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du soleil en particulier, sons forme de radiations. Et de nombreux faits démontrent que ce même principe cesse d’être vrai lorsqu’il s’agit de l’ensemble de l’univers. Comme les animaux et les hommes, les étoiles passent par un maximum de vitalité. Or la vitesse de translation d’un astre croît à mesure que son rayonnement diminue ; son énergie cinétique augmente aux dépens de son énergie radiante. Ce qui contredit le principe de Carnot manifestement. Par ailleurs, l’énergie cinétique des molécules étant productrice de chaleur, dans un gaz, les plus grandes vitesses devraient répondre aux plus grandes chaleurs. Or, remarque Arrhénius, dans les nébuleuses formées de gaz légers, à masse faible, l’attraction ne parvient pas à retenir les couches éloignées dont les molécules légères se dirigent vers des astres plus chauds que la nébuleuse abandonnée. Contrairement au principe de Carnot, la chaleur a circulé d’un corps plus froid vers un corps plus chaud. D’autres observations encore ne peuvent cadrer avec l’ancienne doctrine de la dégradation de l’énergie ; et les savants sérieux ont fini par adopter cette formule prudente, qui rune les déductions métaphysiques dont nous avons parlé précédemment : « les phénomènes se produisent généralement avec augmentation d’entropie ». (Entropie étant le nom donné par Clausius à la fonction Q/T toujours croissante dans un système isolé ; Q représentant la quantité totale d’énergie thermique.)

Applicable aux phénomènes observés à l’échelle de notre expérience ordinaire, le principe de Carnot ne cadre plus exactement avec la théorie cinétique des gaz et la mécanique statistique qu’elle engendre. Alors que l’énergétisme restait une simple description de l’expérience, n’exigeant aucun recours à des mouvements ou à des fluides invisibles, la théorie cinétique des gaz, sans pénétrer dans le mystérieux domaine des atomes, jette un pont entre notre monde moyen et celui qui échappe à l’observation coutumière des sens. « Nous n’avons, écrivait Ostwald, à propos de l’Énergétique, à nous occuper que des d’énergie ; il ne saurait y en avoir d’autres : en dehors du temps et de l’espace, l’énergie est la seule grandeur commune à tous les ordres de phénomènes. » Et, ailleurs, il déclare : « La recherche des équations qui lient un ou plusieurs ordres de phénomènes, les rapports de grandeurs mesurables, voilà tout l’objet de la science ». En somme, la méthode énergétique consistait à d’écrire, non à expliquer. Au contraire la théorie cinétique des gaz explique la loi de Mariotte par l’agitation désordonnée et les chocs continuels des atomes, agrégés ou non en molécules, dont les gaz sont constitués. La pression n’étant que le choc de l’ensemble des particules contre la paroi, il suffit de diminuer la capacité de l’enceinte qui les contient pour que la pression augmente proportionnellement. Et le principe de Carnot, vrai en tant que loi de moyenne portant sur un nombre formidable d’éléments, n’aurait plus de raison d’être si l’on pouvait suivre chaque particule isolément. Nous tomberions dans un monde purement mécanique où la dégradation de l’énergie n’a pas de sens. L’expérience a d’ailleurs vérifié cette supposition. Dans le mouvement Brownien, de très petites particules sont dans une agitation qui sans cesse viole le principe de Carnot ; d’autres faits encore démontrent que si l’on descend aux éléments ultimes de la matière, la conservation de l’énergie devient rigoureuse. Quand on admet que la chaleur résulte de mouvements très petits, mécanique traditionnelle et thermodynamique se trouvent ainsi conciliés. Mais à l’intérieur de l’atome ce sont les théories électromagnétiques qu’il convient d’appliquer.

Déjà nous devons faire appel à la théorie des quanta, lorsque nous descendons très au-dessous de nos températures ordinaires, vers la zone du 0 absolu, et cette théorie postule que l’énergie ne varie pas de manière

continue. Principe de la conservation de la masse et partant principe classique de l’inertie ne s’appliquent plus dans la mécanique électronique qui régit l’intra-structure de l’atome. Dans ce monde de l’extrêmement petit, règnent les plus grandes vitesses que nous connaissions. Celle des particules cathodiques est de 40.000 à 60.000 kilomètres par seconde ; elle est cent mille fois plus grande que celle des obus les plus rapides. Les rayons a (alpha) du radium atteignent une vitesse de 15.000 à 30.000 kilomètres à la seconde ; quant aux rayons b (bêta) émis par le même corps, ils se divisent en rayons mous dont la vitesse de propagation est de 30.000 kilomètres à la seconde et en rayons durs pouvant atteindre la vitesse de 200.000 à 300.000 kilomètres à la seconde. Les ondes électromagnétiques produites par les oscillations électriques parcourent 300.000 kilomètres à la seconde, comme la lumière. Or des expériences mirent en évidence que le théorème de la composition des vitesses, conséquence du principe de l’indépendance des mouvements, ne s’appliquait point dans ce dernier cas. Ce fut le mérite d’Einstein de résoudre cette difficulté ainsi que bien d’autres, d’une façon logique, sans recourir à des expédients comme on le faisait avant lui. Ses théories de relativité restreinte et généralisée n’ont rien des mystiques et fumeuses conceptions d’un Bergson, elles restent d’ordre strictement rationnel et nous en avons déjà indiqué les idées directrices. Il a développé le principe de relativité de la mécanique classique, en substituant à l’ancienne formule des changements d’axes, en géométrie analytique, la formule de Lorenz exprimant la contraction de l’espace et la dilatation correspondante du temps : avec elle la vitesse de la lumière entre en ligne de compte nécessairement. Dès lors le temps, fonction du mouvement, n’est plus uniforme, ni universel ; pas plus que l’espace n’est absolu, vide, homogène et isotrope. Espace et temps sont des propriétés du réel ; en fait il existe seulement des événements étendus et qui durent. C’est par des simultanéités, départ d’un train et position de l’aiguille d’une horloge par exemple, que nous définissons le temps ; ce qui le rend fonction du mouvement et le lie indissolublement à l’espace ; aussi toute modification dans la mesure de ce dernier provoque-t-elle une modification dans sa propre mesure. Notre univers a quatre dimensions : longueur, largeur, profondeur et temps. Enfin il existe une relation nécessaire entre l’énergie et la masse ; toute masse est énergie et toute énergie a une masse.

Dans sa théorie de relativité généralisée, Einsten, poussant plus loin, fait dépendre la gravitation des seules mesures du mouvement. Le continuum espace-temps, trame véritable de notre univers, cesse d’être euclidien, sauf lorsqu’on s’arrête à des éléments infiniment petits. Un super-monde, celui de l’électromagnétisme, régissant les astres comme les atomes, enveloppe et conditionne le monde du sens commun. Accomplissant un nouveau pas dans la voie de l’unité. Le célèbre physicien vient, récemment, de fondre en une seule les deux qualités primitives qu’il avait dû conserver dans sa doctrine de relativité : la gravitation cause de tout mouvement et base de la mécanique d’une part, l’électromagnétisme fondement de l’optique, ainsi que des phénomènes d’électricité et de chaleur d’autre part. Grâce à une construction de l’espace différente de toutes celles qu’il avait imaginées jusqu’ici, il parvient à exprimer, par les mêmes formules mathématiques, changements et lois tant du champ électromagnétique que du champ de gravitation. Au spectre merveilleux qui, parti des ondes ultra-violettes de quelque dix millièmes de millimètre de longueur, passe par les rayons visibles de la lumière et ceux invisibles de la chaleur, pour atteindre les rayons électriques dont la longueur d’onde est parfois de plusieurs kilomètres, en T, S, F, par exemple, il ajoute la seule forme d’énergie jusqu’à