Aller au contenu

Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MAL
1383

mateux, un petit candidat à l’acromégalie (augmentation considérable des extrémités), verront leur visage subir, graduellement, une transformation les moulant, sous l’empreinte de leurs affections dues, la plupart, à une mauvaise alimentation, de famille. Les malades du rein, du cœur, du foie, des poumons, de l’estomac, de l’intestin, de l’innervation, de la circulation, de troubles génitaux, afficheront sur leur visage, en lettres majuscules, la nature et la virulence de leurs maux.

L’examen de l’œil, des dents, des muqueuses, de la peau, de la forme et de la coloration du nez, des joues, des lèvres, offre le moyen de prévoir le mal avant son éclosion. Les oreilles, elles-mêmes, le cheveu, ont leurs attitudes pathologiques.

Pour connaître tout cela, j’ai passé une longue partie de ma vie à des études de sémiologie (art de dépister le mal) et je me suis, un jour, rendu compte que c’était trop de vanité de ma part, puisque je découvrais, enfin, qu’il ne suffit pas de dépister le mal, si on ne peut pas en détruire les causes profondes… ‒ Louis Rimbault.


MALCHANCE (et CHANCE). n. f. de mal et chance. « Le mot chance, chéance, kéance, kéanche (latin cadencia, de cadere, choir) était d’abord un terme du jeu de dés et signifiait le point que donne un dé en tombant (chéant) sur la table, ou bien encore un coup de dé » (Larousse). Sens général : probabilité unilatérale, bonne fortune, succès, tournure privilégiée des événements, attribués au « hasard », aux coïncidences, à l’intervention d’une force protectrice (naissance, signe astral, protection divine, etc.). Voir les mots hasard, jeu, préjugés, religions et religiosité, superstitions, etc. La malchance correspond aux états et aux situations contraires : circonstances hostiles, dénouements adverses, accidents regardés comme malheureux. Plus encore que la chance, la « malchance » saisit l’esprit de ses croyants ; elle leur inspire comme une inquiétude permanente, les frappe de prostration découragée, les incline au fatalisme. Qu’il s’agisse de chance ou de malchance, nous sommes évidemment en présence d’un tri tendancieux de cas fortuits et de déductions qui procèdent des superstitions générales engendrées par la faiblesse, la crédulité et l’ignorance.

Il est logique que les hommes qui s’aventurent dans le tournoi périlleux de la Société contemporaine, de ce capitalisme qui ne doit son pseudo-équilibre qu’au déplacement, calculé et méthodique, des « chances » dont il connait et manie les directives, soient plus souvent des « chançards » et des « malchançards » que ceux qui s’évadent et vivent harmonieusement en la Nature.

Si les mots chance et malchance étaient pris dans le sens exact de leur étymologie, on les confondrait littéralement. En effet, combien de gens prennent pour malchance des épreuves salutaires à l’enseignement de la vie, et qui sont ainsi de véritables chances. Inversement, des chances entraînent à des conséquences désastreuses pour la conscience et l’avenir de ceux qui en sont les privilégiés les plus enviés.

Chance et malchance veulent exprimer la probabilité de réussite, l’alternative ; c’est le coup du hasard, le coup de dés et cependant bien que, ainsi entendu, l’homme demeure étranger à l’issue envisagée, on emploie couramment les expression suivantes : Cela est soumis à bien des chances ‒ Rendre les chances égales ‒ Si nous n’amenons pas toutes les chances à nous ‒ Quand on a les chances contre soi ‒ Calculer les chances ‒ On va tenter la chance, etc.

Si la chance et la malchance sont coup de dés, comment peut-on la calculer ? Comment peut-on entreprendre de l’amener toute à soi ? Avoir les chances contre soi, c’est les distinguer, les identifier ; tenter la chance, c’est en connaître la nature. C’est un peu ce qui se passe dans les sociétés de « veinards », les sociétés

d’hommes les plus austères, les plus rigides, les plus imposantes, se réclamant de quelque église ou politique que ce soit, véritables syndicats de garantie contre les coups d’un destin, (dont ils sont les maîtres !) De peur d’être victimes, ces hommes s’assurent des concours d’influences et d’intérêts, plus ou moins honnêtes, laissant bien loin derrière eux les scrupules enseignés par l’idéal dont ils se réclament. Ils organisent avant tout leurs chances. En somme, toute la morale contemporaine des chançards et des malchançards se tient en ces expressions de l’égoïsme le plus étroit et le moins pacifiste : amener la chance qu’il leur faut, calculer et favoriser la chance (la leur), tourner la chance contre autrui…

Pour nous la malchance, chez nombre de gens, peu clairvoyants, c’est l’épreuve ; la malchance, c’est la nature par trop rudoyée, la justice naturelle méprisée, fixant leurs inéluctables arrêts ; la malchance, c’est l’effet de quelques trahisons envers soi ou envers autrui ; la malchance, c’est la perte de l’appétit après avoir violenté son organisme ; la malchance, c’est être obligé de servir la guerre, corollaire d’une avidité générale ; c’est de payer son tribut de douleur et de déchéance à tous ces faux besoins tels que : Alcool, boissons fermentées, tabac, café, thé, opium, « coco », et aussi l’or, le luxe, les pierreries et tous les hochets, souvent homicides, de la vanité ; la malchance, c’est le total d’une addition de petits mensonges, de dissimulations, de cachotteries envers les petits qui, le plus innocemment du monde, deviennent des mauvais courriers ; la malchance, c’est tomber sous le bistouri du chirurgien après avoir armé le bras du boucher ; la malchance, c’est avoir des mauvais fils, au sang corrompu, après les avoir intoxiqués ou nicotinisés jusqu’aux moelles par une alimentation malsaine et des médicaments par dessus le tout ; la malchance, c’est se voir livré à l’exploitation à vie, pour contenter des vices ou des passions qui s’opposent à la liberté et justifient les parasites, les fraudeurs et leurs juges ; la malchance, c’est refuser son secours aux misérables qui, laissés sans soins, peuvent semer l’épouvante en étendant leurs purulences sur le reste de l’humanité ; la malchance, c’est l’hôpital après la ripaille, indigente ou dorée ; c’est la prison après les performances de l’arrivisme tragique ; c’est la mort stupide après avoir méprisé la vie et l’oubli pour n’avoir jamais existé.

Celui qui ne veut être servi que par ceux qu’il sert lui-même et ne veut connaître de trahisons que celles qu’il avait prévues, après avoir travaillé pour les rendre moins indignes, ne connaît pas la malchance. ‒ L. Rimbault.


MALFAITEUR, MALFAITRICE. n. (latin malefactorem, de male, mal et facere, faire). Couramment : Qui commet des crimes, des actions coupables ou, pour mieux dire, des actes mal considérés par l’opinion et punissables par les lois : jardin saccagé par les malfaiteurs. La loi punit des travaux forcés toute association de malfaiteurs, etc.

Ce qualificatif s’applique à tout individu qui agit dans un sens contraire à la morale, aux mœurs, ou aux lois. Le fait que morale, mœurs, lois, sont essentiellement multiples et changeants ; qu’ils se différencient selon les pays, les climats, les latitudes ; selon le temps, et les développements de l’économie ou de l’intelligence, il s’en suit nécessairement que ce terme de malfaiteur n’a une valeur ni absolue, ni immuable, puisqu’il suit les fluctuations mêmes du Bien, et du Mal (v. ces mots).

C’est ainsi que l’on considère comme « malfaiteur » un ou plusieurs individus qui s’attaquent à la propriété des autres et s’en emparent par la force, ou par fraude, ou par chantage, la propriété étant encore considérée