tion de connaître ou la place au-dessus de toute autre. D’où le substantif, issu de l’adjectif, intellectuel pour désigner un homme qui limite plus ou moins son activité cérébrale au monde des idées pures et préfère l’activité de l’intellect à n’importe quelle autre. — M. D.
INTELLECTUEL adj. et subst. m. Qui appartient à l’intellect ; la caractéristique et aussi le résultat de son activité. Le terme d’intellectuel désigne non seulement les biens et les mouvements propres à l’entendement, mais les organes, facultés, tendances de l’intelligence et jusqu’aux occupations qui les mettent plus particulièrement en jeu. Objets, vérités, phénomènes sont dits intellectuels qui, par leur nature ou leurs qualités abstraites, relèvent des opérations cérébrales de la connaissance plus que de l’enregistrement animé de nos sens. Pour marquer, dans l’acquisition de certaines données, l’intervention décisive de nos facultés internes, la prédominance de nos moyens spéculatifs, on donnera le nom d’intellectuelles à diverses branches du savoir. Les chemins eux-mêmes traduisent, par leur désignation, comme une spécialisation et un privilège : on dit sens intellectuels, ou des notions, pour la vue, le toucher, l’ouïe (sens affectifs — ou des sensations — pour l’odorat et le goût), et sensibilité intellectuelle « faculté que nous avons d’être affectés de plaisir ou de peine par l’exercice ou l’immobilité de notre intelligence » (Bescherelle). Les principales facultés, dites intellectuelles (plus séparées pour la nécessité de nos études que dans leur existence et plutôt formes variées d’une faculté unique), sont : la conception, la mémoire, l’imagination, l’induction, l’abstraction, la généralisation, le jugement. Quant à la conscience, elle s’étend sur tout notre domaine intellectuel : du passé à l’avenir et de la matière à la quintessence tout acte d’intelligence fixe en elle sa lumière et sa force.
La philosophie dualiste, opposant le spirituel au matériel, fait de l’intellectuel l’apanage de l’esprit, et l’âme est ainsi regardée comme une substance intellectuelle. Descartes parle de « préparer les esprits à considérer les choses intellectuelles et à les distinguer des corporelles ». Laplace aperçoit « dans les phénomènes de la nature les vérités intellectuelles de l’analyse ». Bernardin de Saint-Pierre regarde « la faculté intellectuelle comme d’un ordre supérieur à la faculté sensitive ».
Substantivement, l’appellation d’intellectuels désigne ceux dont l’activité (ou les fonctions) font particulièrement appel — parfois exclusivement — aux facultés de l’intelligence. La qualité d’intellectuel différencie et, dans la société actuelle, superpose deux catégories d’individus. Et l’opinion publique (dont certaine superbe toute académique entretient le préjugé) accorde d’ordinaire à l’intellectuel la supériorité et comme un droit de tutelle sur le manuel. A cet état d’esprit se rattache, pour une part, la considération dont on entoure le professeur ou l’homme de lettres, l’intellectuel en titre, l’homme qui fait métier de penser, et le mépris dans lequel l’employé tient son voisin de labeur : l’ouvrier. La plume que les « intellectuels » (de carrière, sur le plan de la vie ou de la gloire plus que de goût, sur le plan de la joie) mettent au service des « élites », de l’industrie ou de l’État, et à laquelle ils demandent l’existence, la fortune ou la notoriété, leur parait, si j’ose cette image, d’une trempe plus aristocratique que l’outil grossier de leur compagnon. Alors que la pensée, la pensée virile et droite ennoblit tout, intellectualise de la plus délicate manière les plus décriés des travaux et que l’intelligence — cette intelligence qu’ils invoquent tant, ceux-là, sans en avoir touché le pur carat — illumine des fronts méconnus parmi les plus humbles d’entre nous…
Entre l’usage habituel de « l’intelligence » (entendue
INTELLIGENCE n. f. Dans le langage courant, l’intelligence, faculté de comprendre, est synonyme de connaissance réfléchie ou même de connaissance en général. Pour le philosophe elle s’apparente à la raison et concerne plus spécialement la connaissance par les idées ; irréductible à la vie affective comme à la vie active, sans en être séparée radicalement ainsi qu’ont pu le croire quelques psychologues, elle se distingue des perceptions sensibles par son caractère abstrait et général, d’après la conception habituellement admise du moins. Je vois des hommes de grosseur, de taille, de couleur, d’aptitudes mentales différentes, chacun d’eux présente des particularités qui ne permettent pas de le confondre avec ses voisins, voilà un exemple de connaissance sensible. Mais les différences individuelles ne m’empêcheront pas d’appliquer à tous le terme homme, au petit comme au grand, au noir comme au jaune, à l’illettré comme au savant, parce que chez tous je découvre des qualités identiques. L’idée (v. ce mot) sera justement le résumé de ces qualités communes ; ainsi l’idée d’homme se réduira, selon Aristote, au concept d’animal raisonnable. Par contre, les roses perçues par mes yeux auront beau avoir une couleur précise, être blanches, rouges, jaunes, etc., l’idée de rose ne devra impliquer aucune couleur déterminée, afin de pouvoir convenir à toutes les espèces indifféremment. Un travail mental d’abstraction et de comparaison est requis pour dégager les éléments communs des qualités variables ; l’idée, résultat de ce filtrage intellectuel, apparaît ensuite comme applicable à tous les individus du genre considéré. Selon les nominalistes, il est vrai, la généralité consisterait uniquement dans le nom et dans sa possibilité indéfinie d’application ; mais nous ne sau-