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et dessine pour représenter quelque chose. Le dessin devient un langage, mais ce langage n’est pas au début conforme à l’idée que nous nous faisons du dessin, non seulement parce que l’enfant est plus maladroit que nous mais encore parce qu’il ne voit pas les choses comme nous, qu’il ne s’intéresse pas aux mêmes choses que nous et qu’il comprend, tout d’abord, le dessin comme la représentation de ce qui est et non de ce qu’il voit. Ainsi le dessin spontané évolue et la connaissance de son modèle d’évolution est un moyen d’étudier et d’apprécier l’intelligence d’un enfant. Les enfants de quatre ans qui ne s’essaient pas à dessiner des bonshommes, ceux de cinq ans qui font des hommes sans tronc, etc., sont généralement des enfants retardés ou anormaux.

Le dessin libre, spontané est aussi un bon moyen de développer l’intelligence enfantine et on en fait de plus en plus usage dans les écoles.

Certaines fonctions psychiques d’acquisition ont, lors de la deuxième enfance, une importance de premier plan.

« Ce sont : l’attention qui sert à suivre l’expérience et à la fixer, la mémoire qui l’emmagasine et la conserve, l’association enfin qui unit diverses expériences et en prépare de nouvelles. » Dr Vermeylen.

L’attention dépend de l’état organique et plus particulièrement de l’état musculaire, respiratoire et circulatoire. Les petits enfants ne peuvent être très longtemps attentifs, parce qu’ils ont besoin de mouvement et que l’attention nécessite un arrêt dans le mouvement puis une transformation du mouvement. De plus l’attention nécessite chez l’enfant une modification de rythme respiratoire — ce qui provoque souvent des soupirs — qui ne peut être maintenue longtemps.

L’attention du petit enfant est purement passive, mais dès la fin de la première année et surtout pendant la seconde enfance, l’enfant devient capable d’une attention plus soutenue pour tout ce qui l’intéresse.

L’attention volontaire à des objets peut intéressants par eux-mêmes et nécessitant un effort est une acquisition plus tardive que prépare l’habitude de faire attention aux objets vraiment intéressants. Il est par suite possible de favoriser le développement de l’attention chez l’enfant en le faisant prendre part à des activités intéressantes et d’assez longue durée : jeux, observations d’Images, dessins, etc…

Beaucoup d’adultes croient que les enfants ont une meilleure mémoire que les adultes ; ceci n’est exact qu’en ce qui concerne la mémoire brute, qui emmagasine les souvenirs tels quels, mais ne l’est plus de la mémoire organisée qui sélectionne et associe les souvenirs.

Pour ne pas donner au mot « enfant » une étude trop complète et trop savante, nous devrons laisser de côté l’association des idées ainsi que presque tout ce qui concerne le développement de la pensée. Ceux de nos lecteurs qui s’intéressent à ces questions auront avantage à se reporter à des ouvrages spéciaux et récents.


La troisième enfance (de 7 à 12 ans). Pendant la première et la seconde enfance l’enfant a vécu d’ordinaire dans le milieu familial ; lors de la troisième enfance le milieu scolaire jouera un grand rôle dans son développement.

Mais, qu’il s’agisse du milieu scolaire ou du milieu familial, des éducateurs, parents et maîtres doivent avant tout se préoccuper d’obtenir l’attachement de l’enfant. Nulle action éducative n’est possible si l’enfant n’aime pas les éducateurs.

Pendant la première et la seconde enfance, mais

surtout pendant la première, il s’agit surtout de donner à l’enfant de bonnes habitudes et de veiller à son développement sentimental et moral.

L’attachement est nécessaire à la culture de la soumission et un bon développement sentimental et moral permet un bon usage de l’intelligence.

Il convient de préciser ce que nous entendons par la soumission. Telle que nous la concevons, elle n’est pas la servitude. Se soumettre c’est prendre conscience d’une supériorité, ce n’est que vers sept ans que les enfants prennent une telle conscience ; tout petits, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont moins forts, moins instruits, moins capables de se diriger que les adultes. Ainsi, la soumission que nous désirons obtenir de l’enfant peut se traduire par un refus d’obéissance de celui-ci en présence d’adultes qui se montrent inférieurs à lui intellectuellement et moralement. Ce que nous voulons obtenir, c’est la soumission volontaire. Nous voulons que l’enfant, ayant pris conscience des imperfections de son développement et de son savoir, recherche dans son entourage les personnes qui pourront l’aider de leurs lumières lorsqu’il n’aura pu découvrir par lui-même la bonne manière d’agir et nous voulons aussi qu’il obéisse aux adultes. Point n’est besoin d’ajouter qu’en revanche ces derniers doivent user de leur autorité d’une façon mesurée ainsi que nous l’avons indiqué au début de cette étude.

Depuis sa naissance jusqu’au milieu de la troisième enfance l’enfant est surtout un petit égoïste. L’égoïsme, ou plutôt l’égocentrisme de l’enfant, n’est pas un défaut car il donne de la force à la personnalité naissante. Vers huit ou neuf ans l’enfant commence à s’intéresser vraiment aux jeux collectifs et les adultes doivent favoriser de tels jeux qui non seulement le préparent à la vie sociale mais encore développent son individualité.

Si, dans la société actuelle, l’individu est trop souvent opprimé, il n’en faut pas conclure à la nécessité d’un individualisme antisocial. La volonté humaine est un produit de la vie sociale ou plus exactement de la réaction de l’individu contre le milieu.

Suivant ses tendances personnelles et celles de ses parents, l’enfant unique vivant dans le seul milieu familial devient sans peine un esclave ou un tyran. Au contraire, l’enfant parmi des enfants, à peu près du même âge et de même force, se sent moins faible, il ne s’habitue pas à une dépendance amollissante et comme ses petits camarades en font tout autant, comme il sent que des volontés, pas trop fortes, se heurtent à la sienne, sa propre volonté et son individualité se développent.

La troisième enfance marque aussi l’apparition des intérêts abstraits et le développement de la pensée logique. Ce n’est que vers 11 à 12 ans que l’enfant devient capable de véritables raisonnements logiques et l’école ne tient pas suffisamment compte de cet éveil tardif. Certes, bien plus tôt, les enfants font des problèmes avec « raisonnement » complexe mais en réalité leur « raisonnement » n’est la plupart du temps qu’un acte de mémoire et la répétition de formules apprises. Si on les interroge, ils répondent plutôt : « il faut faire une addition, une soustraction… » que par un raisonnement véritable.

On use trop tôt, à l’école, d’idées abstraites et générales que les enfants emmagasinent dans leur mémoire mais ne comprennent pas. Ceci n’est pas seulement inutile par suite du manque de compréhension, mais c’est encore dangereux parce que les idées dont la formule a été confiée à la mémoire sont considérées comme toujours vraies par l’enfant qui ne se donne plus la peine, plus tard, de s’efforcer de les comprendre. Les prêtres de toutes les religions le savent si bien