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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/444

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nat quelque deux mille prisonniers. Elle ne pouvait que s’avancer davantage — la réaction aidant — dans uns voie si en harmonie avec « la poussée centralisatrice et l’intervention de l’État ». Plus tard, sous l’Empire, les libéraux — de Laprade à Jules Simon — incorporeront la réforme de l’internat à une refonte de l’enseignement secondaire : soixante ans de République en ont si bien entretenu la vitalité que les esprits libres du temps, secourus par quelques praticiens sagaces de la puériculture et une poignée de patriotes inquiets pour « notre » recul en face des nations d’affaires, en sont encore à le dénoncer ! Que la bourgeoisie surtout subisse les atteintes d’un mal qui se répercute d’ailleurs en difficultés générales, d’accord, mais rien de ce qui peut délivrer les petits ne nous est étranger et nous traînons la peine solidaire des atteintes faites dans le monde à la liberté et le bien de tous périclite quand est étranglée l’initiative dès les premiers pas juvéniles…

Il semblerait, à regarder l’internat tenace, que la source de la culture fût tarie chez nous si croulait la tradition d’encaserner l’enfance pour l’instruire. Et cela est vrai en un sens, car « nous continuons, comme l’observe Ed. Demolins dans son A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons, à former des hommes pour une société qui est définitivement morte ». Dans nos « sociétés à formation communautaire, caractérisées par la tendance à s’appuyer non sur soi-même mais sur le groupe : famille, tribu, clan, pouvoirs publics », l’éducation demeure tournée vers le passé. Les autres, les « sociétés à formation particulariste », qui marquent la tendance au self-control, l’éducation cesse d’être une transposition dans le souvenir pour faire corps avec la vie pratique. Et ses produits, qu’animent l’audace et l’esprit d’entreprise, sont en train de conquérir allègrement le monde. Nos maîtres cependant continuent d’ignorer que la force d’un peuple est dans l’indépendance et l’initiative de ses unités. Et l’éducation, aggravée d’internat, ne cesse, sous leurs auspices, d’être un bourrage et un écrasement. « Au collège, en Angleterre, nous n’apprenons pas grand-chose, si ce n’est peut-être à nous conduire dans la vie ». Que diraient de l’aveu de ce jeune Anglais nos mentors universitaires dont tout l’idéal est de paralyser nos esprits — dans les enceintes où ils retiennent nos pauvres corps — sous le lourd fatras d’un savoir pratiquement sans objet.

L’internat ? « S’il n’existait pas, disait Georges Renard, d’abord les parents seraient condamnés à garder leurs enfants chez eux une partie de la journée et qui, pis est, à les élever. Monsieur et Madame seraient forcés d’avoir une vie de famille et de se respecter l’un l’autre… Monsieur devrait prendre sur les heureux moments qu’il coule en paix au café, au club, dans les coulisses. Madame ne pourrait plus suffire à la multitude de ses occupations, visites, bals, soirées, concerts, spectacles, conférences avec la couturière ou le tailleur pour dames. Quoi de plus triste !, quoi de plus peuple ! Avoir des enfants, passe encore ! Les nourrir, il le faut bien. Mais donner une part de son temps et de son cœur à leur éducation, c’est un luxe qui ne convient qu’aux pauvres. » On peut attaquer la famille, le milieu courant, souligner leurs tares et leur insuffisance, s’élever contre leurs réactions souvent pernicieuses, mais on n’empêchera pas que — face aux geôles où nous avons langui et qui ont comprimé notre essor — ils ne soient la vie et quelque chose de cette liberté que pleurent les oiselets tourneurs derrière les grilles de l’internat. A l’heure des rires, des jeux, des escapades à travers champs et bois, toute une jeunesse — dont je n’ai pas à connaître la classe sociale — végète entre les murs du cloître ou du collège, de l’orphelinat ou de la maison de redressement, à l’orphelinat, l’établissement de correction : les plus terribles visages d’un internat sous toutes ses faces exécré !…

Les bourgeoisies saxonnes, les Scandinaves ont depuis longtemps donné de l’air à leur progéniture. Les « pensions de famille » anglaises (dont certaines sont des types remarquablement modernes) ont des allures de grandes personnes émancipées près des « institutions » privées ou gouvernementales où nos Latins anémient « la promesse de leur gloire ». Regardez, par exemple, la Suisse ou l’Amérique.

« Là aussi, l’enfant va au collège et il arrive, là aussi, que le collège est loin. Impossible de rentrer chaque soir. Que faire ? L’enfant va-t-il être parqué avec mille ou quinze cents autres dans un énorme et lugubre bâtiment ? Non, il change de foyer, voilà tout. Sa famille le confie à une autre famille… Et, le croiriez-vous, chez ces peuples-là, les gens préfèrent mille fois cette façon d’agir à ces grands internats qui sont l’honneur de notre pays. Mais les imiter, fi donc ! Voyez-vous la France prendre modèle sur un pays neuf, comme l’Amérique, ou sur un pays nain, comme la Suisse ? Emprunter à l’étranger, quelle humiliation ! » (G. Renard). Et l’internat continue à nous réduire et à nous avilir. Et la déchéance, et les stigmates du troupeau y trouvent leur compte…

Si l’internat — élargi, épuré, désencaserné, et tel que plus rien n’y survive du « bahut » de nos souvenirs — devient le milieu scolaire de l’avenir pour l’adolescence (car nous n’oserons plus, que diable, parler, au sens actuel, d’école pour l’enfant !) qu’il se rapproche le plus possible de ce noyau éducatif à la fois chaud, riche et fécond qu’est la famille d’affinité. Car nous ne ferions que soustraire l’enfant à la tyrannie du milieu domestique autoritaire, obtus et inharmonique, pour le rejeter dans la prison déprimante, étouffeuse de vie naissante si devaient s’y dérouler, dans une forme et un esprit voisin de l’internat d’aujourd’hui, les années de prime jeunesse, si lourdement, prématurément, exagérément studieuses… — Lanarque.


INTERNATIONAL adj. (du latin inter, entre, et de national). Chose qui s’accomplit entre nations. D’où : INTERNATIONALE (subst. fém.), association des travailleurs de tous les pays.

En la préconisant, les précurseurs socialistes furent au-dessus du mot propre pour arriver à une entente générale des peuples, surpassant les nationalités, et conçue en vue d’une révolution sociale universelle.

L’idée internationale fut surtout concrétisée par les premières associations d’ouvriers des différentes parties du monde, pour des revendications sociales.

En 1843, Mlle Flora Tristan proposait une société universelle. Dans un congrès à Londres, en 1847, Marx et Engels en jetaient les bases en disant : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » En 1862, à Londres, des rapports s’établirent entre ouvriers anglais et français. En 1864, on discuta et arrêta le projet d’une fédération internationale. Le premier Congrès pour l’Association Internationale se tint à Genève en 1866 et des statuts furent adoptés.

Entre temps, en 1865, était fondée la Fédération romande, imbue des idées étatistes, radicales-socialistes, coopératistes et législatives. Karl Marx en était le grand animateur très écouté. La maxime : Affranchissement des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes fut lancée.

Dans ce but, un deuxième Congrès a lieu à Lausanne en 1867. Cette même année se tient à Genève le Congrès pour la Paix et la Liberté. Bakounine y émet sa théorie de la destruction des États et de la libre Fédération des Communes.

En 1868, au troisième Congrès à Bruxelles, on déclare que tout doit appartenir à l’État régénéré et à la Collectivité : sol, sous-sol, chemins de fer, etc. Le même mois, à Berne, au second Congrès pour la Paix et la Liberté, la minorité s’en détache et constitue : l’Alliance de la