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de la gare de Lodelinsart, localité voisine de Charleroi.

En 1877, où au début de 1879, pendant mon service militaire, je rêvais que je voyais une jeune fille de ma connaissance. Immédiatement après j’éprouvais une sensation indéfinissable, mais qui, pour moi, évoquait l’idée de mort. Au réveil, je fus si impressionné par ce rêve, que j’eus la très claire impression que j’allais recevoir de fâcheuses nouvelles. Les deux distributions postales passèrent néanmoins sans m’apporter autre chose qu’un journal que je lus en entier, y compris les annonces de décès. N’y ayant rien découvert ayant trait à la mort de cette jeune fille ni même d’une personne de ma connaissance, je me dis que mes pressentiments étaient trompeurs. Mais voilà que vers 9 heures du soir arrive un de mes camarades retour de congé, habitant Courcelles, petite ville du Hainaut ; il m’apportait, de la part de mes parents, une lettre mortuaire, qui m’annonçait la mort d’une jeune fille voisine de chez nous, enfant pleine de vie et de santé. Ce n’était pas la jeune fille de mon rêve, mais elle lui ressemblait comme taille, corpulence et vivacité de caractère. Particularité curieuse, les deux jeunes filles avaient les mêmes noms et prénoms. »

Sous la signature de Jeanne Jean, nous lisons dans Psychica : « Une cousine s’était trouvée dans un état d’anémie si inquiétant que plusieurs médecins l’avaient déclarée atteinte de tuberculose. Je l’avais fait soigner sérieusement et le mal avait pu être enrayé. Quelques années plus tard, elle s’était mariée et avait eu une petite fille. Cette enfant avait deux ans quand j’eus à son sujet un rêve étrange et impressionnant : je voyais la jeune mère près du lit de son enfant malade ; elle me tendait ensuite un mouchoir en me suppliant de trouver de l’eau fraîche pour l’y tremper et l’appliquer, ensuite sur le front brûlant du bébé. Mais j’essayais vainement de la satisfaire ; je parcourais des lieues et des lieues dans la campagne sans rencontrer la moindre source, le moindre ruisseau. À tout instant, j’apercevais une mare, un étang, mais toujours pleins d’une eau si verdâtre, si boueuse et si fétide que je n’osais y tremper le mouchoir. Et je me réveillais dans un paroxysme de découragement. Je contai à mes filles ce rêve, d’autant plus singulier, que je n’avais pas vu ma cousine depuis un an et ne savais rien d’elle ni de son enfant. Le premier courrier m’apporta le lendemain la lettre de faire-part du décès de la pauvre petite ; le jour suivant j’assistai à son enterrement et j’appris qu’elle était morte d’une méningite. Comment ne pas supposer que la nuit de la mort de sa fille, la maman avait envoyé une pensée désespérée à la parente qui l’avait sauvée autrefois et que peut-être elle aurait souhaitée près d’elle ? » Si la transmission télépathique s’opère, de préférence, pendant le sommeil du sujet récepteur, elle peut aussi avoir lieu à l’état de veille, en plein jour, et concerner les événements les plus divers de l’existence, insignifiants ou très graves, peu importe. Fréquemment elle précède de peu la mort d’une personne aimée ; et, comme elle frappe davantage alors, l’on en garde un souvenir bien précis. Mais pas plus que la télékinésie, la télépathie ne requiert la présence d’entités surnaturelles. Comparable à notre télégraphie sans fil, elle lui reste nettement inférieure par la difficulté de son maniement et par l’imprécision habituelle des renseignements transmis. Aussi n’est-il pas probable qu’elle puisse la remplacer de sitôt ; même lorsqu’on parviendra, comme c’est déjà le cas chez certaines personnes, à la produire à heure fixe, par un effort intentionnel du cerveau. Chacun s’aperçoit aujourd’hui que des ondes nerveuses rempliraient avantageusement le rôle attribué, par nos pères, aux esprits. La lecture de pensée, sa transmission sans paroles, ni signes visibles, phénomènes qui valurent un si grand renom à quelques saints catholiques, au curé d’Ars en particu-

lier, n’ont plus rien d’extraordinaire pour le savant. On sait quelle fut la vogue, durant plusieurs années, du cumberlandisme ou lecture de pensée, ainsi appelé du nom de Cumberland le prestidigitateur qui l’avait propagé. On cache un objet, à l’insu du sujet jouant le rôle de devin, de « percipient ». Une personne, qui connaît la cachette, imagine fortement l’endroit où se trouve l’objet ; le « willer » touche la main ou la tempe du sujet qui, généralement, se dirige assez vite vers le lieu pensé par son conducteur involontaire. On peut varier cet exercice en choisissant une action à faire, un numéro à trouver, etc., plutôt qu’un objet à découvrir. « J’ai eu l’occasion, écrit Pierre Janet, d’assister une fois à une séance de ce genre donnée par un russe, Osip Feldmann, qui a eu, il y a quelques années, une assez grande réputation comme émule de Cumberland. Quoique des séances de ce genre, surtout lorsqu’elles sont publiques, laissent toujours quelque doute et ne puissent pas être rapportées avec autant de confiance que des expériences personnelles, je crois que, dans ce cas, les mesures de précaution contre des supercheries possibles étaient assez bien prises. Dans cette séance de « mentévisme », comme il disait, Osip Feldmann arrivait, non pas toujours, mais assez souvent, à exécuter l’acte auquel on pensait en lui serrant fortement le poignet. Il réussissait mieux les expériences compliquées que les plus simples, celles qui comportaient beaucoup de mouvements que celles qui devaient être faites sur place. Il réussissait également mieux avec certaines personnes qu’avec d’autres ; ainsi j’essayai en vain de le diriger, il ne comprit rien à ce que je pensai, tandis qu’il comprenait très bien plusieurs de mes amis. Il parvenait même à comprendre une personne qui ne le touchait pas, mais se contentait de le suivre partout en restant à un mètre de distance : cette expérience est déjà décrite en Angleterre. Mais voici un tour de force de ce genre que je n’ai vu rapporté nulle part. Au lieu de se faire tenir directement par la personne qui avait choisi l’action à accomplir et qui jouait le rôle de « willer », il interposait entre elle et lui une troisième personne totalement ignorante de ce qu’il y avait à faire et dont le rôle consistait uniquement à tenir d’un côté le poignet du devin et de l’autre la main du willer sans penser elle-même à rien de précis. J’ai vu cette expérience curieuse réussir avec beaucoup de précision. » Et Pierre Janet expliquait la lecture de pensée, grâce à l’existence de mouvements accomplis par les sujets sans qu’ils le sachent et sans qu’ils le veuillent. C’est dans l’automatisme psychologique, dans l’activité mentale inconsciente, nullement dans une révélation divine, que réside le secret de la transmission des idées, pensait de même le docteur Grasset, un catholique pourtant. Il fait remarquer, à la suite de Pierre Janet, « que l’expérience réussit d’autant mieux que le sujet à mouvements inconscients est naturellement dans un état plus voisin de la désagrégation psychique (de la misère psychologique), comme l’est par exemple un hystérique anesthésique ». De plus il a rencontré des sujets qui, dans l’état d’hypnose, se souvenaient des mouvements qu’ils avaient accomplis, inconsciemment, à l’occasion de la lecture de pensée. À cette conception, qui reste vraie, dans une large mesure, il convient, lorsqu’il s’agit d’une transmission opérée sans contact, de surajouter ce que nous avons dit touchant les faits télépathiques. Pas plus les anges que les démons n’ont, certes, besoin d’intervenir ; un homme instruit qui lira Kephren avec intérêt, ne pourra que sourire en parcourant les divagations théologiques de M. de Mirville, il y a moins d’un demi-siècle encore si estimées des croyants.

Baguette divinatoire et pendule explorateur ont perdu pareillement leur vieux caractère diabolique. La première est une baguette de coudrier en forme de four-