tion de la Foi, commencée il Lyon vers 1804 et officiellement approuvée en 1822, par l’œuvre de la Sainte Enfance, par le produit de quêtes périodiquement renouvelées et aussi par maints gouvernements occidentaux, Dans certaines régions, les missionnaires ont acquis d’immenses domaines, même des fabriques ; et, comme ils donnent aux travailleurs indigènes un salaire de famine, leurs bénéfices annuels atteignent des chiffres prodigieux. Malheur à leurs locataires s’ils paient tardivement, dans les ports d’Extrême-Orient dont ils possèdent, en notable partie, les magasins et les maisons ! C’est à des milliards que s’élève, en Afrique, la fortune des Pères Blancs et des autres missionnaires. Sans parler des commissions versées par les entreprises coloniales et les négociants d’Europe, dont ils favorisent les rapines et les déprédations. Dans nos colonies, juges et fonctionnaires sont leurs plats valets ; qu’une contestation éclate entre un infidèle et un chrétien, c’est eux qui dictent la sentence toujours inspirée d’un parti-pris évident. Et, dans les pays non encore accaparés par les occidentaux, il suffit qu’ils se plaignent pour que l’Europe expédie, à leur aide, des diplomates, ses cuirassés, ses militaires. Mais beaucoup sombrent dans l’alcoolisme ou dans une débauche sexuelle effrénée ; l’autorité ecclésiastique ferme les yeux pourvu qu’ils travaillent à grossir le trésor du pape et à lui recruter des partisans.
Chez les peuplades restées primitives, en Afrique, en Océanie, les missionnaires trouvent sans peine des adeptes, car la mentalité fétichiste s’accommode fort bien des pratiques superstitieuses du catholicisme romain. Par contre, Arabes, Hindous, Chinois, Japonais ne mordent pas à l’hameçon qu’on leur tend ; en général les Orientaux qui se convertissent sont des voleurs, des assassins, désireux de fléchir les juges européens, ou des pauvres qui reçoivent une grosse sommes pour prix du baptême. Jusqu’à ces derniers temps, les dignitaires ecclésiastiques étaient toujours choisis parmi les blancs, dans les pays infidèles, mais, afin de mieux capter la confiance des jaunes, Pie XI vient récemment d’élever à l’épiscopat des Chinois et des Japonais.
Naturellement, les prêtres cachent les abus et la situation véritable aux adolescents qu’ils embrigadent pour les missions du dehors. Parmi ces jeunes gens, les convaincus sont beaucoup moins rares que parmi les Séminaristes ordinaire, et l’on s’efforce de les tenir en haleine, jusqu’au jour où, expédiés à l’autre bout du monde, leurs yeux fatalement s’ouvriront. Trop tard ; pour revenir en arrière, il faudrait un mépris du bien-être et de l’opinion, une volonté de fer, qui se rencontrent rarement. Je parle par expérience d’une situation que je connais bien. Pour les missions du dedans, celles qui visent à fanatiser les fidèles par une série de conférences et d’exercices de dévotion, elles n’exigent qu’un bon gosier, joint à une forte dose d’hypocrisie, de la part des prédicateurs. Ces derniers sont souvent des religieux, dont l’accoutrement baroque et les allures patelines ou cavalières, selon le milieu, impressionnent favorablement l’auditoire. Sous la Restauration ces missions furent particulièrement nombreuses ; dans maintes paroisses, elles ont lieu tous les cinq ou dix ans. Malgré la triste besogne que Rome leur impose, malgré un goût des richesses que leurs aînés ne connurent pas, les prêtres qui se destinent à la prédication lointaine sont, en général, nettement supérieurs à ceux qui restent en Europe ; ils ont une largeur de vue, un amour du risque, un dédain pour les mesquineries dévotes et les préceptes d’une morale étroite, qui les rendraient parfois sympathiques, si l’on ne savait qu’ils propagent de sinistres erreurs.
Longtemps les Églises protestantes se préoccupèrent peu d’envoyer des missionnaires au dehors. La pre-
Les missions chrétiennes, et ce sera leur honte éternelle, ont souvent préparé la voie aux missions militaires. Le Père Huc, explorateur de la Chine et du Tibet, l’Anglais Livingstone, qui resta en Afrique australe de 1852 à 1873 et mourut de fatigues, après avoir fait connaître le lac Ngami et parcouru le vaste bassin du Zambèze, firent preuve d’un courage extraordinaire. On ne peut oublier qu’un assez grand nombre de missionnaires sont morts dans des tortures effroyables et que d’autres ont montré un amour de la science et des hommes qui contraste avec l’égoïsme et la mauvaise foi des prêtres ordinaires. Mais pourquoi faut-il que derrière leur silhouette apparaisse presque toujours celle des soldats européens ; c’est la guerre et non la paix qu’annoncent les messagers de l’Évangile. Les persécutions de Tu-Duc contre les missionnaires servirent de prétexte à la France pour s’installer en Cochinchine. Et, si les Chinois détestent foncièrement les chrétiens, ce n’est certes pas sans raison, tant les peuples occidentaux ont molesté l’Empire Céleste sous le couvert des intérêts catholiques ou protestants. De même, soi-disant pour sauvegarder l’indépendance des chrétiens, les grandes puissances européennes sont fréquemment intervenues dans l’administration intérieure de la Turquie ; sans Mustapha-Kemal, elles auraient continué indéfiniment. Avec une hypocrisie, bien caractéristique de la mentalité actuelle, les nations dites civilisées ont, d’ailleurs, pris l’habitude d’appeler « missions militaires » les envois de troupes qu’elles effectuent sans déclaration de guerre officielle, les expéditions destinées à châtier des tribus rebelles ou à soumettre des contrées jusque-là indépendantes.