réseau de nos formules, comme parfois le fleuve sort de son lit. D’où les erreurs, constatées si fréquemment par l’expérimentation, dans le domaine de la vie, et plus encore dans celui de la pensée. Contre ces interprétations la majorité des savants s’élève avec vigueur, car une double cause explique parfaitement la marge constatée entre la théorie et son application. D’une part la cause n’est pas simple, les antécédents sont extrêmement nombreux et compliqués, surtout dans le monde organique ; il est donc impossible que nos dosages soient rigoureusement identiques et que la qualité des antécédents reste la même dans tous les cas. D’autre part les sciences expérimentales, et la biologie et la psychologie en particulier, sont à leur début ; des recherches extrêmement longues seront nécessaires avant que nous parvenions à connaître, fut-ce en gros, la cause des principaux phénomènes. La complexité du réel et notre ignorance suffisent à rendre compte de toutes les erreurs d’expérience. Ne constatons-nous pas que plus la science progresse, plus l’imprévisible et l’indéterminé disparaissent : une analyse très poussée permet aussi de réduire l’importance des erreurs possibles. Ces arguments militent de même en faveur du déterminisme universel base essentielle des lois expérimentales. S’il n’est qu’une hypothèse commode, convenons que cette hypothèse acquiert une singulière probabilité du fait que chaque découverte scientifique la confirme. Et nous pouvons dire que le miracle, entendu au sens religieux du mot, est inexistant ; il a sa source dans les lacunes de notre savoir, nullement dans la puissance divine. La foudre, la tempête, dues aux caprices de divinités particulières, étaient des miracles pour les anciens ; la brusque guérison d’un paralytique, le dédoublement de la personnalité l’étaient encore au début du xixe siècle. Pour quiconque a étudié, ce sont des faits naturels aujourd’hui. Déjà l’on découvre comment s’opère la guérison rapide de certaines maladies organiques ; les phénomènes de télépathie semblent très naturellement possibles, etc. Toute conquête de la science marque un recul pour l’action divine et pour l’intervention des entités de l’au-delà. Un atavisme millénaire rend seul compte de la crédulité sympathique qui accueille les faiseurs de miracles, toujours nombreux dans les religions les plus opposées. — L. Barbedette.
Ouvrages a consulter. La Logique, l’Organon (Aristote). — La Logique de Port-Royal (Arnauld et Nicole, 1662). — La Logique, l’Art de penser (Condillac). — Système de logique ; Philos. de Hamilton (St. Mill). — Logique (Hegel, 1861). — Novum organum (Bacon). — Discours de la méthode (Descartes). — Recherche de la Vérité (Malebranche). — Essai sur l’entendement (Locke). — Critique de la Raison pure, Logique (Kant). — La Logique d’Aristote (Th. Reid). — La Logique (D. de Tracy, 1825). — Logique (Bossuet). — Essai de logique objective (J. Tissot). — Nouveaux essais (Leibniz). — Essais de logique (Waddington). — Logique (Renouvier). — De l’intelligence ; Les Philosophes classiques (H. Taine). — De natura syllogismi, du fondement de l’induction (Lachelier). — Théorie du jugement, du syllogisme ; etc. (P. Janet et G. Séailles). — Logique ; les logiciens contemporains ; Les Définitions géom. et empiriques (Liard). — La méthode dans les sciences du raisonnement (Duhamel). Leçons de philosophie, logique (Rabier). — La synthèse chimique (Berthelot). — La philosophie en France au xixe siècle (Ravaisson). — Logique (Bain). — Introduction à la médecine expérimentale (Cl. Bernard). — Logique de l’hypothèse (Naville). — De l’espèce et de la classification (Agassiz). — La philosophie zoologique (Meunier). — De la méthode sociologique (Durkheim). — La logique de S. Mill ; l’Erreur (Brochard). — L’évolution des idées générales (Ribot). — Les illusions des sens et de l’esprit (J. Sully).
LOGOMACHIE n. f. (de logos, discours et machê, combat). La logomachie est une querelle, une dispute de mots, c’est-à-dire sur les mots. C’est, dans l’équivoque, un échange vain de propos à faux qui n’éclairent les questions débattues ni n’enrichissent l’esprit. Cette manière de psittacisme est beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense généralement et Proudhon accusait avec raison la philosophie de n’être « souvent qu’une logomachie ».
Les milieux d’avant-garde sont la proie de ces joutes pointilleuses ou désaxées qui piétinent au seuil de la discussion profitable. Les systèmes y sacrifient, comme les individus et la base et le caractère véritables en sont souvent oubliés parmi de fumeuses et stériles controverses. Maints économistes et sociologues sont tombés dans la logomachie… L’impropriété des termes, l’à-peu-près des dénominations, la fantaisie des définitions : autant d’obstacles au progrès des sciences exactes ; et Buffon pouvait dénoncer comme logomachie « ces créations de mots nouveaux à demi-techniques, à demi-métaphysiques, qui ne représentent nettement ni l’effet, ni la cause ».
A une époque où le verbe est tout-puissant et où la démocratie n’est en fait qu’un aréopage de bavards encombrant le forum, la politique ne pouvait manquer de s’annexer ce travers et d’en illustrer ses jongleries.
LOI n. f. (étymologie présumée : latin lex, legem ; qui se rattacherait à ligare, ce qui lie, lier, plutôt qu’à legere, lire). La loi est un acte par lequel une puissance quelconque impose à un milieu, quel qu’il soit, des dispositions conformes à sa volonté. Les mots : décret, règlement, ordonnance, constitution, encyclique, etc…, servent à désigner des modalités de la loi.
La croyance en un Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la terre, a fait désigner sous le nom de « lois naturelles » les conditions déterminantes des phénomènes qui, sous nos yeux. Se reproduisent invariablement chaque fois que sont réunies les circonstances favorables à leur apparition. Que l’apparition de ces phénomènes ne soit pas due au caprice d’une législateur suprême, mais simplement à des coïncidences toutes physiques, rend quelque peu impropre, en l’occurrence, l’utilisation du mot « loi », mais ne modifie point le résultat, quant à notre situation d’hommes, du jeu des forces dont notre vie est issue, et auxquelles notre existence demeure subordonnée.
Les grandes lois d’évolution des sociétés humaines sont le prolongement et la conséquence, dans le domaine qui nous intéresse, de lois naturelles préexistant à notre apparition sur le globe terrestre, et dont le règne animal eut, avant nous, à supporter les effets. Les instincts de conservation personnelle et de procréation, d’une part, et, d’autre part, la disproportion considérable existant entre notre faculté naturelle d’accroissement et nos possibilités d’augmentation des moyens de subsistance, fut et demeure génératrice de combats meurtriers, d’émigrations et de rivalités de toutes sortes, pour la possession, d’abord, et la conservation ensuite, des meilleurs territoires. L’inégalité des aptitudes devait déterminer, au sein des groupes, des différences de traitement, et favoriser la reconnaissance de chefs, en raison de l’importance exceptionnelle de certains individus pour le salut commun. De l’insuffisance naturelle des biens et de la nécessité de défendre contre les pillards ceux péniblement acquis par la spoliation ou par le travail, est née la propriété, à laquelle ne sont indifférents ni l’hirondelle travailleuse, défendant son nid contre le martinet fainéant son cousin germain, ni le scarabée sacré défen-