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individus qui, une Bible blanche, tricolore ou rouge en mains, se croient autant de papes détenant, à eux seuls, la totale Vérité que leur a révélée l’Église dont ils sont les dociles et farouches fidèles !…

Malheureusement nous devons à la vérité de déclarer que cette détestable intolérance, ce répugnant sectarisme, si nuisible à notre propagande et dont eurent à souffrir quelques-uns de nos meilleurs militants, n’est pas absolument banni de nos milieux libertaires et, trop souventes fois, il nous fut pénible de constater, dans certaines assemblées, l’hostilité irraisonnée et systématique de camarades à l’égard de conférenciers qui, pour être en désaccord profond avec la grande Doctrine de Vie qui est nôtre, n’en méritaient pas moins, parce que courtois et sincères, d’être entendus jusqu’au bout. Nous éviterons donc, en toute occasion et étant entendu que nous aurons devant nous un contradicteur loyal, l’interruption intempestive et grossière, toujours impuissante à traduire un sentiment noble, une idée saine et juste et, même en présence du plus insipide des rhéteurs, du plus agaçant des verbomanes, sachons faire montre d’indulgence et de dignité en écoutant, avec calme, la démonstration de l’adversaire. Nous aborderons ensuite la tribune avec la ferme volonté de nous faire respecter, à notre tour, et d’autant plus conscients de la noblesse de notre tâche que pour la vulgarisation de l’Idéal dont nous sommes pénétrés point ne nous est besoin de recourir à l’obstruction et à la violence. — A. Blicq.


INTERVENTION n. f. Action d’intervenir, de s’ingérer, de se mêler d’une affaire, de prendre parti dans un conflit, dans une discussion, dans un différend. Intervention armée : action par laquelle un Gouvernement interpose sa médiation, défend ses intérêts ou impose sa volonté, par le recours aux armes. La non-intervention est un système politique par lequel les gouvernements s’abstiennent dans les affaires intérieures des autres gouvernements.


INTERVIEW n. f. Ce mot anglais est entré dans le vocabulaire français. Il est fait un usage fréquent de l’interview dans le journalisme. Un événement se produit, un drame éclate, une menace, un danger ou un espoir prennent consistance ; aussitôt un spécialiste de l’interview rend visite à une ou plusieurs personnes qui, par leur situation sociale, leurs relations ou leur documentation présumée exceptionnelle, peuvent avoir à exprimer une opinion intéressante ou sont susceptibles de fournir des renseignements de quelque importance.

Pour un journal ou une revue, le système de l’interview est un moyen commode de se procurer à bon compte de la copie et d’intéresser le lecteur. Une foule d’enquêtes portant sur des questions d’un vif intérêt ou d’une grande portée sont entièrement menées par voie d’interviews. Des écrivains s’offrent le luxe facile de publier sous leur signature : des livres dont toutes les pages sont dues à des personnes interviewées. L’unique travail de l’auteur consiste à classer et à reproduire dans un ordre qui donne l’illusion d’un plan méthodique les opinions ainsi recueillies et dont l’expression est, du commencement à la fin, due aux personnages consultés.

Quand un reporter ne parvient pas à joindre la personne qu’il se propose d’interviewer, il arrive assez souvent que, plutôt que de renoncer à la publication de l’article projeté, il imagine de toutes pièces une conversation qui n’a pas eu lieu. Il arrive enfin que, recueillies en vitesse et sous forme de notes rapides, les déclarations de l’interviewé soient inexactement rapportées. Ces circonstances valent au reporter des démentis ou des rectifications, dont il n’a cure : l’essentiel, pour ce porte-plume, étant de publier l’interview que lui a demandée le directeur du journal.

Très souvent, la personne consultée demande au journaliste de rédiger par écrit et de lui remettre les diverses questions qu’il se propose de lui poser. Ces réponses, écrites aussi, sont communiquées au reporter, et il est convenu qu’elles paraîtront littéralement. Ce procédé évite les inventions et les altérations dont il est question ci-dessus.


INTIMIDATION n. f. Action d’intimider, c’est-à-dire d’inspirer de la crainte, de l’appréhension. L’intimidation ne porte que sur les êtres hésitants et faibles. Plus l’individu manque de résolution et de volonté, et plus agit sur lui le système d’intimidation. Quand un individu flotte entre des déterminations différentes ou contradictoires, il est facile de lui faire accepter, par voie d’intimidation, celle qu’on désire ; et, s’il manque de volonté, il est également facile de l’éloigner, par le même procédé, de la décision qu’il a prise. Parce qu’ils sont généralement de faible volonté, les vieillards, les enfants et les femmes se laissent aisément intimider.

Il en est de même des peuples, à l’égard desquels les Gouvernants usent fréquemment de l’intimidation érigée en système. En matière de gouvernement, ce système se décompose pratiquement en deux temps : le premier temps, c’est l’avertissement, la menace ; le second temps, c’est, dans le cas où la menace demeure inopérante, la répression.

La loi est une application de ce système d’intimidation. La formule bien connue : « Sera puni… etc. » contient l’avertissement, exprime la menace. Elle sert de gendarme préventif, en inspirant la crainte du châtiment à ceux qui éprouvent la tentation de contrevenir à la loi. Cette appréhension possède une force qui, bien souvent, suffit à empêcher l’action délictueuse ou criminelle. Mais tous ne sont pas arrêtés par la peur du châtiment ; il en est qui passent outre et font ce que la loi interdit. C’est, alors, le second temps du système d’intimidation : le châtiment, la répression, dont le but est moins de punir le « coupable » que d’intimider les personnes qui formeraient le dessein de suivre son exemple.

La pratique de l’intimidation sévit tout aussi sévèrement dans les relations entre patrons et ouvriers. Les travailleurs s’avisent-ils de se montrer mécontents des conditions de travail ou de salaires qui leur sont imposées ? L’employeur s’empresse de faire savoir qu’il ne s’inclinera devant aucune réclamation et que ceux qui ne sont pas satisfaits n’ont qu’à chercher du travail ailleurs. C’est le premier temps du système : l’avertissement, la menace. Si la crainte d’être congédiés et de se trouver sans travail n’empêche pas les salariés de maintenir leurs revendications, le patron n’hésite pas à renvoyer les « meneurs », dans l’espoir que cette mesure décidera les autres à abandonner, si justes soient-elles, leurs réclamations.

Ce système d’intimidation qui, jusqu’à ce jour, a si bien réussi aux Gouvernements et aux Patrons, se brisera devant la ferme volonté des gouvernés et des travailleurs, quand ceux-ci sauront clairement ce qu’ils veulent et le voudront énergiquement.


INTOLÉRANCE n. f. (du latin intolerentia). L’intolérance est assurément une des tendances les plus autoritaires et les plus oppressives de la nature humaine. Elle semble aussi vieille que la société. Jamais les hommes n’ont pu supporter qu’on ne pense pas ou qu’on n’agisse pas comme eux. Depuis le conformisme étroit de la tribu sauvage, jusqu’aux formes les plus odieuses du dogmatisme religieux, jamais les sociétés n’ont reconnu le droit individuel à la liberté. Et, dans notre monde « civilisé » et « démocratique », ce droit est encore excessivement restreint.

On pourrait objecter que cet état de choses répondait