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Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/702

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comparé à celui de la population ouvrière ; il ne représente pas un volume par personne et par an. Si cette « consommation » du livre est mise en regard de celle de l’alcool qui est, annuellement, de vingt litres par tête de Français, on est plutôt porté à faire de tristes réflexions.

On discute souvent de la production du livre et du goût public à son égard. Y a-t-il ou non « crise du livre » ?… Lit-on plus ou moins que jadis ?… demande-t-on dans les journaux. Il est certain qu’on lit plus dans les époques où l’on est plus instruit ou plus avide de s’instruire et qu’on en a plus le loisir. « Les illettrés ne lisent pas », dirait La Palisse. On devrait plutôt demander : Que lit-on ?… Car la qualité des lectures d’un peuple fait juger de sa civilisation plus que leur quantité. Or, on lit surtout des journaux ; les neuf dixièmes des gens n’ont pas d’autre pâture intellectuelle. Si on regarde ce que lit presque tout l’autre dixième, les livres qui se vendent par centaines de mille et atteignent parfois le million d’exemplaires, on a une idée plutôt lamentable du niveau intellectuel et moral des uns et des autres, lecteurs de journaux et lecteurs de livres. Nourris de pareilles lectures, on comprend qu’ils sont incapables de former autre chose que cette « majorité compacte » sur laquelle les gouvernants s appuient en toute sécurité pour commettre leurs méfaits. — Edouard Rothen.


LOGEMENT n. m. La pièce, le gite qu’une personne ou une famille habitent prend le nom de logement. Ce mot, quoique ayant pour valeur appartement, sert à désigner, dans une maison, la partie la plus modeste. Alors que les appartements se composent de plusieurs pièces et sont situés dans des immeubles plus ou moins modernes et confortables, les logements (qui, dans les villes, se situent dans les mansardes ou les maisons de rapport de second et de troisième ordre et, dans les campagnes dépendent des chaumières et des bâtisses médiocres et usagées) servent de gîte aux classes laborieuses toujours déshéritées.

Ainsi, dans la pratique, et quoique le mot logement ait une valeur analogue — en théorie — à celle d’appartement, la différence s’établit par le genre d’occupants et l’aspect des lieux.

Aussi, même le langage courant désignera sous le vocable logement des pièces soit restreintes, soit peu en harmonie avec les règles d’une hygiène modeste, tandis que par appartement le même langage s’appliquera à des locaux mieux aménagés pour l’habitation et qui donnent à ceux qui les occupent des commodités et des satisfactions qu’un simple logement ne comporte pas.

Selon que l’homme habite une chaumière ou une mansarde, ou qu’il loge dans des appartements réduits ou vastes, aérés et aménagés pour la commodité de l’existence, cet homme éprouve de la joie ou de la tristesse parce qu’il se sent tributaire de son logement dans les questions de maladie et de santé. La question du logement, de l’habitation, se pose à la société comme une question d’hygiène et de moralité.

Beaucoup de logements, en France, remontent encore à des époques reculées. Autrefois les constructions qui servaient d’abri à la plèbe, aux serfs et aux travailleurs en général se faisaient au petit bonheur et la prévoyance des besoins était bien faible pour ne pas dire nulle. Les classes privilégiées ne témoignaient pas, non plus, d’une grande connaissance de l’hygiène ; mais les moyens dont elles disposaient suppléaient aux aptitudes des propriétaires de l’époque. Ce n’est guère que depuis le milieu du siècle écoulé que les constructions d’immeubles se sont effectuées dans des conditions meilleures que par le passé et en harmonie avec la science.

Dans certains départements montagneux et de faibles

ressources, les constructions rurales surtout, remontent à des époques relativement lointaines, ce qui implique des habitations malsaines et dangereuses. Il est encore des hameaux, des villages où la famille cohabite avec le bétail qu’elle élève. Les « chambres de veillées », en Beauce, qui ne sont qu’une portion de l’étable, et où les animaux font profiter les gens de la chaleur dégagée… et du reste, demeurent, à ce point de vue, caractéristiques. Aujourd’hui encore, le couchage des ouvriers de ferme s’inspire toujours de la même économie et bénéficie des mêmes émanations ; la tuberculose en profite pour ses rafles sournoises…

Le gouvernement démocrate (que secondent, pour le profit, d’habiles sociétés privées) après avoir constaté et déploré l’exode des paysans vers les grandes villes, a pensé que la question méritait plus que des jérémiades sur le dépeuplement des campagnes. Il vient d’inscrire à son budget — accaparé sans vergogne par les œuvres de mort — quelques préoccupations touchant la vie. Il a décidé de consacrer quelques centaines de millions pour édifier, aux champs comme à la ville, un réseau de maisons, dites… à bon marché, afin de pallier, dans une certaine mesure, à l’insuffisance générale des logements. Précautions excellentes en principe, mais lamentablement impuissantes en face d’un mal profond, étendu et poignant… Les travailleurs aisés, dont les salaires se prêteront à la saignée, continueront d’engloutir dans les « maisons ouvrières » leurs économies et à hypothéquer un avenir d’efforts et de privations. Leurs groupes s’étageront vers cette bourgeoisie conservatrice à laquelle ils auront l’illusion de s’incorporer et ils mettront l’amour du gîte au service des institutions rétrogrades. Quant aux masses miséreuses elles attendront que le Pactole qui coule vers l’armée s’avise de rénover les lépreuses maisons où le travail enterre ses détresses, ses amours et ses tares…

« Notre » gouvernement républicain (d’autres gouvernements démocrates et ploutocrates ont, depuis la guerre, entrepris l’amélioration de l’habitation pour les masses laborieuses), se doit en effet de suivre l’exemple donné par les institutions conservatrices d’autres pays où les gildes ont contribué avec succès aux entreprises. Il s’occupera des logements ouvriers (il feindra surtout de s’en occuper) par intérêt, par démagogie et parce que l’attention qu’il semblera prendre par là aux maux du peuple sera un excellent tremplin politique. Il ne peut éviter d’ailleurs d’apporter au moins des projets et d’amorcer quelques réalisations. L’existence des taudis, dans les grandes villes, est d’autant plus dangereuse et, par suite, révoltante, que la misère confine aux splendeurs de l’opulence. Le contraste est trop frappant et la société bourgeoise cherche à en atténuer l’effet.

En résumé, la question du logement tient à la santé générale, à la probité et aux mœurs de la Société. Elle mérite, de tous ceux qui comprennent la question du logement, comme une question de justice pour tous, la plus grande attention, car il ne faut pas oublier que sous la domination du capital, la Société ne se résout à réaliser quelque amélioration que quand elle ne peut plus en différer l’exécution. — Elie Soubeyran.

LOGEMENT. Depuis son apparition sur la planète l’abri, le logement ont tenu une place considérable dans les préoccupations de l’homme. L’existence leur a été maintes fois subordonnée et, quand il n’a pas joué un rôle capital et exigeant, le logement est cependant resté étroitement lié aux influences de site, de climat, ainsi qu’aux mœurs, au genre de vie de ceux qui l’ont rencontré ou conçu. Il a accompagné l’évolution des races et des grandes branches humaines, fixé souvent leurs traits persistants et leurs conquêtes incertaines.