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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/460

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lystes et des froids érudits. Elle est plus propre — éducation ou prédisposition — en raison de l’étendue de sa zone sensible, à l’élément féminin. A elle semblent se rattacher certains dons de prescience ou de prophétie et elle est regardée comme le caractère du génie. Elle semble ainsi suppléer et devancer provisoirement les moyens nés du développement intellectuel et propres à la culture, et devoir peu à peu céder le terrain à la cérébralité à mesure que se rétrécit le champ de la connaissance confuse et que la science intensifie ses méthodes d’investigation et de contrôle.

Il serait absurde, cependant, de lui tracer des frontières aussi précises et de prédire son recul obligé, de même que d’affirmer tantôt la prédominance, voire la souveraineté, et tantôt l’inanité de ses apports. Plus rationnel est-il d’en éclairer l’essence et les manifestations par des interrogations toutes scientifiques. D’ailleurs, la science elle-même pénétrant et, par la suite, régularisant, favorisant même le commerce encore mystérieux des êtres et nos réactions sur les choses, découvrant peut-être, par analogie, le secret de certains phénomènes troublants (comme la télépathie) dans des ondes que propage aussi l’éther et dont certains sujets particulièrement doués sont les pôles émetteurs et récepteurs, la science peut amplifier sa puissance, en l’appelant au renouveau. Et l’instrument rudimentaire d’un obscur savoir se muerait ainsi en prospecteur discipliné au service d’une intelligence chaude et éveillée.

Le sensible — encore impénétré dans sa vastitude parfois inquiétante — n’a pas dit son dernier mot. Il n’a pas fourni son dernier document ni projeté son dernier rayon d’art. Et les concentrations nerveuses aux approches singulièrement clairvoyantes — dont certains hommes marquent le privilège, constituent sans doute des armes préhensives précieuses pour les conquêtes humaines. Sentant le passé par transposition sympathique — et assez lucide pour coordonner et situer son butin — un artiste pourra, jusqu’en histoire, apporter le bénéfice de sa faculté prolongatrice à la réduction de nos prodigieux inconnus. D’autre part, l’accroissement des régions intellectuelles — vouées, semble-t-il, à l’hypertrophie et peut-être au déséquilibre — commandées par la logique et soumises aux rigueurs du raisonnement, risque çà et là, un seul chaînon défaillant et parfois les prémices, de nous entraîner dans l’absurde et de nous faire répudier l’évidence. Il y a, dans la sécheresse où se lient les propositions et se débattent les théorèmes épurés, des quintessences arbitraires qui dépouillent la vérité des faits générateurs ; et le grossissement de l’abstrait dévoyé aux poursuites aveugles cèle un péril syllogistique. Pour y ramener l’impalpable souvent décisif de la vie, le contrôle intuitif est plus d’une fois l’inconscient redressement de nos spécialisations spéculatives…

L’amour, du plus impérieux des instincts aux plus éthérées des attractions artistiques, apparaît comme l’atmosphère propre aux intuitions d’envergure. Les frémissements amoureux — que le sexe les ébranle ou la passion artistique — leur offrent des facteurs décuplés de puissance et des voies de pénétration qui déconcertent la sérénité normale. Sans chercher ni des formes ni une source divine à l’intuition, et loin de la soustraire au regard curieux et à la surveillance de la science, on peut caresser en elle des espérances qu’un avenir toujours plus lumineux pourra servir et l’envisager comme une des forces enfin comprises et connues de la connaissance. Nous nous inclinerons s’il arrive aux événements de démentir ces perspectives. — Stephen Mac say.


INVASION n. f. (lat. invasio, de invadere : in, (dans) et vadere, (aller). Pénétration militaire dans un pays, irruption guerrière à laquelle font cortège les abus de la soldatesque, le sac des biens et parfois le massacre

des personnes. L’invasion se chiffre, pour le vaincu, en brimades, rançons, contrainte, assujettissement, violences et privations de toute nature. Elle apporte au vainqueur le bénéfice de cyniques exactions jointes aux satisfactions grossières de l’amour-propre et de la domination : il puise ses avantages et ses jouissances dans l’exercice des droits souverains de la force. L’invasion a son épilogue dans l’indemnité — souvent écrasante —, l’occupation ou l’annexion…

La terreur de l’invasion a toujours servi les habiletés des professionnels — mégalomanes ou affairistes— du patriotisme. Elle a, devant les peuples inéclairés, justifié, par le paradoxe, les charges d’une paix armée ruineuse souvent plus que la guerre, et entretenu la méfiance et l’atmosphère d’hostilité propices aux rencontres sanglantes. C’est sur les invasions de 1870 et de 1914 que les militaristes de France assoient les « raisons » de leurs armements formidables. La menace ainsi change de camp, et les inquiétudes. Et la paix demeure précaire et sans fondement. Les intérêts, les appétits, les circonstances demeurent l’arbitre d’un équilibre singulièrement provisoire. Plus ardue est aussi, dans la course folle aux préparatifs dits « de défense », la tâche lente du rapprochement des peuples.

Citons, parmi les invasions les plus tristement célèbres dans le passé : « celle des Hyksos en Égypte (vers 2310 av. J.-C.) ; celle des Gaulois en Italie et dans le bassin du Danube, sous la République romaine (521 à 389) ; la Grande invasion des Barbares dans l’empire romain au ive siècle ; celle des Normands, au ixe siècle, dans l’ouest de l’Europe ; celle des Arabes, dans l’Espagne et la France méridionale, du viie au xe siècle ; celle des Mongols et des Tartares, du xiiie au xive siècle » ; et enfin, sous l’empire français, en 1813 et 1814, après les pénétrations du conquérant corse en Espagne, en Italie et, à travers l’Allemagne, jusqu’au cœur de la Russie, le choc en retour de l’invasion des coalisés de toute l’Europe soulevée contre la tyrannie napoléonienne. Plus près de nous : la grande invasion de 1914-18 sur toute la Belgique et le nord de la France.

Au figuré, invasion se dit de toute irruption soudaine : invasion de rats, des eaux, de quelque bande en liesse, du sommeil même ; aussi des maladies, en particulier épidémiques (choléra, typhus, etc.). Désigne encore les choses morales qui soumettent à leur emprise les esprits : invasion des préjugés, du mauvais goût, des doctrines pernicieuses. A ce titre, les timorés et les conservateurs parlent, comme d’un fléau ou d’une horde, de l’invasion du communisme, de l’anarchie, etc. — L.


INVENTAIRE n. m. En Droit, l’inventaire est un acte conservatoire que la loi prescrit formellement en matière de succession chaque fois qu’il y a lieu de sauvegarder les intérêts d’héritiers mineurs, interdits ou absents et, dans tous les cas également, où la dévolution de la succession se heurte à certaines difficultés. Il comprend la désignation et l’estimation de tous les objets : meubles, espèces, titres, papiers, etc., ayant appartenu aux défunts.

Commercialement parlant, l’inventaire consiste à faire le relevé de l’encaisse de l’entreprise, de ses créances, de son portefeuille-titres et de ses dettes, ainsi que le relevé de ses biens immobiliers et mobiliers. Aux termes de l’article 9 du Code de Commerce tout commerçant est tenu de dresser, chaque année, sur un registre ad hoc, son inventaire, faute de quoi il s’expose, en cas de faillite, aux peines de la banqueroute frauduleuse.

Il serait sans doute fastidieux et de peu d’utilité pour les lecteurs de l’Encyclopédie, que nous nous attardions à signaler les escamotages et les tours de passe-passe auxquels recourent la majeure partie des assujettis à la loi régissant l’inventaire commercial, dans