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leur entrée à Moscou, pourtant ils sont restés plusieurs mois dans cette ville. Un historien a même écrit que ce n’est pas Rostoptchine, père de Mme de Ségur (auteur des Mémoires d’un âne et d’une vingtaine de livres pour les enfants), qui a incendié la ville par stratégie antique, mais que ce sont les soldats français qui ont détruit les maisons pour se chauffer et que leur imprudence a incendié les quartiers populaires, laissant intact l’intérieur du Kremlin, avec ses temples, ses musées, etc.

Un célèbre peintre russe Véréstchaghine a peint un tableau où Napoléon entouré de flammes est sauvé par le dévouement de ses vieux grognards. C’est une pure invention, Napoléon quitta tout tranquillement le Kremlin pour battre en retraite sur Smolensk et Malo Yaroslavetsk, où il fut repoussé. Sa terrible retraite de la Bérésina a donné naissance à d’innombrables légendes plus ou moins apocryphes. Un fait certain pourtant c’est que l’empereur abandonna lâchement ses troupes poursuivies par les Cosaques et mourant de faim et de froid.

Une des curiosités du Kremlin, c’est la tour Ivan Veliki (Jean le Grand), construite vers 1600, sous le tzar Boris Godounov. Elle se compose de 5 étages dont 4 octogones, le dernier cylindrique. On y remarque 34 cloches dont la plus grande, celle de l’Assomption, pèse quatre fois plus que la grosse cloche de Rouen. Les jours de fête, surtout la veille de Pâques, elles sont sonnées ensemble et le son s’étend bien loin. Il ne faut pas confondre la grosse cloche d’Ivan Veliki avec la fameuse grande cloche de Kremlin (Tzar Kolokol). Celle-ci pesait plus de 222.000 kilos lorsqu’en 1731 elle tomba par suite d’un incendie. Elle se brisa en tombant et s’enfonça

dans la terre. En 1836 Nicolas Ier la fit poser sur un piédestal de ciment. La hauteur en est de près de 7 mètres, l’épaisseur de 60 centimètres, la circonférence a plus de 20 mètres. Beaucoup de personnes peuvent s’y tenir debout. Des bas-reliefs religieux et des portraits du tzar Alexis et de l’Impératrice Anne ornent le bas de cette cloche colossale.

Une autre curiosité est le tzar poushka (roi des canons). C’est une énorme pièce de bronze, avec une gueule monstrueuse où l’on enfonçait des boulets ronds, mais qui probablement n’a jamais été tirée. Ce monstre est placé sur des roues de bronze, il est entouré d’un tas de boulets ronds.

Il paraît qu’on hospitalise au Kremlin bien des vieux révolutionnaires, même des anciens combattants de la Commune de Paris.

En terminant cet article, je voudrais espérer que les maîtres du Kremlin ont enfin compris que ce n’est pas par des fusillades qu’on fonde une société nouvelle, où les iniquités sociales feront place à la solidarité, à la paix sociale, au progrès sous toutes ses formes. Les bolcheviks ont déjà fait faire d’immenses progrès aux écoles, aux instituts scientifiques ; ils ont fondé des musées de toutes sortes où le travailleur peut s’instruire et développer son intelligence, mais cela ne suffit pas, il faut que le pays ne soit plus jamais menacé par la famine ; il faut que les terres appartenant à la communauté ne puissent plus tomber entre les mains des Koulaks (exploiteurs paysans, usuriers). Il faut surtout que l’organisation sociale soit un acheminement vers la vraie liberté. — G. Brocher.