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comme à la tranquillité du monde. Les exemples abondent de parvenus, enfants du peuple, qui furent les oppresseurs de leurs frères.

Et je m’élevais contre le mur de la vie privée qui dissimule légalement toutes les lâchetés de nos politiciens. « Celui qui n’aspire point à commander les autres n’a pas à subir leurs critiques : il a droit au silence et à la paix. Médisance et calomnie empoisonnent déjà trop d’existences pour qu’il soit utile d’accorder une prime à la délation. Mais, lorsqu’il s’agit d’un homme qui aspire à devenir l’arbitre de la destinés des autres, ce mur de la vie privée n’a plus de raison d’être. Quiconque a le droit d’être renseigné sur la moralité profonde du législateur ou du juge qui dispose des biens, de l’honneur, de la vie même de ses concitoyens. N’est-il pas inadmissible que les gouvernants, dont les moindres désirs ont des répercussions si redoutables, prétendent se soustraire au contrôle des faits et gestes les plus révélateurs de leur mentalité vraie ? Et dire que tous les partis politiques s’accordent pour perpétuer cette sinistre farce ! » Inutile d’ajouter que les bons apôtres de la Chambre et du Sénat sont trop adroits pour se soumettre à un contrôle permettant de mesurer leur degré d’hypocrisie. On sait que le monde politique est par excellence celui de la veulerie.

L’Église, toujours experte dans l’art d’utiliser les vices, a su tirer également un merveilleux parti de la lâcheté coutumière du bipède humain. Pour se faire obéir au doigt et à l’œil, elle fabriqua l’enfer, vaste rôtissoire, où le Dieu de Miséricorde s’occupe à cuire éternellement ses créatures mises à la broche. Quant au purgatoire d’où les prêtres vous tirent à volonté, il permet d’extorquer mille dons, mille aumônes des fidèles apeurés. Et c’est dans l’esprit incapable de critique, dans le cerveau tendre de l’enfant que l’on dépose ces monstrueuses insanités ; sans action sur l’homme réfléchi, elles s’impriment dans l’imagination horrifiée des jeunes et durent dans l’inconscient, prêtes à revenir aux instants de faiblesse ou à l’heure des dissolutions finales. En réclamant pour elle seule le droit d’enseigner, l’Église montre qu’elle ne s’illusionne pas sur la vraie raison d’être de son autorité. Quoiqu’elle dise aux dévotes, elle n’attend rien de Dieu ; elle attend tout de la déformation imprimée, dès la première heure, au cerveau des enfants que lui confient des parents insensés. Car la foi disparue, les dogmes mis en doute, elle sait qu’une peur instinctive persistera presque toujours chez celui qu’elle a façonné. Les néo-catholiques, si nombreux dans la bourgeoisie, la presse, l’Université, et qui détiennent le monopole des honneurs académiques, nous présentent la religion tout au moins comme une poésie respectable, qui soutient le faible et enchante l’âme du fort ; ils s’en tiennent à l’enseigne de la boutique et ne voient pas qu’elle est pleine de reptiles hideux. Au fond l’homme religieux n’est qu’un lâche ; Dieu règne par la peur ; le servilisme habite l’âme de l’immense majorité des croyants. — L. Barbedette.


LACONISME n. m. (grec laconismos). Brièveté d’élocution qui parfois nuit à la traduction de la pensée et rend cette forme inférieure en exactitude aux tournures explicites. Le laconisme peut constituer une insuffisance d’expression au contraire de la concision qui est une concentration gravitant autour de l’essentiel. Cependant il en diffère surtout en ce que cette dernière a pour contraire la diffusion plutôt que la longueur du discours. Dans l’antiquité, notamment, qui en fut le berceau, le laconisme était riche des qualités qui confèrent à un exposé resserré la puissance et la rapidité. Le laconisme était moins négligence, satisfaction d’àpeu-près que recherche assidue d’une forme enfermée dans les limites de l’indispensable et qui, avec énergie

et sans dispersion oiseuse, épouse le sujet et s’applique à atteindre le but. On ne peut demander au laconisme que des vertus utilitaires et non les attributs qui font le charme du style. Les beautés littéraires, comme en comporte par exemple la phrase limpide et brève d’un Voltaire ou le tour ramassé, lapidaire de nos auteurs de maximes sont étrangères aux propos laconiques et ne les habitent que par accident. Le laconisme s’accompagne inévitablement de sécheresse et de froideur et ne peut s’embarrasser des figures rythmées de la narration. Il convient éminemment aux proverbes, aux sentences, aux devises armoriales, aux inscriptions monumentales. Deux écueils, d’autre part, menacent le laconisme : l’obscurité et l’affectation.

Le mot tire son origine de la réputation qu’avaient d’en faire usage, avec un à-propos tout particulier, les peuple de la Laconie, voire les Lacédémoniens, les Spartiates. L’esprit du « multa paucis » est l’essence même du laconisme et devrait inspirer la manière de nos orateurs. Si les joutes du prétoire devenaient laconiques, si les assemblées parlementaires, notamment, si fécondes en prolixes stérilités, introduisaient dans leurs délibérations un laconisme rigoureux, c’en serait fini de cette grandiloquence pompeuse et vide, qui auréole la vanité des champions de l’éloquence. Mais un Parlement pratique, aux séances de labeur précis et aux échanges expurgés de fioritures oratoires, aurait la valeur symbolique d’une révolution.

Pour revenir aux sources et fixer notre définition par quelques exemples, rappelons que les Lacédémoniens usaient parfois de monosyllabes décisifs. Si (non) répondirent-ils à Philippe de Macédoine les sommant de lui ouvrir l’accès de leur territoire et les menaçant, s’ils s’y refusaient, de tout mettre à feu et à sang. Léonidas réplique à Xerxès, qui lui ordonnait de rendre les armes : « Viens les prendre ! » On cite aussi comme des modèles du genre le veni, vidi, vici (je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu) de César et le « Sinon, non » des Aragonais, lors de l’investiture de leurs rois… « Ea rus » (je pars à la campagne), écrivait, à la suite d’un défi, Voltaire à Piron. « I » (va), répondit Piron, que son laconisme majeur faisait vainqueur du tournoi. — L.


LACTÉE (Voie), n. f. (lactée, du latin lactis : lait). Dans la bande blanchâtre qu’on aperçoit pendant les nuits sereines, suspendue sur la voûte céleste, la mythologie grecque, écho poétisé du balbutiement de l’homme primitif, a voulu voir quelques gouttes de lait tombées du sein de Junon allaitant Hercule.

Fable, miracle, religion, en un mot ignorance doublée de crainte, voilà ce qui est à l’origine de l’interprétation des phénomènes de la nature et des rapports de l’homme avec le monde environnant.

Les siècles et les millénaires ont rétréci, tout en allongeant au delà de nos conceptions, la vision du ciel étoilé que la découverte du télescope et du spectroscope commencent à préciser.

Pour la science contemporaine, cette bande blanchâtre est notre Voie Lactée, dont le grand Herschell a été le Christophe Colomb et où on compte déjà plus de deux milliards de soleils. (Dans un espace de quinze degrés de long sur deux de large, Herschell a dénombré jusqu’à 50.000 étoiles et le nombre s’accroît à mesure avec la puissance des télescopes).

Du fait que nous voyons cette bande blanchâtre de toute la surface de la rotondité de la Terre, il ressort, d’une évidence mathématique, que notre Soleil avec toutes ses planètes est profondément plongé dans la Voie Lactée.

La Voie Lactée est une immense agglomération de soleils ou d’étoiles, à forme lenticulaire, d’une longueur d’au moins 25.000 et d’une épaisseur de 5.000 années de