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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/564

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LAB
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LABORATOIRE n. m. (du latin laboratum ; de laborare, travailler, rad. labor). Se dit d’un local disposé en vue d’un travail défini et muni des instruments et appareils appropriés. S’emploie plus particulièrement pour désigner les ateliers spéciaux où se font des travaux et recherches scientifiques, des opérations et expériences de chimie, de physique, de biologie, de physiologie, d’électricité, etc. Le cabinet de travail d’un écrivain, d’un chercheur érudit, peut être, en ce sens et par extension, son « laboratoire ». Aux lieux où s’accomplissent des transformations, des combinaisons similaires s’applique aussi, par analogie, l’expression de laboratoire : au sein de la terre, parmi les éléments en perpétuelle modification, fourmillent les laboratoires naturels.

A côté des usines de produits chimiques ou métallurgiques, pour les besoins de leur production, nombreux sont de nos jours les grands établissements scientifiques ou d’instruction munis de laboratoires ouverte à l’enseignement. Depuis le sanctuaire mystérieux de l’alchimiste, aux fourneaux inquiétants et au mobilier symbolique, et les premiers cabinets du physicien où se déroulaient plutôt des fantaisies de physique amusante, le caractère des laboratoires s’est curieusement et puissamment modifié. Un matériel toujours accru y facilite des investigations savantes, vérificatrices et créatrices. Ici les éprouvettes, les cornues, les creusets, les alambics, les bocaux, les balances et les chalumeaux, là les seringues à injections, les sondes, les scalpels, les appareils électro-physiologiques, etc. Une technique toujours plus fouillée et étendue préside, avec le concours d’instruments de précision, à des expériences riches d’imprévus, grosses de conséquences incalculables. On peut dire qu’aujourd’hui une curiosité permanente surveille les révélations de laboratoires singulièrement actifs et que toute une vie artificielle, à dessein suscitée, y palpite sous la volonté du cerveau humain peu à peu enrichi et fortifié de con naissances, appuyé sur de solides jalons.

« Il n’y a pas de plus beau spectacle, dit Larousse, que celui d’un laboratoire fréquenté par des gens ardents, curieux, amoureux de savoir, disposés à tous les sacrifices, pourvu qu’une telle abnégation profite à la science, enchaînes aux longueurs d’une besogne rebutante et souvent périlleuse, attentifs à toutes tes voix quelquefois imperceptibles qui se peuvent faire entendre dans ce sanctuaire de l’investigation. Le vulgaire est étonné quand il entre dans ces chambres encombrées et souvent infectes, où les ustensiles de toute forme et les ingrédients de toute couleur sont là dans le feu, ici dans la glace, ailleurs dans les chairs sanglantes ou putréfiées, employés à produire quelque résultat ou à révéler quelque mystère ; où l’observation épie, provoque, accélère, ralentit, mesure les mouvements et les manifestations phénoménales, où le théoricien soumet au contrôle de l’expérience les conceptions nées dans les embrasements de son foyer cérébral et assiste, anxieux et ému, au duel de l’inexorable fatalité extérieure avec les aperceptions de cette fatalité intime qu’on appelle la pensée. »

Le nombre des « initiés » aussi s’est accru et si le nombre encore restreint de ces chambres d’étude et le cercle de la jeunesse prenant part à leurs séances est trop minime à notre gré, si l’abord même des laboratoires revêt une solennité trop distante et comme religieuse, nous concevons une ère où, librement accessibles à une progéniture admise enfin au savoir légitime, ils seront le pivot d’une culture vivante et familière… Le laboratoire sera le soutien animé de l’éducateur, et s’y contrôleront, pour tous — et hors des pressions de l’égoïsme et des calculs de l’intérêt — tant de notions aujourd’hui abandonnées à la souveraineté du dogme.

Pour souligner l’importance pratique — déjà réalisée — des laboratoires, signalons que « leur office n’est pas borné à la découverte des lois spéculatives et des vérités abstraites. Ils sont le champ où germent les inventions fécondes et les applications brillantes qui engendrent la richesse des nations. La science des laboratoires a substitué à l’empirisme des anciennes industries des procédés rationnels, et une certitude réfléchie aux tâtonnements séculaires des arts utiles. On ne citerait pas une grande application industrielle qui n’ait sa source dans un laboratoire et bien souvent, la découverte qui a provoqué une telle application a semblé tout d’abord inutile et vaine au point de vue du profit matériel » (Larousse). Et quand on songe à tout ce qui pourrait rejaillir de bienfaisant, pour la collectivité, de tant de découvertes détournées de leur portée générale au seul avantage de bénéficiaires isolés, quand on sait qu’elles favorisent, la plupart du temps, de grotesques et malsaines fortunes individuelles là ou tant d’humains trouveraient un soulagement à leurs maux, un allègement à leurs tâches pénibles, une détente à des conditions de vie déprimantes, avec quelle impatience n’essayons-nous pas de découvrir les symptômes si rares encore, d’une conséquence, d’une utilisation rationnelle et humaine des apports précieux de l’activité des laboratoires.

Parmi les laboratoires parisiens, qui sont en France les plus marquants (notons à part les laboratoires d’études naturalistes situés aux abords des côtes, tels ceux de Roscoff, Concarneau, Villefranche-sur-Mer, Banyuls-sur-Mer, Wimereux, etc.), citons celui de l’École pratique de la Faculté de médecine, centre des études de physiologie et d’anatomie générale où travailla Robin, celui du Collège de France où le grand physiologiste Claude Bernard fit ses principales découvertes, où vint aussi Magendie. Le laboratoire de l’École de médecine connut les recherches triomphantes de Wurtz sur les ammoniaques, les glycols, les urées composées, etc., et vit passer les Lieben, les Craft, les Harnitz-Harnitzkv, les Oppenheim. Quoique plus spécialement affectés à l’enseignement, les laboratoires de l’École normale supérieure, de la Sorbonne, de l’École de Pharmacie ont été les témoins des travaux des Sainte-Claire-Deville (sur la fusion des métaux et la dissociation des vapeurs), des Pasteur sur les fermentations). Les Thénard, les Gay-Lussac ont travaillé dans ceux de Polytechnique et de la Sorbonne. C’est à celui de l’École de Pharmacie et du Collège de France