vaudra celle de demain. Mais qu’y pouvons-nous ? Qui serait assez puissant pour mettre un frein à leurs appétits ? « Le peuple, direz-vous, si… » Certainement, si…, mais laissons les hypothèses : pour l’heure présente, les financiers n’en règnent pas moins partout, dans les partis politiques comme dans les temples de toutes confessions.

Les besoins réels d’un homme sont pourtant minimes, et les richesses accumulées par les maniaques de l’or sont tout à fait disproportionnées. La fortune n’est enviable qu’en tant qu’elle permet d’assouvir nos besoins, elle n’est qu’un moyen d’échange…, mais c’est en vain que les sages auront clamé pendant des siècles que le bonheur ne réside pas dans la possession, mais dans la jouissance : tournant le dos au but, nos ventrus insatiables poursuivent frénétiquement le moyen ! Pauvres gens, en somme, mais… pauvres nous !


INSENSIBILITÉ n. f. C’est l’absence de sensibilité, le manque de la faculté d’éprouver des sensations physiques ou psychologiques : insensibilité à la douleur, au charme de la nature. On taxe aussi d’insensibilité les animaux à organisation rudimentaire, dont les faibles réactions prennent alors le nom d’irritabilité.

Nous avons distingué l’insensibilité physique de l’insensibilité psychologique : remarquons tout de suite que l’une et l’autre sont des anomalies, et que la première entraîne la deuxième, les sens étant à la source même de la connaissance.

L’insensibilité physique totale, voisine de la mort, ne se rencontre que dans des cas assez rares de léthargie ; il peut y avoir néanmoins une très grande différence de degré de sensibilité d’un individu à l’autre. En général, on admet que l’homme ressent plus intensément les sensations physiques que la femme, et on attribue ce fait à la puissance plus grande de son système nerveux. Mais ce qu’il importe surtout d’envisager ici, vu le silence quasi-général que le public bien-pensant observe sur cette question, c’est l’insensibilité amoureuse, le manque de sensualité.

Il est courant de dire qu’elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme, mais il n’est pas si facile