Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MYT
1758

pes distincts. Calqué sur la société humaine, le monde des divinités est soumis aux mêmes besoins, aux mêmes désirs, aux mêmes passions que les mortels. Et des multiples conflits, résultant de l’opposition de passions contraires, de besoins différents, résulte cette profusion de récits naïfs ou charmants qui composent l’histoire infiniment touffue des dieux. Le personnel divin est alors au complet ; les dieux ont assez de pensée, de raison, pour permettre à l’homme de leur demander pourquoi ils ont créé l’homme. Et la chaîne indéfinie des fictions séduisantes, qui a pour point de départ l’assimilation du ciel et de la terre au premier couple ancestral, aboutit au dualisme moral du bien et du mal. Entre ces deux principes se joue le drame éternel. L’histoire de leur union, de leur séparation, de leurs rivalités, de leurs triomphes et de leurs défaites constitue la trame même des mythologies.

Mais, à mesure que l’horizon intellectuel des peuples s’élargit, que le domaine de l’inconnu diminua, les dieux subirent les mêmes réductions et on en arriva soit au monothéisme, soit au panthéisme. « A leur tour, ces dernières créations mythiques subissent la destinée de leurs devancières », elles s’effritent sous les attaques répétées de la science, malgré les efforts des prêtres et des métaphysiciens qui veulent, à tout prix, rattacher l’homme au divin, sans vouloir comprendre que ce mot n’explique rien, Et si, aujourd’hui encore, la plupart des humains persistent à admettre l’existence d’un dieu, continuent à croire à un dualisme entre deux principes opposés : dieu et le mal, ils ne font qu’obéir à des habitudes intellectuelles qui leur sont imposées par l’atavisme et que renforcent, dès l’enfance, une éducation et une instruction fermées aux progrès de la

science. Parmi ceux qui s’attachent à cette croyance, les uns ne peuvent se résoudre pour eux-mêmes à renoncer aux espérances d’immortalité que les doctrines religieuses font briller à leurs yeux ; les autres y tiennent moins pour eux-mêmes que pour la multitude, ne comprenant pas qu’il puisse exister une morale en dehors de la perspective future des châtiments et des récompenses célestes. Ce qui survit des doctrines religieuses, c’est moins la doctrine elle-même que le besoin qui les a fait imaginer. On s’attache plus aux conséquences en vue desquelles la doctrine a été inventée qu’à la théorie elle-même. C’est dire qu’elle n’existe plus en réalité et que la base chancelante sur laquelle elle repose ne tardera pas à lui faire définitivement défaut. — Charles Alexandre.

Bibliographie. — Michel Bréal : Hercule et Cacus. — Max Müller : Essais sur la mythologie comparée. — Tylor : Civilisations primitives. — And. Lang : La mythologie. — de Milloué : Histoire des religions de l’Inde. — Letourneau : Sociologie ; L’évolution religieuse ; Science et matérialisme. — Hovelacque : d’Avesta, Zoroastre et le magdéisme, — Gérard de Rialle : Mythologie comparée. — Preller : Les Dieux de l’ancienne Rome. — Lefebvre : Essai de mythologie et de religion comparée ; Essai de philologie et de linguistique. — Franz Cumont : Les religions orientales dans le paganisme romain. — P. Decharme : Mythologie de la Grèce antique. — Salomon Reinach : Cultes, mythes, religions ; Orphéus. — Toutain : Étude de mythologie et d’histoire des religions antiques. — A. Haggerty Krappe : Mythologie universelle, etc. Consulter aussi la bibliographie à la fin du mot « Religions ».