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exclusivement aux objets ou aux personnes qui lui sont utiles pour la satisfaction de ses besoins primordiaux. Très tôt la curiosité devient affective, elle s’attache à ce qui produit de la peur, des impressions nouvelles. Enfin dans la seconde enfance la curiosité devient spéculative, l’enfant est curieux pour savoir.

La curiosité de l’enfant se manifeste alors de deux façons : le collectionnement, les questions. L’enfant ramasse tous les objets qu’il trouve et en bourre ses poches ; ceci est parfois désastreux pour ces dernières mais est fort utile au développement mental, car en rassemblant beaucoup d’objets comme il le fait, l’enfant s’exerce à observer ce qui les distingue et plus tard en quoi ils se ressemblent.

L’enfant questionne surtout pour savoir « à quoi ça sert » et pour connaître l’origine des choses.

La curiosité enfantine, loin d’être un défaut et de devoir être réprimée est une tendance des plus utiles à l’acquisition du savoir.

Cependant il ne faut pas croire que nous devons agir de la même façon envers les questions d’enfants. Il est des questions qui ne sont point de vraies questions, l’enfant éprouvant le besoin de parler, parle pour le plaisir de parler et des questions se mêlent ainsi à son langage ; il est inutile alors évidemment de fournir des réponses qui n’intéressent l’enfant que comme motif d’un nouveau bavardage.

Il est d’autres questions que des enfants posent pour attirer sur eux l’attention des grandes personnes ; certains enfants se servent ainsi parfois de cet artifice pour montrer qu’ils savent ou même pour tenter de prendre les adultes en défaut. En ce cas, le plus sage est soit de se refuser à répondre, soit d’obliger le petit questionneur à fournir lui-même une réponse.

Mais il est également des questions provoquées par une curiosité vraie et alors il faut s’efforcer de satisfaire cette curiosité en tenant compte de la mobilité des intérêts enfantins, qui rend les longues explications mauvaises, et du développement de l’enfant qui ne lui permet pas de tout comprendre.

Parmi ces questions légitimes, il en est auxquelles l’enfant pourrait lui-même donner une réponse s’il voulait s’en donner la peine. Il faut alors stimuler l’enfant dans la recherche de la réponse, soit en le faisant réfléchir, soit en le faisant observer, soit même à un âge plus avancé en lui indiquant un livre où il trouvera l’explication nécessaire. Dans le but de stimuler la curiosité enfantine, l’éducateur doit parfois se faire questionneur à son tour.

En d’autres cas l’enfant n’a pas atteint le développement suffisant pour que l’adulte puisse satisfaire sa curiosité. Nombre de gens s’en tirent par un mensonge ou éludent la question ; c’est une faute : il faut expliquer à l’enfant ce qu’il est capable de comprendre et pour le reste lui dire sans détours : « Tu ne pourrais me comprendre maintenant, je t’expliquerai cela quand tu seras plus grand. »

Il est enfin un cas extrêmement fréquent : l’adulte est lui-même incapable de fournir une réponse, il n’est pas assez instruit pour cela. Il aurait tort de vouloir cacher son ignorance, il ne doit pas craindre de dire : « Je ne sais pas ». Il vaut mieux que les enfants constatent que leurs parents ou leurs éducateurs ne savent pas tout que de perdre confiance en eux.

L’enfant est observateur mais il ne l’est pas à la façon des adultes et à son observation se mêle beaucoup d’imagination, il n’a pas non plus de sens critique et, pour ces raisons, nous devons nous défier des témoignages d’enfants.

Tout d’abord l’enfant observe mieux les différences que les ressemblances, il perçoit fragmentairement les éléments d’un ensemble, il ne sait pas situer les objets

et les êtres dans l’espace, les classer par ordre de valeur, en coordonner les éléments.

Pendant la seconde enfance, il observe surtout ce qui agit ou ce qui lui permet d’agir.

A la fin de la seconde enfance et pendant la troisième enfance, l’enfant devient capable d’observer les relations des objets ou êtres entre eux ou de leurs éléments.

Enfin plus tard l’enfant observe d’une façon objective et, grâce à l’éducation, peut devenir capable de la véritable observation scientifique.

Il faut profiter de l’intérêt de l’enfant pour l’observation et le rendre plus habile à se servir de ses sens. C’est ainsi qu’on peut l’habituer à voir juste, en clouant des laines, des étoffes, des feuilles d’après leur couleur ou en comparant la longueur de quelques baguettes, lignes, etc… ; par d’autres moyens présentés sous forme de jeux on peut aussi l’exercer à voir vite et beaucoup. Des jeux et des chants peuvent également servir à l’exercice de l’ouïe et du toucher (Colin-maillard par exemple). Les autres sens eux-mêmes devront être exercés autant qu’il sera possible, les enfants trouveront plaisir par exemple à deviner le nom d’une fleur grâce à sa seule odeur. Toutes ces observations sont favorables au développement intellectuel et peuvent rendre des services dans la vie pratique.

L’imitation se manifeste dès les premiers mois de la vie et est alors purement instinctive ; vers neuf ou dix mois l’enfant prend conscience de son imitation mais c’est surtout vers deux ans que l’enfant imite d’une façon intentionnelle. Plus tard vers six ans l’enfant fait un choix dans les actes qu’il imite ; il n’imite plus pour le plaisir d’imiter mais pour atteindre certains buts. L’imitation permet à l’enfant d’acquérir plus vite, avec moins de peine et plus sûrement certaines habiletés nécessaires à la vie d’adulte ; elle permet aux générations nouvelles de profiter de l’expérience des générations passées. Cependant l’hérédité et l’imitation ne sauraient seules assurer le développement harmonieux de l’individu qui n’acquiert une vraie personnalité qu’à l’aide de ses propres expériences.

Parents et éducateurs doivent prendre conscience de l’existence et du rôle de l’imitation. Par suite ils ne doivent fournir aux enfants que de bons exemples, inviter ceux-ci à choisir dans les exemples pris autour d’eux, favoriser l’évolution de l’imitation, c’est-à-dire le passage à l’imitation réfléchie et enfin dès que possible stimuler l’enfant aux expériences personnelles.

Le jeu tient une large place dans le développement de l’enfant. Il évolue avec les intérêts enfantins : jeux sensoriels, moteurs d’imagination, intellectuels et enfin sociaux. Il convient de favoriser l’activité ludique des enfants, soit en leur fournissant, dans la mesure du possible, des jouets qui répondent à leurs intérêts du moment, soit en leur enseignant des jeux, qu’on ne doit d’ailleurs jamais leur imposer, soit même en jouant avec eux. C’est un tort de croire qu’il faut acheter des jeux chers et compliqués, aux petits enfants il faut surtout des jouets simples, faciles à manier, à transformer et solides. L’imagination de l’enfant fait une poupée d’un chiffon, un cheval d’un bâton, etc…

Depuis un certain nombre d’années, des pédagogues se sont ingéniés à créer des jeux éducatifs et par là il faut entendre un matériel qui tout en amusant l’enfant lui permet de développer ses sens, d’acquérir une plus grande habileté motrice et même d’apprendre à lire, écrire, compter, etc…

Le dernier, tout comme les autres activités enfantines, est d’abord instinctif, il constitue pour l’enfant un moyen de dépenser un surcroît d’énergie ; plus tard l’enfant ayant constaté que certains de ses traits rappellent certaine image s’essaie au dessin intentionnel