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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/453

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-démocrates, de tendance communiste, qui sont partisans de la dictature prolétarienne et de la subordination du syndicalisme par les forces politiques communistes ;

3°) L’A.IT. de Berlin, qui groupe les forces syndicalistes révolutionnaires et fédéralistes qui assignent au syndicalisme son rôle de force révolutionnaire essentielle et défendent son indépendance et son autonomie.

Comme je l’ai déjà dit, au cours de cette étude, les deux premières internationales, parties d’une base identique, issues d’un même arbre généalogique, fusionneront vraisemblablement, lorsque le pouvoir dit prolétarien — et non la révolution — sera stabilisé en Russie sur le plan démocratique.

La nouvelle Internationale ainsi constituée renfermera alors toutes les forces social-démocrates et de collaboration de classes du monde. Elle sera l’Internationale du nombre et de l’impuissance, à moins qu’elle ne soit en définitive — et c’est ce qui est le plus probable — l’artisan principal de la restauration du capitalisme dans tous les pays.

La seconde, l’Association Internationale des Travailleurs, sera formée par toutes les forces syndicalistes révolutionnaires, et si l’Italie, l’Espagne, la Portugal parviennent à se libérer du fascisme, elle ne tardera à devenir redoutable et à jouer un très grand rôle.

En tout cas, quoi qu’il en soit, elle est le seul espoir mondial des travailleurs. C’est entre elle et le capitalisme universel, soutenu par la F.S.I. d’Amsterdam, renforcée de l’I.S.R., que se livrera la lutte suprême du Travail et du Capital.

Tel est, résumé aussi brièvement et aussi exactement que possible, l’exposé de la vie, de l’activité, des tendances et de l’action des trois Internationales syndicales actuellement existantes.

En le rapprochant des autres études citées au cours de cet exposé, il sera facile au lecteur de se renseigner sur toute l’organisation et les luttes internationales des travailleurs. — Pierre Besnard


INTERNATIONALISME n. m. L’internationalisme est l’ensemble des doctrines et des mouvements favorisant le rapprochement politique, moral et économique des peuples, et préconisant l’établissement, entre les nations, d’un régime de solidarité organisée.

L’internationalisme est le contraire du nationalisme, mais non du patriotisme. Beaucoup d’internationalistes se défendent d’être cosmopolites ou antipatriotes.

Nous lisons dans Les Juifs d’aujourd’hui, de E. Eberlin : « Pendant longtemps, le principe de l’internationalisme a été confondu avec celui du cosmopolitisme ; sans parler d’adversaires, ses partisans mêmes soulignaient son opposition au nationalisme, sans insister sur son opposition au cosmopolitisme. Cependant, par l’essence même de sa doctrine, l’internationalisme était également opposé au nationalisme et au cosmopolitisme. L’idéal du cosmopolitisme, c’est la disparition de toutes les différences nationales ; l’humanité future lui apparaît comme une agglomération des individus, alors que le principe de l’internationalisme est fondé sur la fraternité des peuples. De plus, l’internationalisme a un principe fondamental commun avec le nationalisme : le droit des peuples à disposer de leur sort… L’internationaliste, loin de considérer l’humanité comme une agglomération des individus, est également éloigné de l’envisager comme une alliance mécanique des nations indépendantes les unes des autres. Il considère l’humanité comme une famille, où chaque nation, grande ou petite, est un membre — à titre égal — de la famille dont les intérêts sont solidaires de ceux des autres. »

Félicien Challaye, dans son ouvrage Philosophie scientifique et Philosophie morale, rédigé avec un grand

effort d’impartialité, oppose l’antipatriotisme et l’internationalisme :

« L’antinationalisme ou antipatriotisme condamne la nation, et la division de l’humanité en nations distinctes ; il considère le patriotisme comme un sentiment moralement mauvais. C’est la thèse de ceux qui se vantent d’être « citoyens du monde » ou cosmopolites. C’est la thèse de tous les anarchistes, repoussant l’État, et par conséquent la nation ; c’est par exemple la thèse de l’anarchiste chrétien Tolstoï…

L’internationalisme s’oppose à la fois au nationalisme et à l’antipatriotisme. Il vise à concilier en une synthèse supérieure le patriotisme des nationalistes et l’humanitarisme des cosmopolites. Il ne réclame point une « centralisation planétaire » qui supprimerait toute originalité nationale. Il considère comme légitime la division de l’humanité en nations distinctes ; il proclame le droit des peuples à disposer librement d’eux-mêmes. Mais il souhaite l’établissement, entre les nations, d’un régime de paix durable ; et, à cet effet, il réclame la constitution d’une Société des Nations qui maintiendrait l’ordre et établirait des rapports harmonieux entre les peuples, comme l’Etat national règle les différends entre les individus.

« L’internationalisme est impliqué dans toutes les grandes religions. Par exemple, le Bouddhisme n’a aucun caractère national. Le Christianisme proclame le devoir d’aimer son prochain comme soi-même ; or, le prochain, ce n’est pas le Juif pour le Juif, ni le Grec pour le Grec ; c’est l’homme pour l’homme. L’internationalisme exprime aussi l’espoir de tous les pacifistes, par exemple de ceux qui, comme Léon Bourgeois, ont réclamé avant qu’elle existe la création de la Société des Nations. L’internationalisme est aussi la thèse de la plupart des socialistes : ceux-ci défendent à la fois, contre les oppresseurs, la cause des libertés nationales et, contre les fauteurs de guerre, la cause de la paix internationale. »

Si l’internationalisme est conciliable avec le patriotisme, il nous semble, contrairement à Félicien Challaye, qu’il n’est pas inconciliable avec l’attitude morale antipatriotique. En effet, il n’est pas contradictoire de considérer la division de l’humanité en nations comme un fait dont il faut tenir compte et comme une nécessité durable ; et, d’autre part, de soumettre à une vive critique l’idée de patrie et de ne pas tenir la préférence pour son pays comme un devoir et comme un sentiment devant être développé. Il y a des internationalistes antipatriotes, ou tout au moins « apatriotes ».

D’un autre côté, peut-on classer dans l’internationalisme la conception pacifiste de Léon Bourgeois, qui prétendait organiser la paix en laissant presque intact le principe de souveraineté nationale, conception qui a trouvé sa réalisation presque complète dans l’actuelle Société des Nations ? Il s’agit là tout au plus de l’internationalisme modéré.

Le véritable internationaliste, qu’il se réclame surtout du socialisme, du pacifisme ou de l’idéal démocratique (nous faisons abstraction ici de l’Internationalisme communiste, qui se place sur le terrain exclusivement révolutionnaire et prolétarien) considère que la Société des Nations ne pourra remplir tout son rôle pacifique que lorsqu’elle sera transformée en une Fédération des Peuples, à laquelle les États auront transféré une part importante de leur souveraineté.

« Il faut et il suffit, dit le Manifeste de l’Union Populaire pour la Paix universelle, que les peuples étendent sur le plan international les institutions que chacun d’eux possède à l’intérieur de ses frontières… Les peuples doivent, à l’exemple des individus, s’élever à la notion de la véritable liberté. Celle-ci ne consiste pas en une fausse indépendance, qui aboutit à des heurts sanglants ; elle consiste dans la reconnaissance de la soli-