vie que les notions de bien et de mal elles-mêmes ne signifient plus rien et qu’il vaut mieux considérer les mœurs comme l’ensemble des habitudes concernant la vie d’un individu ou d’une collectivité. Ce sens plus précis, quoique plus général, peut alors s’appliquer à tout être vivant, possesseur d’un système nerveux, susceptible de construire des mécanismes de réflexes le déterminant à des comportements répétés appelés : habitudes (voir ce mot).
Le fait que les mœurs sont des habitudes devrait rendre prudent tout moraliste jugeant ou condamnant les mœurs des autres au nom des siennes, car les habitudes étant le résultat d’une infinité de circonstances et de causes, varient considérablement dans l’espace et dans le temps. Une science des mœurs paraît donc quelque peu difficile, car il n’y a connaissance réelle d’un phénomène qu’après un nombre suffisant d’expériences complètes, embrassant la totalité du phénomène et permettant d’en déduire le processus réellement invariable.
Il serait d’autre part extraordinaire que l’être vivant, produit par des phénomènes mécaniques, puisse échapper à un certain processus mécanique, engendrant les divergences et différenciations des mœurs éparses à travers le monde vivant. Cela ne veut point dire qu’il y a un plan vital et une finalité incluse dans chaque habitude. Bien au contraire. L’étude des mœurs nous montre une grande incohérence dans leur manifestation et leur rôle surajouté, parfois opposé même au bon fonctionnement biologique de l’individu. Il est donc intéressant d’étudier l’origine et l’évolution des mœurs et d’essayer d’en dégager un enseignement pour notre propre évolution.
Une pareille étude nécessiterait une encyclopédie pour elle seule, car elle comprend toutes les manifestations humaines. Une description chaotique et sans ordre des différentes habitudes des divers peuples de la terre, bien que très instructive au point de vue comparatif, n’amènerait aucune conclusion autre que la suivante : il y a des peuples comme ceci ou comme cela et nous, nous sommes autrement. Il est donc nécessaire de démontrer que les divergences correspondent à des faits objectifs et que leur connaissance peut nous aider dans notre effort constructif.
D’autre part chaque peuple vit dans des conditions matérielles différentes et en des lieux différents, variant avec les siècles et les transformations telluriques ; ce qui complique l’étude des conditions agissant dans l’espace et dans le temps. Nous ne pouvons, ici, qu’esquisser très rapidement, et sans souci de chronologie précise, les multiples transformations des mœurs à travers les grandes périodes, de l’histoire.
Une des raisons principales qui devrait nous faire admettre les habitudes comme la source initiale des grands mouvements sociaux, c’est que l’espèce humaine, issue des mammifères supérieurs, ne pouvait avoir, à ces lointaines époques, aucune des coutumes reconnues chez les peuples actuels, même les plus primitifs.
Quelles pouvaient être les mœurs de ces êtres ? c’est ce que nous ignorerons probablement toujours. Ces mœurs avaient certainement quelque chose d’instinctif et d’héréditaire, déterminé par les principaux besoins de l’organisme et les difficultés rencontrées pour les satisfaire. L’examen des découvertes préhistoriques ne donne point d’ailleurs des indications précises sur cette partie réellement intéressante de notre évolution. Pourtant des habitudes collectives ont dû se former dès ces débuts puisque on les observe chez de nombreuses espèces animales. Tout ce qu’on est obligé d’admettre c’est que l’homme n’a point inventé un langage, un art, une industrie et des croyances semblables à ceux des plus vieilles civilisations sans un nombre prodigieux d’efforts accumulés et transmis de générations en générations. Mais de cet état primitif, voisin de l’animalité, à la vie du clan australien quel
La vie économique est assez primitive car l’Australien, uniquement chasseur, chasse par bande sur les territoires réservés à chaque tribu. Le sens de la propriété y est assez large, il y a des choses collectives comme le territoire et le gibier tué communément ; il y a la lutte appartenant à un groupe plus limité ; enfin les armes et autres produits ou objets personnels sont propriété individuelle. Les croyances sont essentiellement basées sur l’existence des esprits, génies et autres êtres imaginaires mêlés à la plupart des actes de leur vie. Pour eux rien ne se produit naturellement. Tout y est soumis au pouvoir des esprits et des sorciers et les morts sont plus redoutés que les vivants. Cette mentalité jointe à une responsabilité et une solidarité collective rigide rend responsable chaque clan des agissements de chacun de ses membres.
À un stade supérieur nous trouvons la société organisée selon la famille maternelle ou utérine et cela en des régions très diverses : Afrique, Amérique, Océanie. (Il en est d’ailleurs de même de la vie tribale des clans totémiques.) La vie sédentaire, pastorale et culturale crée une certaine fixité et le village commence à apparaître avec toute son organisation. L’habitation vraiment familiale (Longue-Maison) est composée d’un assemblage de cases, parfois de huttes agglutinées les unes aux autres, à l’intérieur desquelles vivent tous les membres d’une même famille alliés par les femmes. C’est encore le régime de la tribu, de la phratrie et du clan mais beaucoup plus vaste et plus régional, dont les grandes assemblées sont régies par trois chefs for-