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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/64

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EMA
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qui nous gêne, mais, cependant, il est des sujets qui ne sont pas éludables et qui, tôt ou tard, s’imposent. La question sociale est de ceux-ci. Des deux côtés de la barricade, du côté des travailleurs comme du côté du capital, on a longtemps négligé l’âpreté de la lutte ; aujourd’hui, ce n’est plus possible, les événements ne le permettent pas et il faut prendre position. La question sociale ne peut plus être éludée, car la bataille entre les opprimés et les oppresseurs devient d’heure en heure plus serrée et tous y seront entraînés de gré ou de force.


ÉMANATION (n. f. du latin emanatio, effusion). Action par laquelle les substances volatiles se détachent des corps animaux, végétaux ou minéraux et dégagent des fluides impondérables sans qu’aucune décomposition n’apparaisse sur les corps qui les produisent.

Toute odeur est le produit d’une émanation et il est des émanations qui sont dangereuses. Les fleurs dégagent des émanations.

Au sens figuré, l’émanation est la conséquence, l’effet d’une chose, d’un objet, d’un sujet. Émaner signifie tirer sa source de, tirer son origine de. La liberté émane de la volonté, du courage et de l’éducation des hommes. L’émancipation est l’émanation de la lutte entre les maîtres et les esclaves.


ÉMANCIPATION (n. f.) D’origine latine, de emancipatio, provenant du radical mancipium, esclave). Émanciper quelqu’un, c’est lui enlever le joug qui l’asservissait, le rendre libre, dégagé de toute servitude. S’émanciper, c’est se libérer, se dégager par ses propres efforts. Le mot émancipation signifie le passage de l’état d’asservissement à celui de liberté, l’acte de libération d’un individu, d’une nation, d’une classe.

Émancipation des mineurs. — Les enfants des deux sexes sont, par la morale courante, et encore plus par le Code, sous la dépendance étroite et l’autorité absolue des parents et surtout du père. Combien de fois les parents s’imaginent que la tutelle naturelle qu’ils doivent remplir vis-à-vis de leur progéniture leur donne des droits absolus non seulement sur le présent, mais sur l’avenir de celle-ci ? S’il est normal que l’enfant ait besoin d’être instruit, conduit, guidé, autant qu’aimé et choyé, c’est outrepasser les conditions naturelles de relations entre parents et enfants que de transformer la tutelle en domination, de déterminer, par exemple, quels seront les goûts futurs, la profession, et même les idées des petits. Sous le nom de traditions familiales, les préjugés les plus conservateurs et réactionnaires sont imposés à l’intelligence enfantine. À peine sont-ils arrivés dans l’existence qu’on les enferme dans une caste, qu’on les voue à certaines croyances, qu’on leur fixe d’avance leur vie future. Seule, une minorité, une élite, saura réagir par la suite. Les partis de conservation et de réaction comptent sur cela, et savent que, tenant l’enfance enfermée à travers la famille dans leurs préjugés, ils lient ainsi par avance la grande majorité des cerveaux humains. Il y a là évidemment un abus du droit des parents qu’on ne condamnera jamais trop. L’éducation et l’enseignement futurs s’occuperont davantage de donner aux petits l’instruction et le goût de l’initiative destinés à en faire des hommes de progrès, des individus libres, et non plus des prisonniers à vie des conceptions paternelles ou maternelles. D’ailleurs, on peut noter avec satisfaction que, dans la pratique de la vie familiale, la rigueur de l’autorité paternelle tend continuellement à s’adoucir, à se restreindre. Là comme ailleurs, la loi écrite, le Code, suit de très loin l’évolution de la morale humaine. En effet, nous en sommes encore à la vieille conception du droit

romain. L’enfant mineur est, légalement, sous la dépendance absolue des parents. Il n’est émancipé que par la majorité (21 ans) ou par le mariage. Le Code prévoit bien qu’il suffit d’une déclaration du père et de la mère devant un juge de paix, pour émanciper un enfant à partir de 15 ans, ou s’il est orphelin, d’un conseil de famille présidé par un juge de paix pour l’émanciper à 18 ans. Dans la réalité, on ne se sert plus guère de ce formalisme juridique, et bien des jeunes gens s’émancipent de par leur volonté ou avec le consentement tacite des parents. L’idée qu’un enfant est appelé à vivre son existence comme il l’entend gagne du terrain chaque jour en dépit des juges et législateurs et de leurs lois.

Cette évolution dans la morale se complètera par l’institution d’œuvres sociales au profit de l’enfant, quand la société humaine prendra toutes dispositions pour élever, instruire, les générations à venir, chose qui n’est nullement contradictoire avec l’amour paternel et maternel, tout au contraire, les parents pouvant s’associer pour organiser et contrôler les œuvres enfantines. Jadis, l’enfant naissait esclave de ses parents qui avaient sur lui un droit de vie et de mort, et disposaient à l’avance de sa vie. Demain, l’enfant sera destiné à être un homme libre et élevé avec la préoccupation constante de sa liberté.

Émancipation de la femme. — Nous retrouvons ici le même problème que pour l’enfant. Dans la morale commune, et encore plus dans le Code, la femme est considérée comme un enfant mineur, en puissance d’autorité maritale, celle-ci remplaçant l’autorité paternelle. Elle est élevée avec ce souci d’en faire une épouse soumise, ne dispose, d’après le Code civil, que de droits très restreints.

Tout un mouvement, dit féministe, s’est créé en vue de l’émancipation de la femme. Malheureusement, c’est surtout un mouvement politicien, cherchant à faire accroire aux femmes qu’avec le droit de vote et le droit d’éligibilité, elles seraient les égales des hommes. Comme si l’expérience du vote masculin n’était pas concluante ? Est-ce que le suffrage universel a fait les ouvriers égaux de leurs patrons, les locataires du propriétaire, etc., etc. ? Là comme partout, la politique tente de faire dévier le véritable mouvement d’émancipation, en cherchant à l’embourber dans les marécages parlementaires, tombeaux des plus généreuses idées. Le fait d’obtenir des droits civiques ou légaux ne changera rien à l’état d’asservissement réel et économique de la femme. L’histoire des sociétés nous apprend que la sujétion de la femme à l’homme, au point de vue social, est contemporain à l’origine de la propriété individuelle, laquelle eut comme conséquence la formation de la famille étroite et restreinte qui est encore la règle aujourd’hui. L’infériorité juridique et politique de la femme tient donc au régime économique lui-même, à la propriété personnelle qui, pour se maintenir et se perpétuer par l’héritage, a besoin d’un état familial groupé autour d’une tête, le chef de famille, l’homme, le père, maître de toutes les personnes et de tous les biens familiaux. En accaparant terres et richesses, en constituant un patrimoine personnel, s’il voulait éviter la dispersion de ce patrimoine, l’homme devait imposer un statut à la mère de ses enfants, statut de surveillance, de contrôle, d’autorité, d’asservissement, qui devint plus tard le statut légal de la famille, d’après la loi établie par la coalition des propriétaires, nobles seigneurs autrefois, bourgeois aujourd’hui.

L’émancipation réelle et complète de la femme ne pourra donc se faire qu’avec la disparition du régime de la propriété individuelle et du régime familial, sa conséquence directe.

Seul, un contrat social nouveau, mettant les biens