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le but de truquer leur Actif et leur Passif et de présenter, en conséquence, sous la forme d’un tableau synoptique, couramment appelé Bilan, une situation intentionnellement fausse. Bornons-nous à déclarer que si tous les inventaires des firmes industrielles et des maisons de commerce étaient dressés avec une scrupuleuse exactitude, il apparaîtrait, avec évidence, aux plus profanes, que le Travail est, pour ceux qui l’exploitent, une source considérable et inépuisable de profits. On verrait, pour ne citer qu’un exemple, que telle Compagnie houillère de la région du Nord dont l’extraction, durant l’année 1926, ne fut pas inférieure à 3.000.000 de tonnes laissant chacune un bénéfice moyen de 50 francs, parvient à réaliser un gain dépassant de cinq à six fois celui que l’on accusa officiellement et auquel l’on est arrivé grâce à des déperditions, des dépréciations, des amortissements et des prix de revient falsifiés et manifestement exagérés.

Sachant que notre société repose tout entière sur l’antagonisme des intérêts et que le Mensonge et le Vol en forment les piliers essentiels, nous ne nous étonnerons point outre mesure d’un tel état de choses, qui tient à l’essence même du Capitalisme.

Mais n’avons-nous pas, nous aussi, à procéder, chaque année « en fin d’exercice », à l’inventaire de tous nos actes, et serions-nous encore autorisés à reprocher à nos maîtres détestés — les capitalistes qui nous spolient et nous asservissent — la fraude et la déloyauté dont ils usent comme monnaie courante si, de notre côté, nous ne parvenions à nous dépouiller de cette regrettable et endormeuse illusion que nous nous faisons si volontiers sur la valeur et l’utilité sociale de nos actions ?

Combien parmi nous, s’ils étaient sincères, pourraient-ils présenter autre chose, en fait d’Actif, qu’un misérable récolement de faits et gestes que ne désavouerait point toujours le plus mesquin des bourgeois ! Combien qui semblent n’avoir sur les lèvres que des paroles d’amour et de solidarité et dont les actes de chaque jour sont un cinglant démenti à leurs hypocrites déclamations !

Comme Gœthe, qui pouvait se flatter d’être un homme parce qu’il avait été un lutteur, faisons du bon et continuel combat, en faveur de notre Idéal, le sens et la dignité de notre vie !

Fi des sectaires, des haineux, des appauvris dont toute la propagande consiste à baver sur ceux —ardents et purs militants de toujours ! — dont toute l’ambition n’excède pas le besoin de répandre en autrui, pour, autrui, leur trop-plein de vie et de faire émerger des misérables contingences sociales desquelles, si péniblement, nous nous affranchissons, la grande Doctrine à laquelle ils ont, simplement mais résolument, voué leur existence !

Puisque « la vie est un drame où l’homme combat pour son rêve contre la réalité », efforçons-nous de mettre, un peu plus chaque jour, de beauté et de bonté dans ce pauvre monde. Un Newton découvrant les lois de l’Univers ; le savant qui pense solitairement mais dont le génial enfantement préservera désormais du mal funeste des millions d’hommes ; l’apôtre de la Rédemption humaine dont le zèle ne saurait être attiédi ni par les persécutions, ni par les séductions de la gloire : voilà les vrais lutteurs qui affranchissent le monde, voilà ceux qui doivent nous servir d’exemples pour tous les actes de notre vie ! — A. Bucq.


INVENTION n. f. (du latin invenire, trouver ; de in, dans et venire, venir). A l’origine de tout progrès, il y a une invention. C’est grâce au pouvoir d’inventer que l’espèce humaine a pu sortir, lentement, à travers des difficultés sans nombre, de l’état d’ignorance et de misère dans lequel elle se trouvait à l’origine. C’est en

multipliant les inventions, en les appliquant à ses conditions de vie, en les développant et en les perfectionnant, que l’homme a peu à peu lutté contre la nature, qu’il est parvenu à vaincre les éléments, à utiliser les propriétés de la matière, à établir des relations à distance, à améliorer ses conditions d’existence.

L’histoire n’a pas enregistré la date de toutes les inventions ni le nom de tous les inventeurs. Il n’y a pas cinq mille ans que les hommes ont commencé à employer le premier métal qui fut le bronze. L’invention du fer, qui vint après, fut une des découvertes les plus précieuses. Parmi les déjà anciennes inventions les plus utiles, on peut citer celles qui ont permis à l’homme de cultiver la terre et de domestiquer, en vue de ses besoins, certaines races animales ; celles qui l’ont conduit à l’art de la navigation, celle des instruments de chasse et de pêche, celle de l’écriture et de l’imprimerie. Ces deux dernières ont cela d’important qu’elles servent à conserver les connaissances, à les vulgariser et à les transmettre de génération en génération, à la façon d’un patrimoine commun légué par les ascendants à leurs descendants.

Les progrès incessants en astronomie, en physique, en chimie, en mécanique, résultant de l’effort opiniâtre et combiné des plus illustres inventeurs de tous les pays, ont favorisé l’éclosion et l’essor des civilisations les plus remarquables par le développement industriel et commercial, par l’ascension des sciences et des arts. Certaines inventions remontent à des âges fort reculés. Exemples : la boussole, 2602 avant l’ère chrétienne ; la soie, 2400 ; le verre, 1640 ; le niveau et l’équerre, 718 ; le soufflet, 600 ; le cadran solaire, 520 ; la distinction entre les veines et les artères, 325 ; les fonctions des nerfs, 320 ; les vaisseaux chylifères et les mouvements du cœur, 310 ; les horloges à eau, 250 ; la vis sans fin, l’aréomètre, la poulie mobile, 220 ; le papier de soie, 201 ; la mosaïque, 200 ; la précession des équinoxes, 142 ; le siphon, 120, etc., etc.

Depuis l’ère chrétienne, on note, entre autres inventions précieuses : le système astronomique de Ptolémée, 140 ; les cloches, 400 ; les moulins à vent, 650 ; le papier de coton, 750 ; l’alcool, 824 ; l’horloge mécanique, 990. Au xiiie siècle, mentionnons (en dépit de l’usage qui en a été fait) la poudre à canon, les lunettes à lire ; au xive siècle, l’arquebuse, le fil d’archal, les canons, l’étamage des glaces. Les siècles suivants se distinguent par l’antimoine, les montres, la gravure en creux, ensuite ; l’imprimerie typographique, le premier journal imprimé à Strasbourg, la gravure sur acier, la pompe à air, le bateau sous-marin, le système astronomique de Copernic, le rouet à filer, la mesure de l’arc du méridien, l’émail, le pendule, le microscope, la projection des cartes marines. Au xviie siècle, les inventions et les découvertes se multiplient : la balance hydrostatique, la constatation scientifique du mouvement diurne de la terre, les logarithmes, la circulation du sang, le télescope, le système de Kepler, les lunettes à deux verres convexes, le thermomètre, les lois de la réfraction, le baromètre, la machine à calculer, la presse hydraulique, la machine pneumatique, la machine électrique, la théorie de l’attraction universelle et le télescope de Newton, la vitesse de la lumière, le petit ressort spiral des montres, le calcul différentiel, le calcul intégral, la vapeur et la soupape de sûreté, l’application de l’hélice à la navigation.

Merveilleuse est la fécondité du xviiie siècle : le clichage, 1705 ; le bleu de Prusse, 1710 ; l’aberration des étoiles fixes, 1728 ; la montre marine, 1734 ; le moulage en plâtre, 1749 ; les ponts suspendus en fer, 1741 ; l’héliomètre, 1743 ; le sucre de betterave, 1745 ; le paratonnerre 1757 ; la machine à filer, 1767 ; la machine à vapeur à basse pression, 1769 ; la lampe à cylindre, 1780 ; la batterie flottante insubmersible, 1782 ; l’aérostat, 1783 ;