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eux, une opinion personnelle sur le geste incriminé, non de nuire au camarade qui l’a accompli.

On nous demandera si nous nourrissons l’espoir qu’il ne s’élèvera plus de conflits, qu’il ne naîtra plus de désaccords, de différends entre membres d’associations, entre associations même, quand ce ne serait que pour des cas non prévus par les clauses de l’entente volontaire qui règle leurs rapports mutuels.

Nous répondrons que ces cas seront réduits au minimum, le contrat d’association ou catalogue des conditions d’association spécifiant les attitudes mutuelles qui sont la raison d’être de l’association. Des termes du contrat il est facile de déduire la nature des actions qu’implique le but de l’association, les charges et les avantages proposés à chacun de ses membres. Une association anarchiste ne comprenant que ceux qui souscrivent à ses engagements, ceux qui ne les ont pas souscrits n’ont à s’immiscer en rien dans le caractère et la forme desdits engagements.

Admettons que deux unités humaines, deux associations (ou davantage) ne puissent solutionner un litige s’élevant entre eux. Acceptons qu’ils éprouvent le sentiment bien net qu’ils ne se trouvent pas, pour une raison ou pour une autre, dans la situation d’esprit voulue pour résoudre, avec toute l’impartialité désirable, le différend qui les sépare ; peut-être parce que, chez chacun de ceux qui se prétendent lésés, il y a de l’irritation, de la colère, du dépit. Quoi de plus simple, pour les parties adverses, que de s’en remettre chacune à un ami, à un compagnon, au courant des circonstances de leur cas, de leurs tempéraments, etc. Il est infiniment probable que l’avis de l’arbitre ou des arbitres s’approchera de très près de l’équité « mathématique ». Le conseil fourni par l’arbitre ou les arbitres (qui ne nourrissent d’animosité à l’égard d’aucune des parties en désaccord), en pleine possession de leur calme, départagera impartialement ou à très peu près les adversaires. D’ailleurs, s’ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent arriver à une conclusion satisfaisante, rien n’empêche les arbitres de s’en remettre eux-mêmes à un autre, choisi alors par eux sans aucune intervention de leurs commettants, qui fournirait une sorte d’avis de dernier ressort qui les mettra d’accord.

Nous ne voyons aucune diminution de dignité personnelle à reconnaître qu’il est impossible de régler soi-même tel différend qui vous sépare momentanément de votre semblable et de vous en remettre à un arbitre alors que vous le choisissez en dehors de toute contrainte étatiste ou obligation centralisatrice. Ici comme ailleurs, les individualistes anarchistes revendiquent pour la méthode qu’ils utilisent un caractère absolument et purement volontaire. — E. Armand.

JUGES. Les juges composant le Tribunal de Commerce sont les derniers magistrats élus.

Dans les villes où il n’existe pas un tribunal de commerce, le tribunal civil juge commercialement, c’est-à-dire applique au litige commercial les dispositions du code de commerce, et la justice n’en est pas moins rendue au justiciable, qu’il soit ou non commerçant. Sur appel, les jugements du tribunal de commerce sont déférés à la Cour d’appel, dont la compétence est générale et sans distinction. On peut trouver au premier degré de juridiction comme au second la même aptitude du juge pour le litige et la même adaptation du litige au juge.

Les juges du tribunal de commerce sont élus par tous les commerçants patentés ou associés en nom collectif, domiciliés depuis cinq ans dans le ressort du tribunal ; la loi ajoute à ces commerçants et associés, les directeurs de compagnies françaises, les agents de change, etc., etc. Nous ne saurions entrer dans la minutie de ces détails. La liste électorale est dressée pour chaque com-

mune par le maire assisté de deux conseillers municipaux. Ne peuvent être électeurs les condamnés privés de leurs droits civils et civiques, les faillis non réhabilités.

Le tribunal, dont le sectionnement vient d’être remanié, se compose de juges élus pour deux ans et de juges élus pour un an. Tout électeur inscrit peut être élu juge s’il est âgé de 30 ans, et tout ancien juge pourra être nommé président s’il est âgé de 40 ans. Tout juge sortant est rééligible, mais ne peut être réélu deux fois qu’après un intervalle d’un an entre ces deux réélections.

Venons aux juges qui composent le tribunal de première instance. Les magistrats appelés à composer le tribunal sont des juges, les magistrats appelés à composer la cour d’appel ou la cour de cassation ont le titre de conseillers

Peut être nommé juge tout citoyen français jouissant de ses droits civils et politiques, s’il est âgé de 25 ans et s’il satisfait aux conditions suivantes : être licencié en droit, justifier d’un stage de deux ans au barreau d’un tribunal. À ces exigences a été ajoutée la garantie d’un examen réglementé par la Chancellerie.

Le président du tribunal et les vice-présidents sont nommés par décret du président de la République comme les juges.

Le nombre des juges que compte un tribunal est fixé par les pouvoirs publics. Le tribunal, si son importance le comporte, est divisé en chambres. Le président est de droit président de chaque chambre ; la chambre qu’il ne préside pas effectivement est présidée par un vice-président. La nécessité s’étant fait sentir à Paris de diviser les chambres en sections, chaque section est présidée par un président de section. On appelle juge doyen dans chaque section le juge le plus ancien, si l’on se réfère à la date de sa nomination.

Le président du tribunal doit être âgé de 27 ans au moins.

Le tribunal doit être composé de trois juges au minimum. C’est une grave question, très vivement agitée, que de savoir si, pour la plus prompte expédition des affaires et l’évacuation d’un rôle encombré, il ne serait pas utile et opportun de créer le juge unique, composant à lui seul une juridiction du premier degré. Cette suggestion s’est heurtée à une opposition très vive et qui nous semble injustifiée. On semble craindre chez le juge unique sinon la partialité sans contrepartie, du moins l’entraînement sans contrepoids. La pratique démontre que, dans les tribunaux composés de trois juges, l’autorité du président absorbe souvent la personnalité de ses assesseurs, à moins qu’ils ne se coalisent, cas plus rares, paradoxe hiérarchique, contre cette autorité majeure.

On pourrait concevoir la création d’un rapporteur qui, placé auprès du juge, recevrait, en temps utile, avant les débats, les explications des parties et leurs pièces, examinerait l’affaire et, sans conclure, l’exposerait dans un rapport. Nulle pièce ne pourrait être introduite au débat que communiquée au rapporteur avant le rapport et par les soins du rapporteur, sous sa surveillance, à la partie adverse. Ce procédé ou cette procédure se rapprocheraient du système suisse qui, à cet égard, est excellent.

Les tribunaux de première instance comptent parmi leurs membres des juges suppléants. Les juges suppléants peuvent siéger, mais ne prennent part aux délibérations que s’ils sont appelés régulièrement à compléter le tribunal. Quand, par l’empêchement d’un juge appelé à siéger, le tribunal n’est pas complet au nombre de trois juges, il peut se compléter soit en faisant appel à un juge d’une autre chambre ou à un juge suppléant devenu nécessaire, soit en faisant monter au