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La colline sur laquelle s’élève le Kremlin a été habitée des siècles avant l’apparition des Princes de la famille de Rurik, en 1147, car dans les fouilles exécutées pour la construction d’un arsenal en 1847, on a découvert des objets d’une très haute antiquité, tels que ceux qu’on a trouvés dans les tumulus scythes. Dans d’autres endroits de la colline on a trouvé des objets remontant au neuvième siècle de notre ère.

De nombreuses traditions, toutes plus ou moins sans fondement, existent sur l’origine de Moscou et même sur celle du nom de la ville. L’historien Zabéline (Istoriya Goroda Moskvou) croit que ce nom viendrait d’une corruption du mot mostok (petit pont), au pluriel mostkvy, méchants petits ponts, qui auraient existé par dessus les marécages de la rivière Smorodina qui prit plus tard le nom de Moskva réka. Le mot most paraît dans beaucoup de noms de villages, de ruisseaux, dans bien des provinces de la Russie, sous diverses formes. On peut donc admettre que Moskva est une forme de Moskvouy (Mostkvy). Le mot français Moscou, n’est que l’accusatif du mot Moskva. Les Français entendant : yédou v Moskvou (je vais à Moscou), ont simplement adouci la prononciation de cet accusatif.

Quelques-unes des traditions ecclésiastiques font remonter l’origine de Moscou à Mossokh, fils mythique du non moins mythique Japhet.

En réalité on ne sait pas exactement quand fut fondé le Kremlin, cet oppidum, autour duquel s’est construite une ville, une agglomération de cabanes qui est devenue la capitale de la Russie.

Les grands Princes de la Rouss, autrement dit de l’Ukraine, dans leurs incessantes guerres intestines ont dû se rendre compte de l’avantage qu’il y avait pour eux de posséder une place fortifiée sur le bord d’une petite rivière navigable, au centre des pays qu’ils traversaient dans leurs expéditions. C’est probablement pour cela qu’ils choisirent la colline rocheuse qui dominait la rivière. Les flancs de la colline ont été peu à peu rongés par les érosions de la Moskva,

En 1156, le prince Yourii Dolgorouki, transforma son village en une ville (oppidum, grad.) en entourant le sommet de la petite colline d’un rempart de bois, qui servait de défenses contre les Lithuaniens conquérants et contre les républicains de Novgorod. Bientôt les remparts furent entourés de toute une série de petits hameaux, c’est de ce moment que date le nom de Moscovites ; car en 1176, déjà nous voyons une troupe de Moskovlianes, ou Moskiévlyanes accompagner leur prince Michel Youriévitch contre la ville de Vladimir, son suzerain, mais, repoussé, Michel Youriévitch dut rentrer dans ses foyers. L’année suivante le prince de Ryazan, Glièbe, attaqua le Kremlin qu’il incendia avec tous ses faubourgs. Ce fut le commencement des innombrables incendies qui y éclatèrent jusqu’au commencement du xixe siècle.

En 1214, Moscou fut assiégée et prise, et le prince dut se rendre à discrétion. En 1238, la ville fut prise et incendiée avec toutes ses églises et tous ses monastères. En 1293, elle fut prise par les Tartares ainsi que les quatorze villes qui formaient la principauté de Vladimir. Relevé de ses cendres, le Kremlin fut pourvu de meilleurs remparts, mais les princes de la périphérie continuaient à l’attaquer et toute l’histoire de Moscou au xive siècle fut une suite ininterrompue de combats, tantôt victorieux, tantôt désastreux.

En 1326, fut érigée au Kremlin la première église de briques, les temples de bois y étaient en grand nombre, ce qui servit à rendre Moscou une ville sacrée, tous les princes se faisant un devoir d’élever des sanctuaires.

En 1335, le Kremlin fut dévasté par un incendie ; en deux ans, on avait pu reconstruire 13 églises qui toutes

furent incendiées en 1337. En 1343, nouvel incendie qui détruisit 18 églises.

Les anciens chroniqueurs appuient surtout sur les églises, car aussitôt qu’un groupement de maisons toutes de bois s’élevait, on construisait un temple dédié à quelque saint. C’est ainsi que la tradition parle des Çorok, çorokov églises de la « bélaya kamennaya Moskva » (quarante fois quarante églises de Moscou aux pierres blanches), mais c’est une forte exagération, car de nos jours même, dans l’immense étendue de la ville actuelle, il n’y a guère que 600 églises.

Vers 1370, un mur de briques très élevé entoura le Kremlin proprement dit et le sépara du reste de l’agglomération. Ce mur servit à repousser les ennemis. Les Lithuaniens commandés par le grand chef Olgherd l’assiégèrent. Les Tartares de la Horde d’Or, conduits par Mamaï dévastaient le pays, dont les paysans se réfugièrent derrière les murs du Kremlin. Mamaï mourut, et Fakhtamoniche, rassemblant une énorme armée, marcha sur Moscou qu’il assiégea. Les habitants qui croyaient aux miracles des saints, sortirent des portes en portant des images saintes, ils pensaient qu’à la vue des miraculeuses images l’ennemi s’enfuirait, mais les musulmans s’élancèrent, et passèrent au fil de l’épée un grand nombre de paisibles citoyens ; ils pillèrent les églises. Le grand prince dut se reconnaître tributaire. Moscou devint donc sujette des Tartares et le tribut fut payé jusqu’à Jean le Terrible.

Pour empêcher les armées romaines d’avancer, les Scythes incendiaient le pays, et pour arrêter les Tartares on avait incendié tous les villages, c’est la tactique que les Russes employèrent en 1812, lors de la grande invasion de Napoléon. Elle était dans les mœurs du peuple.

Pendant la guerre mondiale les armées impériales russes ont incendié tous les villages de la Lithuanie pour empêcher les progrès des armées allemandes et autrichiennes.

Moscou fut encore une fois brûlée en 1390, en 1393, en 1415. À peine incendiée la ville renaissait. Huit ans après l’invasion de Fokhtamoniche, le Kremlin était déjà entouré de mille maisons, mais la mémoire des atrocités commises par les Tartares ne s’est jamais effacée, elle a passé en proverbe. Nous ne continuerons pas l’histoire du Kremlin qui était devenu le centre d’une grande ville devenue elle-même la capitale d’un royaume.

Jusqu’au transfert de la capitale de l’empire à Saint-Pétersbourg par le fondateur de cette nouvelle cité, Pierre Ier, après 1703, le Kremlin resta le siège du gouvernement, le centre de la vie politique, religieuse et intellectuelle de la Russie. Depuis lors jusqu’à la révolution bolcheviste, ce fut une décadence graduelle du Kremlin. On y conserva pourtant une partie du Sénat, qui n’était qu’un des rouages de l’administration impériale. Le Kremlin restait cependant le symbole de la puissance russe, puisque les tzars devaient s’y faire couronner et sacrer. Après la révolution de 1906, Nicolas II dut encore renforcer le pouvoir de Saint-Pétersbourg en y fixant le siège de la Douma d’Empire, le nouveau parlement sorti de la grève générale, de la défaite des Russes par les Japonais et de la première révolution populaire.

Pendant la guerre mondiale, Saint-Pétersbourg, à qui le gouvernement avait enlevé son nom allemand pour lui substituer la traduction russe — Petrograd — était menacé par les Allemands et les armées blanches réactionnaires. Les émeutes des marins de Kronstadt furent le signal d’une nouvelle révolution, Nicolas II fut forcé d’abdiquer, c’était le triomphe de la révolution politique.

La Constituante fut convoquée, mais elle ne put siéger qu’un jour, pendant lequel fut votée une loi qui éta-