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toute la jeunesse instruite a renoncé à la religion de ses pères et se proclame hardiment athée. Cette jeunesse, surtout dans l’Europe orientale, a un ardent amour pour la terre d’Israël (Eretz Israël) et voudrait rassembler les membres de la dispersion dans l’antique Palestine, pays aride, qui n’a jamais pu nourrir plus d’un million d’habitants et qui, à présent, malgré les millions sacrifiés par les Rothschild, les Hême, les Furtado et autres riches Juifs, ne pourra jamais nourrir 3 millions d’habitants.

Le mouvement sioniste, fondé par Herzt, et auquel tant d’hommes remarquables se sont dévoués, restera une des curiosités du xxe siècle, bien qu’il ait été protégé par Sir Herbert Samuel, haut-commissaire anglais en Palestine. Jamais on ne persuadera aux Israélites de quitter leur situation en Europe et en Amérique, leurs occupations, leur commerce, leurs banques, pour aller s’enterrer dans un misérable petit pays d’Asie, tandis qu’ils peuvent être heureux en Europe, se sentir citoyens des pays où ils sont nés. Depuis la Révolution Française les Israélites se sont distingués dans toutes les carrières, même dans celles que la religion mosaïque interdit à ses partisans, comme la sculpture, la peinture, etc. Les sciences, dans toutes les branches, ont été cultivées par des Israélites. Leurs noms pullulent parmi les musiciens (Mendelssohn, Auber, Halévy, Joachim, Moszkovsk, etc.), les peintres (Pissarro et des centaines d’autres), les sculpteurs (Aaron), les professeurs d’Universités (Lévy-Bruhl, Lenvrusaut, etc.), les philosophes (Büchner, Bergson, Freud, etc.), les hommes d’Etat (Disraeli, Isaac, etc.), les parlementaires et révolutionnaires (Karl Marx, Liebknecht, Trotski, Zinoviev, Radek, Hasenlauer, etc.).

On voit des Israélites éminents jusque dans les armées, quoique le préjugé populaire refuse aux Israélites le courage militaire, mais, entre autres, le nom du général Foy, prouve que dans cette carrière aussi les Juifs se sont distingués.

Les romanciers, comme Mauroy, Suerbach, Spielhagen, etc., les poètes juifs sont nombreux dans la littérature polonaise, hébraïque et yiddish, etc. — G. Brocher.

Nota. — Un Dieu qui ne sait pas le nom de celui avec qui il lutte est une de ces absurdités si communes dans la Bible. Le Dieu lutteur ne veut pas dire son nom El (ou Elolim) ou Jahvé (Jéhovah), parce que la Bible défend, sous peine de mort subite, de prononcer le nom de Jéhovah, dieu étranger emprunté aux tribus du désert du Sinaï et dont la prononciation exacte était inconnue. Chaque fois que les lettres du nom de Jéhovah apparaissent, les Juifs lisent Elolim, le dieu des dieux, ou Adonaï.


IVRESSE n. f. (du latin ebrius, ivre). Toute atteinte aiguë, fortuite et passagère, portée à l’équilibre mental par un poison psychique, est qualifiée d’ivresse. Par extension et par assimilation aux symptômes cardinaux de l’ivresse toxique, le langage courant a appliqué le même terme à certains états de l’esprit, caractérisés par une grande exaltation avec déséquilibre, trouble du jugement, déterminations généralement impulsives, en marge de la simple logique et parfois du bon sens. Ce trouble de l’honneur et du sentiment, cette passion de l’âme, atteint parfois des proportions où il n’est pas excessif de parler de morbidité : on est ivre de gloire, de vanité, de patriotisme, d’amour, etc. Dans ces états, on perd le contrôle de ses actes et c’est ce déraillement aigu où le jugement est émoussé qui justifie un rapprochement avec les ivresses toxiques.

Avant de dire quelques mots de ces états d’âme (d’un intérêt psychologique énorme) il sera question ici des ivresses toxiques.

A. — Ivresse toxique. — L’ébriété, quelle qu’en soit la cause, a pour caractéristique d’être un état de folie transitoire, survenue brusquement, à la suite de l’absorption d’une dose quelconque d’un toxique dont l’effet immédiat est de stupéfier l’écorce cérébrale. Je dis une dose quelconque intentionnellement pour atteindre, sans hésitation, la conception tolérante de ceux qui croient que l’ivresse n’est la conséquence que d’un excès. Il n’y a point d’excès d’alcool, de vin, de tabac ou d’opium parce que l’usage même, ne répondant à aucun besoin normal, est déjà un excès ; ensuite parce qu’il est impossible de délimiter à quel moment finit l’usage et commence l’excès ; enfin parce qu’il est funeste de croire qu’une demi-ébriété est mieux portée et plus excusable qu’une ébriété complète. L’homme sage doit savoir que dès l’instant où il a permis à un toxique de franchir la porte de son organisme il est, quoi qu’il fasse, peu ou beaucoup, sous l’empire de ce toxique. Ceux qui attendent les manifestations vulgaires de l’ivresse pour en porter le diagnostic s’exposent à des erreurs lamentables. Quand l’ivresse, au sens mondain du mot, se manifeste, il y a longtemps que l’intelligence est plongée dans le désordre.

Ce désordre ne peut faire illusion qu’aux snobs et aux ignorants, ou aux faibles, dont la tension psychologique a diminué à ce point qu’ils se croient dans l’obligation de recourir à des artifices du reste trompeurs, pour la rétablir ou l’élever.

Deux souvenirs suffiront à objectiver le problème : celui d’une beuverie quelconque, populaire ou bourgeoise, où les convives, plus ou moins saturés d’alcool et de tabac, projettent autour d’eux les propos les plus burlesques, font preuve d’un niveau mental au-dessous de la moyenne sans pourtant chavirer sur leur base.

Et cet autre exemple d’un conducteur d’auto qui vient de faire un repas arrosé de vin, qui se croit alerte et sain d’esprit, mais qui, sans s’en douter, ayant perdu le contrôle parfait de ses mouvements, va causer un accident sur la route.

Il y a de petits et de grands effets des stupéfiants. Mais, petits et grands, ils sont toujours du même ordre.

Nous diviserons l’ivresse en quatre périodes, dont la superposition, toujours la même, prouve la propriété narcotique de tous les poisons dits de l’intelligence. Cela dit pour ruiner la fausse réputation à laquelle prétendent la plupart de ces poisons d’être des excitants. C’est en vertu de cette réputation surfaite que le vin, l’alcool et même l’opium sont entrés dans la consommation alimentaire de tant de citoyens. Le travailleur manuel qui croit subir un coup de fouet de son verre de vin profite tout simplement, à son insu, d’un état de paralysie (stupéfaction) de sa sensibilité musculaire (d’où atténuation de la sensation de fatigue, ce précieux baromètre). Il n’est pire illusionné que celui qui, en pleine possession de ses moyens, n’agit qu’au détriment de sa propre substance.

La première phase (phase intellectuelle) de l’ivresse est marquée par des troubles de l’entendement. C’est le propre des narcotiques de frapper directivement, électivement et immédiatement à la tête. C’est cette spécialisation qui fait le danger insoupçonné des stupéfiants. C’est tout de suite du côté du jugement et du contrôle de soi que portent les atteintes du poison. Le déséquilibre des facultés supérieures de l’esprit en dérive aussitôt et se traduit par l’incohérence de pensées, des paroles et des actions. Le premier état de l’ébrieux est le désordre et la perte de la notion du réel. Le plus souvent le comportement euphorique du sujet, conséquence de la notion précise de son propre Moi, le porte vers l’exubérance, la confiance, la joie. Le tumulte des idées fait illusion et fait croire à leur surabondance comme à leur richesse. L’observateur de sang-froid en note au contraire l’infériorité.