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tuelles. Autour des puissants jouent, en enveloppements incessants, les intrigues de la vanité et de l’ambition. Les milieux dirigeants des régimes dits démocratiques les voient se nouer sans relâche autour des faveurs, des places, des honneurs, des prébendes et des sinécures. Elles sont le chemin sinueux des appétits et l’argent n’est pas l’enjeu le moins convoité…

Dans le domaine de la politique internationale, la diplomatie est la terre d’élection de l’intrigue, et la sécurité des peuples y succombe. Parlements, chancelleries pullulent d’intrigants dont le scrupule est bien le dernier embarras. Le mystère qui enveloppe, au grand dam des gouvernés, les affaires publiques, fournit aux aventuriers l’ombre propice aux intrigues qu’une organisation claire et loyale déjouerait.

On appelle intrigue en littérature et dans l’art dramatique, le nœud secret de l’action des personnages, le processus des conflits et des oppositions qui acheminent, dans un intérêt qui doit être à point soutenu et croissant, vers le dénouement. L’intrigue, habile avant que d’être vraie, est plus ou moins heureuse, et le métier, les ficelles d’un Scribe y obtiennent plus en réussite que le génie. A celui-ci, plus droit, plus naturel, le temps rend cependant peu à peu son succès, au niveau de sa maîtrise. L’intrigue est, au théâtre surtout, particulièrement artificielle. Elle atteint, dans le roman-feuilleton et dans le scénario des films « à l’américaine », son maximum de fantaisie et aussi d’incohérence… — L.


INTRINSÈQUE adj. (du latin : intrinsecus, intérieur). Qui est au-dedans d’une chose, à l’intérieur de celle-ci, qui lui est inhérente, qui fait corps avec elle, qui ne peut pas en être séparé, qui lui est propre et essentiel. La valeur intrinsèque d’un objet est indépendante de toute convention. La valeur intrinsèque d’un billet de banque, d’une action ou obligation, d’une pièce de monnaie est souvent très différente de sa valeur conventionnelle. Si je fais fondre de la monnaie d’or ou d’argent, par la quantité de métal pur que j’en extrais, je puis déterminer sa valeur intrinsèque. Si je livre aux flammes un billet de banque, il ne reste de celui-ci que de la cendre. Les mots, les idées possèdent une valeur intrinsèque. C’est celle qui s’y attache, abstraction faite de toute considération à côté ou extérieure.


INTUITION n. f. (du latin intuitio ; de in, dans et tueri, voir). Connaissance claire, directe et immédiate des choses, sans le secours du raisonnement ; perception directe de vérités qui, pour être saisies par l’esprit, n’ont pas besoin de l’intermédiaire du raisonnement. En philosophie, l’intuition est un mode de connaissance immédiate et directe, qui ne s’embarrasse ni du raisonnement, ni de l’expérience, ni de l’observation des faits. Elle a son origine dans le sentiment. Elle considère comme de secondaire importance les conflits qui peuvent mettre aux prises le sentiment et le raisonnement basé sur l’observation. Elle tente de concilier, quand faire se peut, celui-ci et celui-là ; mais, quand l’expérience contredit le sentiment, c’est celui-ci qui l’emporte, le sentiment intime, la conscience et autres lumières subjectives étant un guide plus sûr, mieux éclairé que l’expérimentation.

L’école positiviste (voir positivisme) n’admet comme certains que les faits vérifiés et contrôlés ; elle ne reconnaît que les vérités qui se meuvent dans le cadre de l’observation. Sans faire complètement fi de ces vérités et de ces faits, l’École qui s’édifie sur l’intuition émet la prétention d’aller directement à la vérité, de franchir le cadre qui limite le domaine de l’expérimentation et du connu et de conclure, sans hésitation, dût la conclusion être en désaccord avec les connaissances acquises par l’observation.

On conçoit l’empressement sympathique avec lequel

les Écoles spiritualistes et, plus encore, les chapelles religieuses ont accueilli les théories émises par « l’Intuitionnisme ». Dans l’ardente lutte engagée contre le matérialisme et la philosophie qui en découle, ces théories trouvaient droit de cité. Le philosophe Henri Bergson, auquel de brillants auditoires, en majeure partie composés de snobs et de dilettantes, firent, ces temps derniers, un bruyant succès, a développé la doctrine de l’Intuition dans quelques études psychologiques dont les plus connues ont pour titre : Essai sur les données immédiates de la conscience ; Matière et mémoire ; L’Évolution créatrice.

L’Intuitionnisme — qu’on nous pardonne ce néologisme — ne possède aucun caractère scientifique. Il repose tantôt sur des lieux communs et des traditions discutables, tantôt sur de fragiles rapprochements, de douteuses comparaisons ou des exemples suspects. Selon les lieux, les temps, les circonstances et les individus, le système philosophique qui en est l’expression officielle conduit à des conclusions que leur diversité, voire leur opposition condamnent à l’incertitude.

Le mot « Intuition » est pris aussi dans le sens de pressentiment (Voir ce mot). Exemple : « J’avais l’intuition du malheur qui m’est arrivé. J’ai l’intuition que mes démarches n’aboutiront pas. Mon intuition ne me trompe jamais. Dès que j’ai vu telle personne, j’ai eu l’intuition que nous nous lierions d’amitié ». — S. F.

INTUITION. L’intuition, qu’elle soit intellectuelle ou sensible, s’oppose à la pensée discursive ; elle implique perception immédiate d’une vérité qui n’a pas besoin du raisonnement pour être connue. En géométrie, la formule permettant de calculer la surface d’une circonférence n’apparaît pas évidente de prime abord ; je dois décomposer cette surface en triangles dont la base est infiniment petite ; et ces triangles je les rattache à des parallélogrammes, réductibles à des rectangles qui se ramènent eux-mêmes au carré.

Grâce à une série de substitutions j’arrive à déterminer de façon certaine la surface de figures successives. Les vérités ainsi obtenues sont essentiellement discursives, médiates ; elles découlent de jugements logiques. Mais lorsque je déclare : « deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles » ou « les sommes de quantités égales sont égales », j’énonce des propositions, qui n’ont besoin de nul raisonnement pour être évidentes, et dont je ne puis fournir aucune démonstration rigoureuse. Ces vérités primordiales — on les appelle axiomes — commandent toute la série des déductions mathématiques, rendant possible les substitutions de nombres en arithmétique, de lettres en algèbre, de figures en géométrie. Dans l’ordre expérimental, connaissances immédiates de la vue, du toucher, etc., ainsi que de la conscience constituent des intuitions de genre différent. Mais à ces données primitives se surajoutent bientôt, par suite d’habitudes acquises, des souvenirs, des idées, des jugements qui s’incorporent à la perception et la modifient. D’où erreurs fréquentes, imputables aux activités imaginatives et intellectuelles, qui brodent à leur fantaisie sur le canevas fourni par l’expérience. Évaluer la distance d’une cloche d’après le son qu’elle émet, la chaleur d’un poêle d’après sa couleur, résultent ainsi d’une interprétation toute mentale ; la distance n’étant directement perçue que par la sensibilité musculaire et tactile, peut être aussi par la vue, la chaleur ne l’étant que par le toucher. Observer un objet qui tombe sera une intuition sensible, alors que conclure à la chute de cet objet, en vertu de la pesanteur, si je l’abandonne dans le vide, sera une certitude déductive. Et quand je dis : « la même chose ne peut pas à la fois être et ne pas être » ou « tout a une cause », je suis en présence de vérités intuitives, évidentes avant d’être confirmées par l’expé-