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JES
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Henri III, dont l’action anti-huguenote est jugée trop molle, ils le comparent à Néron, à Sardanapale, etc.

Le moine Jacques Clément, après avoir consulté son supérieur, le dominicain Bourgoin (qui lui déclare qu’il n’y a aucun péché à tuer le roi et qu’il ira droit au ciel), frappe Henri III et le tue.

Le Jésuite Mariana écrira que le crime de Clément est « un exploit insigne et merveilleux ». En effet, Henri III avait été excommunié par le pape Sixte-Quint, qui avait délié ses sujets de leur serment de fidélité à son égard ! (Il est vrai que le même Sixte Quint ne tardera pas à succomber mystérieusement à son tour, au moment où il voudra réfréner le zèle exagéré des Jésuites).

La haine des Jésuites contre Henri IV fut plus grande encore que contre Henri III. Ils multiplièrent contre lui les tentatives d’assassinat.

Ce fut d’abord Barrière, stimulé par le P. Varade (de la Compagnie). L’attentat de Barrière échoua et il fut exécuté, tandis que l’on n’osa pas inquiéter Varade.

Henri IV avait beau multiplier les manifestations de bienveillance à l’égard du catholicisme, l’Église ne lui pardonnait pas son libéralisme. Le pape Clément VIII ne voulait pas désarmer et menaçait même de l’Inquisition les rares prélats français qui intercédaient en faveur du Béarnais converti. C’est que l’Édit de Nantes, dont il était l’auteur, qui reconnaissait la liberté de conscience pour tous, était un acte véritablement révolutionnaire pour l’époque.

Un nouvel attentat, celui de Jean Chatel, est organisé par les Jésuites. Cette fois, Henri IV est blessé à la bouche. Le peuple, furieux, assiège le Collège de Clermont (qui devint par la suite le Lycée Louis-le-Grand). Chatel avait été élevé dans ce collège jésuite. On y perquisitionne et l’on trouve, dans la cellule du P. Guignard, des papiers très compromettants.

On y lisait, par exemple : « L’acte héroïque fait par Jacques Clément, comme doué du Saint Esprit, a été justement loué. »

« Si on ne peut le déposer (Henri IV) sans guerre, qu’on guerroye ; si on ne peut faire la guerre, qu’on le fasse mourir. »

Guignard fut inculpé, mais refusa de se rétracter, même sur l’échafaud. Il ne voulut jamais reconnaître Henri IV comme roi « puisque le pape ne l’avait pas reconnu ». Chatel et Guignard furent exécutés (7 janvier 1595). La maison de Chatel fut rasée et une pyramide expiatoire fut élevée sur son emplacement. Puis les Jésuites furent expulsés de France sur l’ordre du Parlement. Ce qui n’empêcha pas l’historien jésuite Jouvenay de glorifier le P. Guignard et de le comparer… à Jésus-Christ, le sauveur des hommes !

Tous les Jésuites ne partirent pas, et Henri IV ferma les yeux pour ne pas les exaspérer davantage, car il en avait terriblement peur. Il savait de quoi la Compagnie était capable et vivait dans une inquiétude continuelle. D’autre part, il avait un confesseur jésuite, le P. Cotton ( « il avait du Cotton… dans les oreilles » ) qui l’importunait. Ses maîtresses et la plupart de ses courtisans le harcelaient aussi, lui demandant de laisser rentrer les Jésuites, pour les désarmer. Il finit par céder. Malgré les remontrances du Parlement, dont le Président, Achille de Harlay, lui écrit que son geste sera « fatal à la paix du royaume et dangereuse pour la vie de Votre Majesté », Henri IV cède quand même aux Jésuites et il en donne les raisons dans une lettre qu’il envoie à Sully, disant que les Jésuites ont des intelligences partout et que sa vie inquiète et misérable est pire que la mort…

Les Jésuites rentrent donc (1604). La pyramide expiatoire est enlevée. Huit ans plus tard, le roi sera mort, mais les biens de la Compagnie vaudront 300.000 écus de rentes et ils auront dépensé pour leur seule maison de La Flèche plus de 600.000 livres.

On s’étonne de l’influence que le P. Cotton exerçait sur le roi. Pour obtenir sa confiance, il n’hésitait pas, en effet, à approuver ses débauches (Henri IV avait de nombreuses maîtresses et des bâtards à profusion). Il allait jusqu’à le comparer au saint roi biblique David, qui possédait également un sérail. Ajoutons que le P. Cotton menait de son côté une vie très licencieuse.

Bref, en 1610, Henri IV fut tué par Ravaillac. Les faits sont trop connus pour que je veuille les retracer ici. Je rappellerai seulement que Ravaillac avait demandé, de son propre aveu, à entrer dans la Compagnie et qu’il fut en étroites relations avec le P. d’Aubigny, curé de Saint-Séverin. Mais ce dernier ne fut pas inquiété. La reine, Marie de Médicis, était pressée de gouverner, elle étouffa enquêtes et poursuites

Le P. du Lac a cherché à innocenter la Compagnie de la mort de Henri IV. Voici ses arguments : 1° Chatel n’accusa personne (cela prouve simplement sa fermeté de caractère) ; 2° les textes régicides trouvés chez le P. Guignard reflétaient des idées qui étaient alors courantes et l’on aurait pu envoyer en Place de Grève, dans ces conditions, « outre des milliers de bourgeois, tous les moines et curés de Paris et tous les professeurs de l’Université » (voilà un argument qui se retourne complètement contre la thèse du P. du Lac, car il montre que les idées régicides étaient celles de la presque unanimité du clergé) ; 3° si les Jésuites avaient été coupables, le Pape n’aurait pas manqué de les blâmer (le R. P. se moque de nous, Pape, roi d’Espagne et Jésuites avaient partie liée) ; 4° « Pourquoi l’aurions-nous tué ? Nous n’y avions aucun intérêt, il ne nous gênait pas… » (C’est l’argument le plus habile. Il faut pourtant se souvenir que Henri IV, au moment où il tomba sous le poignard de Ravaillac, se préparait à soutenir la guerre contre l’Autriche et l’Espagne, les deux puissances foncièrement catholiques. Or, les Jésuites étaient à la solde de l’Espagne. Donc…)

Autres exemples. — L’Angleterre fut également déchirée par les menées de la Compagnie.

Le pape Paul IV voulant enlever son trône à Elisabeth, les Jésuites fomentent des troubles, particulièrement en Irlande. Un attentat est perpétré contre la reine, par Guillaume Parry et la complicité du clergé (et même celle du nonce) fut établie.

Les Jésuites excitent ensuite l’infortunée Marie Stuart contre Elisabeth. Babington, poussé par l’ambassadeur espagnol et par le Jésuite Ballard, essaie à son tour de tuer Elisabeth. Il échoue et est supplicié avec douze de ses complices. Grâce aux Jésuites les Espagnols s’introduisent en Irlande, d’où ils furent chassés en 1601.

En 1603, nouveau complot contre Jacques Ier, fils de Marie Stuart, qui ne donnait pas satisfaction intégrale aux Jésuites. Le P. Watson est exécuté avec de nombreux complices.

Puis, c’est la conspiration des Poudres. Les Jésuites imaginent de faire sauter le Palais de Westminster au moment où le roi et la reine ouvriraient solennellement le Parlement. 32 barils de poudre sont entassés dans les caves mais le complot est découvert par un hasard fortuit. Les conjurés avaient tous des confesseurs jésuites. Le P. Gérard, qui avait célébré une messe pour lesdits conjurés, parvint à s’échapper.

Passons en Hollande. L’Espagne voulait abattre Guillaume de Nassau (dit « Le Taciturne » ), homme des plus remarquables. Plusieurs attentats successifs sont préparés par les Jésuites. Jaureguy le blesse gravement ; il est exécuté ainsi qu’un moine nommé Tinnermann, qui l’avait confessé et encouragé. Un autre assassin, Geraerts, parvint à tuer Guillaume. Il avait consulté cinq moines, dont quatre Jésuites, dont il refusa de donner les noms. Le clergé catholique des Pays-Bas chanta les louanges du meurtrier.