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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/613

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tôt de tous vos préjugés religieux et politiques. Soyez hommes libres, et ayez confiance en la nature de l’homme libre : ses plus grands vices lui viennent du pouvoir qu’il exerce sur ses semblables ou du pouvoir qu’il subit. » (Kropotkine, Un siècle d’attente)

L’État, qu’il soit de « droit divin » ou issu des majorités, est toujours le mécanisme d’oppression de la classe possédante. Il n’a d’autre but que de garantir l’exploitation des richesses et des individus par ceux qui se sont approprié le sol et les instruments de travail.

La liberté du pauvre, du prolétaire, n’est que la liberté de crever de faim. L’égalité devant la loi n’est que la puissance policière et armée au service des possédants, ceux-ci faisant seuls les lois.

L’économie politique (V. Leroy-Beaulieu, Bastiat, etc.) étudiait les phénomènes de la production des richesses et de leur répartition en partant de ces prémisses « libérales » que cela est de droit naturel, que cela est très bien, et qu’il n’y a qu’à « laisser-faire » ; devant l’absurdité de ces méthodes et le néant des résultats devant le paupérisme moral et matériel persistant la science sociale est née, qui ne se contente pas d’étudier les phénomènes sociaux, mais qui en dénonce les erreurs et propose une nouvelle économie plus rationnelle, plus humaine, tendant à réaliser les aspirations vers le bonheur, qui propulsent l’effort des individus.

Contre le nationalisme des libéraux, la science sociale dresse l’internationalisme, l’antipatriotisme, faisant ainsi disparaître les guerres et annulant la grande dispute des « protectionnistes et libre-échangistes ». Face à l’appropriation individuelle du sol et des instruments de travail, source de privilège et d’oppression, elle propose l’appropriation collective du sol et des instruments de travail, laissant au producteur la libre disposition de ses produits. À la réglementation politique des nations, à l’État, elle entend substituer le libre contrat des individus, l’association. Enfin, aux vieilles métaphysiques, elle oppose la libre recherche des cerveaux dans tous les domaines : la science. « La civilisation qui naquit en Europe après la chute des civilisations imprégnées du despotisme asiatique, a mis quinze cents ans pour se débarrasser des entraves que l’Orient lui a laissées.

« Non seulement elle eut à repousser les invasions armées de l’Orient, à arrêter le flot des Huns, des Mongols, des Turcs et des Arabes qui envahissaient ses plaines et ses presqu’îles, elle eut aussi à combattre les conceptions politiques de l’Orient, sa philosophie, sa religion. Et, dès qu’elle commença à s’en affranchir, elle créa d’un bloc cette science moderne qui lui permit en un siècle de changer la face du monde, de centupler ses forces, de trouver la richesse dans le sol, de contempler l’univers sans crainte. Elle a brûlé les fétiches importés de l’Orient : Dieu, gouvernement, propriété privée, loi imposée, morale extérieure. La pensée affranchie ne les reconnaît plus.

« Reste maintenant à les brûler en réalité, après les avoir brûlés en effigie. Reste à démolir cet échafaudage qui étouffait la pensée, qui empêche encore l’homme de marcher à la liberté. Et ce problème, l’histoire nous l’a imposé, nous, hommes de la fin du xixe siècle.

« Les siècles ont travaillé pour nous. Forts de leur expérience, nous pouvons, nous devons, nous montrer à la hauteur de notre tâche historique. » (Kropotkine, op. c.). — A. Lapeyre.


LIBERTÉ n. f. (latin libertas, de liber, libre). définitions, acceptions. État, condition d’une personne qui n’est pas la propriété de quelqu’un, d’un maître. « La liberté des personnes a déterminé la chute du régime féodal. » (Proudhon). État d’un peuple ou, plus exacte-

ment, jusqu’à nos jours, d’un État qui ne subit pas la domination étrangère. « Un millier de Grecs combattant pour la liberté, triomphèrent d’un million de Perses. » (Vergniaud). État de qui n’est pas captif, prisonnier : donner la liberté à un oiseau, rendre la liberté à un condamné, le libérer. Faculté d’agir qui n’est entravée ni par une autorité arbitraire ni par des lois tyranniques : c’est le sens courant du mot liberté dans le domaine politique. Nous verrons, nous avons vu déjà qu’il n’y a pas d’autorité sans arbitraire, de lois sans tyrannie, et que la liberté politique est un leurre au sein des systèmes qui demandent à ces principes et à ces formes leur justification et leur stabilité. Nous verrons aussi qu’il n’y a pas de liberté politique sans liberté sociale et sans liberté individuelle (voir ces mots) que la liberté, pour des hommes vivant en société, est un tout connexe et qu’il est vain de proclamer pour l’individu une liberté et des droits si les conditions qui les permettent ne sont pas réalisées ; si le milieu social ne leur en garantit la possibilité de fait et ne leur en assure l’exercice : « L’empire de la raison publique est le vrai fondement de la liberté. » (J.-J. Rousseau). « La liberté d’agir sans nuire ne peut être restreinte que par des lois tyranniques. » (Turgot). « L’esprit soldatesque est la gangrène de la liberté. » (X. de Maistre). « L’esprit public, qu’on attend pour permettre la liberté, ne saurait résulter que de cette liberté même. » (Mme de Staël). « La plupart des peuples ont des libertés, mais peu jouissent de la liberté. » (Ch. Comte). « La liberté est le pain que les peuples doivent gagner à la sueur de leur front. » (Lamennais). « La liberté serait un mot si l’on gardait des mœurs d’esclaves. » (Michelet). Faculté spéciale d’accomplir des actes d’une certaine nature : liberté de la presse, des transactions, etc… « La liberté de l’enseignement est une garantie nécessaire de la liberté de conscience. » (Vacherot). Absence d’entraves, de contrainte. « Le sexe aime à jouir d’un peu de liberté : on le retient fort mal avec l’austérité. » (Molière). Indépendance de position, loisir : mes travaux ne me laissent pas assez de liberté. Absence d’obstacle qui gêne les mouvements : un ressort qui ne joue pas avec la liberté nécessaire. Franc parler, propos, action hardis ou d’une excessive familiarité : prendre avec quelqu’un des libertés. Faculté de l’âme par laquelle elle se détermine par son propre mouvement ; liberté est ici synonyme de libre-arbitre. « La liberté est l’antagoniste de tout ce qui est fatal. » (Proudhon). « La liberté n’est que l’intelligence qui juge, qui délibère, qui choisit. » (Flourens). « La liberté de l’homme n’est que le pouvoir de vouloir, ce n’est pas la faculté d’agir. » (A. Garnier). Liberté naturelle, celle que l’homme possède de par sa nature, son origine, selon la thèse de certains philosophes. « la liberté sort du droit de nature : l’homme est né libre. » (Chateaubriand). Liberté morale, celle qui est la base, la condition de la moralité : d’après Kant, pour satisfaire à l’obligation morale, la liberté est nécessaire. Liberté individuelle : garantie du citoyen de ne pas être inquiété quand ses actes sont en accord avec les lois du pays ; au-delà de ce droit commence l’arbitraire que les gouvernants, gardiens officiels de la légalité, ne se font pas faute d’introduire dans les limites mêmes des lois quand ils jugent celles-ci insuffisantes pour leurs desseins : la liberté individuelle est encore aujourd’hui à la merci de la « légalité » souveraine du bon plaisir de nos maîtres. Liberté de conscience, des cultes, etc…, absence de contrainte dans le domaine des croyances, droit de pratiquer les rites de sa religion préférée, etc… « La liberté de conscience, comme celle d’écrire, comme celle de commercer a eu son berceau en Hollande » (E. Laboulaye). Liberté d’esprit : affranchissement des préoccupations qui gênent les fonctions de l’intelligence…, etc. — L.